Le 31 janvier 2002 sortait en France Le Pacte des loups, deuxième long-métrage de Christophe Gans. Improbable greffe de 2h20 entre cinéma d'aventure classique en costumes, film de monstre, film de kung-fu et wu xia pian, elle prend contre toutes attentes auprès du grand public, avec plus de 5 millions d'entrées chez nous. Pourtant, vingt ans plus tard, les sillons creusés par ce prototype hybride n'ont pas été investis par un cinéma national trop frileux, habitué à museler ses rares auteurs à poigne. Dernier vestige d'un temps révolu, l'héritage du Pacte des loups est-il donc amené à rester lettre morte ?
Ça sent le Pathé
Que vous vous intéressiez de près ou de loin au cinéma, vous n'avez pas pu passer à côté. Ce premier semestre 2023 allait être celui où les studios Pathé allaient sauver le cinéma français. Ou plutôt, celui où le public allait couler le cinéma français s'il n'allait pas voir en masse les deux prochains films de la maison historique dirigée aujourd'hui par Jérôme Seydoux : Astérix et Obélix : L'Empire du milieu et Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan. Pensés, budgétés et produits comme des blockbusters "à la française" mais aussi capables de bien s'exporter à l'étranger, ils se devaient de réunir un large public, sous peine de ne pas rentrer dans leurs frais, précipitant ainsi la mort d'un certain cinéma populaire bleu-blanc-rouge.
Une campagne marketing un brin horripilante qui n'a que peu porté ses fruits. Victime notamment d'un bouche-à-oreille désastreux, la carrière en salles de la cinquième adaptation live du petit Gaulois s'est s'achevée autour de 4,5 millions d'entrées – loin des 14,5 millions de Mission Cléopâtre – tandis que Athos, Portos, Aramis et consorts vont bon an, mal an, franchir la barre des 3 millions, en dépit d'une distribution cinq étoiles. Des résultats bien en deçà des attentes du studio. S'il est rarement utile de se réjouir du (relatif) échec d'un film, on a tout de même envie de dire que ces deux-là l'avaient bien cherché. D'un côté, un projet sans âme porté mollement par un réalisateur/acteur principal anesthésié et rassemblant les pires idées issues des quatre adaptations précédentes ; de l'autre, une volonté évidente de moderniser le film d'épées, mais qui se prend les pieds dans la cape en tentant de singer ce qui se fait à l'international. Oui, il arrive aussi qu'on ne soit pas d'accord entre membres de l'équipe !
Dans les deux cas, ce qui saute aux yeux, c'est le manque de sincérité, remplacé par un cynisme froid bien de son époque. Rien de bien rassurant en attendant la deuxième partie, Milady, qui sortira le 13 décembre, et Le Comte de Monte-Cristo avec Pierre Niney dans le rôle titre, prévu pour octobre 2024, toujours signé Pathé. Alors avant de se poser en donneurs de leçons, ces deux films et leurs équipes auraient mieux fait de regarder vingt ans en arrière, pour en prendre du côté d'un projet qui a su embrasser son héritage culturel, s'en servant comme d'un terreau où faire pousser les multiples influences d'un auteur en pleine confiance. Dans un contexte très différent, certes, mais sans formule toute faite, sans mettre le couteau sous la gorge du spectateur, mais avec beaucoup de talent, de patience et de résilience, Le Pacte des loups a su captiver l'auditoire de son époque. Mais par quel miracle ?
Être à la auteur
En 2023, la notion de blockbuster d'auteur peut porter à sourire. À l'heure de la mainmise de l'Empire Disney sur une gigantesque part de la culture pop, ils ne sont plus qu'une poignée à pouvoir faire financer leurs films sur la seule force de leur nom et leur offrir une large distribution en salles : Christopher Nolan, James Cameron, George Miller, James Gunn voire Edgar Wright dans une certaine mesure. En France, c'est une autre histoire. Malgré une liste longue comme le bras de cinéastes passés à la postérité et adulés dans le monde entier, le grand public national a surtout eu tendance à associer un film à son acteur principal. On allait d'abord voir le dernier Louis de Funès, le nouveau Pierre Richard, Gabin, Belmondo, Delon ou Bardot. Ces dernières années, les têtes d'affiche étaient plutôt Jean Dujardin, Kad Merad ou Dany Boon. Les films se bâtissaient sur et autour d'eux, assurant un succès commercial à défaut de critique. Même dans un pays qui a défini au milieu des années 1950 la politique des auteurs, premier clapotis qui fera se déferler la Nouvelle Vague, l'auteur/réalisateur restait (le plus souvent) au second plan. C'est ce qui rend un projet comme Le Pacte des loups d'autant plus surréaliste.
Preuve supplémentaire que l'histoire est un éternel recommencement, comme ce fut le cas une quarantaine d'années auparavant, il faut l'apparition d'un ancien critique de cinéma pour faire bouger les fondations, avec cette fois Christophe Gans dans le rôle de François Truffaut. À quelques "petites" différences près. Né en 1960, Gans est le pur produit de la démocratisation du cinéma qui a lieu dans le courant des années 1970. Après des études de cinéma, il devient rédacteur en chef de feu Starfix, magazine spécialisé dans ce que l'on appelle faute de mieux le "cinéma de genre", rattaché principalement à l'horreur, l'action et la science-fiction. On y encense des cinéastes ignorés voire moqués du reste de la critique tels que John Carpenter, David Cronenberg, Brian de Palma ou Dario Argento.
Mais si Gans est particulièrement révéré par une génération de cinéphiