Flop ciné : les 10 pires films de 2023

Le mois de décembre est arrivé, et avec lui la saison des bilans et autres récaps de fin d'année. Alors parlons peu, parlons ciné, avec une sélection maison des dix pires films de 2023. De la daube, de la croûte, du navet, oui, mais sélectionné avec soin.

Dans le milieu dans lequel je travaille au quotidien – le poker, pour ne pas le citer – on a tendance à dire que l'on se souvient davantage des moments où le sort nous a été défavorable, que l'inverse. Ni plus ni moins qu'un biais naturel de l'être humain, qui tend à offrir une importance décuplée aux mauvais moments et, à l'inverse, à minimiser les bons. Dans le domaine culturel, notamment le cinéma pour recentrer sur ce qui nous intéresse ici, ce n'est fort heureusement pas le cas. Les bons, voire les excellents films continuent de vivre en nous bien après leur visionnage. Certains chocs, esthétiques ou narratifs, peuvent aller jusqu'à nous hanter.

De l'autre côté du spectre, il faut bien souvent lutter pour se rappeler de ces péloches très moyennes, pour ne pas dire mauvaises, tombées d'elle-même dans le tiroir des "oubliables". Faire remonter à la surface ces souvenirs enfouis et les ordonner, c'est une partie de ma mission dans ces rétrospectives annuelles auxquelles je m'astreins depuis dix ans maintenant, épaulé de mon fidèle tableau Excel et de mon compte Letterboxd tout neuf. À l'heure où ces lignes sont tapées, mon compte de films sortis en 2023 vus en salles ou sur des plateformes s'est arrêté à quatre-vingt tout rond. Forcément, je n'ai pas tout vu. Contrairement à ce que ce chiffre pourrait laisser penser, mon temps est limité et j'ai dû me préserver d'accidents industriels repérés à des kilomètres… pour me rabattre sur d'autres. Donc si vous vous demandez à quoi vous avez échappé cette année, ou que vous cherchez quelqu'un pour partager votre souffrance, vous savez ce qu'il vous reste à faire : scroller.

Historique : 2022 – 2021 – 2020 – 2019 – 2018 – 2017 – 2016 – 2015 – 2014 – 2013

10/ Transformers : Rise of the Beasts, de Steven Caple Jr.

C'est l'histoire d'un mec qui est à Las Vegas pour le travail, comme chaque été ou presque, et qui se dit, "Tiens, quitte à être là, autant en profiter pour aller tester ces salles Dolby Atmos proposant un rendu sonore hors du commun que l'on ne trouve que difficilement en France," et qui se demande deux heures plus tard s'il n'y avait pas une meilleure façon de dépenser ces quinze dollars qu'il ne reverra jamais. Ce Rise of the Beasts n'est probablement pas le pire des films Transformers – pas que je les ai tous vus, j'ai du temps à perdre, mais quand même – mais au fond, c'est un peu ce qu'on lui reproche : d'être tellement générique dans la médiocrité, de ne tenter quasiment rien, pas même de renouveler une formule vieille de plus de quinze ans, qu'il en perd tout intérêt, même ludique. La fin est même une caricature du pire du MCU avec un énième combat à grande échelle de dégueulis de CGI au milieu d'un champ de bataille gris. Ah si, le chef des gentils robots animaux, il s'appelle Optimus Prim…al. Voilà, voilà.

9/ Scream VI, de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett

Eeeeeet c'est le deux à la suite dans ce Flop 10 pour la saga Scream ! Après un cinquième opus sobrement baptisé… Scream (oui, comme le premier, ça rend pas les choses faciles à suivre), qui plongeait la tête la première dans la nouvelle mode dont on se serait bien passé des legacyquels, ce Scream VI en reprend la suite directe, transposant pour la première fois l'intrigue à New York. Ce qui change… à peu près que dalle. Passé une première scène amusante qui joue une fois de plus avec nos attentes, on assiste médusé à une démission progressive de toutes les personnes impliquées sur le projet. À commencer par les scénaristes, qui nous sortent du chapeau à la dernière minute un twist absolument impossible à voir venir. On passe sur le fan-service outrancier inhérent à une franchise dont la place est plus que jamais à un musée. Ne reste maintenant plus qu'une certaine fascination morbide quant à savoir comment les studios vont se dépêtrer du shit show Scream 7, prévu pour 2024.

8/ 65 – la Terre d'avant, de Scott Beck et Bryan Woods

Vous vous souvenez de ce trailer débarqué de nulle part il y a environ un an ? La promesse était folle : Adam Driver contre des dinosaures dans un univers de science-fiction ! Eh bien figurez-vous que ce film est sorti cette année. Si, si. Non mais je vous jure, vraiment. Ça s'appelle 65 – la Terre d'avant, un titre qui spoile d'ailleurs le "twist" du film. Oui, bon bah désolé, et puis c'est pas comme si vous en aviez quelque chose à faire maintenant. Parce qu'autant vous prévenir : quand l'équipe de production du film s'est rendu compte que le studio avait "oublié" un zéro au moment de valider le budget, le projet s'est transformé en : Adam Driver qui marche dans la forêt avec une gamine et un Nerf customisé. En clair, on s'emmerde, mais genre fort. Ce qui en fait d'ailleurs un très mauvais film d'avion si vous aviez prévu de rester éveillé pour lutter contre le décalage horaire (je parle d'expérience).

7/ Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, de Peyton Reed

Oui, le film est aussi moche qu'il en a l'air

Un Flop 10 ciné sans film du MCU ne saurait être un vrai Flop 10 ciné. Et si le numéro 1 de ce classement n'était pas absolument intouchable, cet Ant-Man 3 aurait remporté haut la main la palme du film le plus moche de l'année. À ce stade de surexploitation de fonds verts, l'heure n'est même plus à la haine, mais à la pitié pour tous les acteurs qui ont dû vivre une expérience de tournage traumatisante. En tout cas, si elle était du niveau de celle des spectateurs, il y a de quoi vouloir tourner les talons et quitter l'industrie à grandes enjambées. On pourrait s'attarder sur les enjeux et les péripéties, une fois de plus inconséquents et dégoulinants de mauvais goût, si tout ou presque n'était de toute façon pas de nouveau annulé par la scène post-générique. Dans ce grand miasme qu'est devenu le Marvel Cinematic Universe, Quantumania fait office d'enfant difforme. Il gesticule et braille dans son coin, mais le monde est devenu sourd à ses cris.

6/ Au plus profond, de Laura McGann

Comment un petit film Netflix pas bien méchant sur le papier se retrouve-t-il aussi loin dans ce Flop ? Parce que sous ses atours de gentil documentaire bienveillant sur un couple de plongeurs en apnée, didactique et pédagogue sur ce milieu si particulier et ses nombreuses spécificités, se cache en fait le pire du sensationnalisme "tiré d'une histoire vraie" à la sauce TOU-DOUM. Dès sa scène d'intro déconnectée du reste du récit, le film joue de façon fallacieuse sur la mort imminente de l'un de ses deux protagonistes, laissant planer le doute avec un sens du suspense abject. Tu pensais que c'était elle ? Eh bah non, c'est lui ! On t'a bien eu, pas vrai ? Un procédé d'autant plus répugnant que le récit n'avait pas besoin de cela pour nous captiver et nous toucher. À l'arrivée, ne reste qu'un projet peut-être bien intentionné, mais qui ne fait que salir la mémoire de ceux qu'il pense honorer. Vous pouvez appeler ça de la maladresse. J'appelle ça de la bêtise. Et c'est bien plus difficile à excuser.

5/ La Nonne : La Malédiction de Sainte Lucie, de Michael Chaves

En parlant de puanteur, avouez que, dès le titre de cette suite du plus nanardesque des films du Conjuring-verse, il y a quelque chose de pourri, non ? Nos craintes ne sont jamais chassées par un film qui donne tout ce qu'il a pour rester dans le caniveau où est engluée cette franchise. Sauf que cette fois-ci, on ajoute une grève des éboueurs par-dessus le marché. Les jump scares épuisés jusqu'à la moelle sont encore de la partie et le nombre de morts à l'écran reste toujours aussi faible. D'ailleurs, pas besoin de trembler pour les personnages principaux, sauvés des griffes du malin grâce à la puissance du scénarium, qui fait varier l'intensité des pouvoirs du démon en fonction des situations. S'agirait pas que quelqu'un se fasse mal dans notre train fantôme.

4/ Saw X, de Kevin Greutert

L'escroquerie de l'année, passée à deux doigts du What the Pop, notre prix maison qui récompense les projets fait de n'importe quoi dès le départ. À quel moment des individus sains d'esprit ont pu valider un film qui cherche à provoquer chez le spectateur un quelconque sentiment d'empathie, envers un personnage qui a passé neuf films à élaborer des pièges comptant parmi les plus gerbants de la création. Ce, dans une photo indigne d'un téléfilm de M6 et en poussant à onze les potards des filtres jaunasses. Vous comprenez, on est au Mexique. J'ai vu Breaking Bad moi, monsieur ! Même la logique desdits pièges est poussée jusqu'à l'absurde. À quoi bon passer les trente dernières secondes de ta vie à essayer de te sectionner la jambe avec un fil à couper le beurre quand tu peux juste… attendre et mourir de façon nette et sans bavure ? Pourquoi ? Tout simplement : pourquoi ?

3/ Beau is Afraid, de Ari Aster

Tout avait pourtant plutôt bien commencé. Une première demi-heure hallucinée, claustrophobique, misanthrope à souhait, qui ne mettait pas seulement à nu les névroses de son réalisateur mais faisait résonner certains des maux les plus actuels de notre monde. Problème : la séance de psychanalyse de trois heures ne faisait que commencer. À mesure que Beau/Ari s'enfonce de plus en plus profondément en lui, il nous est chaque minute un peu plus étranger. C'est alors à nous, spectateur, de faire le deuil d'un film à la structure pourtant bien visible, mais qui ne cherche à être rien d'autre que le reflet vaniteux de son auteur désabusé. Un cliché ambulant, où chaque nouvelle tentative de forme ne cherche qu'à cacher la vacuité du fond, à l'image de cette ultime scène insupportable, qui se complait à enduire de sel des plaies encore béantes. Trois heures pour ça. Pour citer mon confrère Gauthier Jurgensen, peut-être a‑t-on trop dit à Ari Aster qu'il était génial. Au point qu'il s'est cru capable de raconter n'importe quoi, n'importe comment. On lui souhaite un prompt retour à la réalité, après nous avoir offert l'expérience cinéma la plus éprouvante de l'année.

2/ Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu, de Guillaume Canet

C'est ici la convention des cosplayers anonymes ?

Nous y voilà. Le film sans qui le reste du cinéma français était amené à mourir. Quand il est intéressant de noter que rien de ce qui est sorti après lui au sein de la production tricolore cette année n'est parvenu à s'abaisser à son niveau – même si certains ont essayé très fort. C'est bien simple, L'Empire du Milieu va piocher dans les pires travers de chacun des films Astérix sortis avant lui. De Contre César, il embrasse le côté comédie franchouillarde à la papa,  potache et délurée. De Mission Cléopâtre, il garde le copinage teinté de népotisme des plus grandes années Canal. Pour ce qui est de Aux Jeux Olympiques, c'est l'aspect film de producteur sous influence complètement débridé, qui s'embarasse de caméos inutiles. De l'oublié Au service de sa Majesté enfin, il récupère la ringardise instantanée et la mise en scène morne sans aucune prise de risque. Comme si cela ne suffisait pas, s'ajoutent une absence totale de timing comique, comme une volonté manifeste de ne rien proposer, pour s'assurer de n'essuyer aucun reproche. De toute façon, on ne peut plus rien dire. À moins que l'on n'ait tout simplement rien à dire. Dans ce cas, mieux vaut se taire. Comme disait Patrick Sébastien : "Ça f'rait du bien à la France."

1/ The Flash, de Andy Muschietti

Ezra Miller contemplant son destin

Cette année, et même au sein de ce Flop 10, il y a tous les autres. Et il y a The Flash. Alors oui, vous allez me dire : "Dis donc Fleg', c'est pas très sympa de taper sur un film à terre, qui a connu un enfer de production total et qui se faisait déjà défoncer partout bien avant sa sortie." J'entends bien. Sauf que ce n'est pas moi qui ait décidé de faire venir à la réalisation le tâcheron Andy Muschietti – responsable des deux dernières adaptations calamiteuses de Ça. Ce n'est pas moi non plus qui suis l'un des acteurs les plus toxiques de ma génération, et qui se traîne un nombre de casseroles plus bruyants encore qu'un membre du gouvernement français. Ce n'est pas moi enfin qui ai décidé de faire de ce projet l'alpha et l'omega de toutes les pires dérives de la pop culture de ces dernières années.

The Flash se base sur un multivers putassier qui déterre des cadavres oubliés pour les forcer à danser une gigue morbide sur l'autel d'un fan-service écœurant de connerie. C'est une agression visuelle de chaque instant, qui place encore un peu plus haut le curseur du je‑m'en-foutisme des studios. Je n'irai pas plus loin parce que je me suis déjà bien énervé lors des Pop d'Or en lui décernant mon Poop d'Or, soit la récompense du pire de l'année, mais il est évident que The Flash est un film qui n'est tout simplement pas fini. En dépit du bon sens, des exécutifs ont décidé de le jeter du berceau tel quel, comme ça pour voir. Parce qu'après tout, si ça fonctionne (non), pourquoi s'embêter ? Encore une fois, n'en voulez pas aux petites mains responsables de ce gâchis, qui n'ont probablement eu ni le temps, ni l'argent, ni les conditions nécessaires pour produire du bon boulot. Pensez plus grand et visez plus haut. On vaut tous mieux que ça.

Fin du défouloir, le pire est désormais derrière nous. On se donne maintenant rendez-vous dans un deuxième article, beaucoup plus positif, qui s'attardera au moins aussi longuement sur les réussites de cette année cinématographique 2023. Réjouissez-vous d'avance : elles sont nombreuses !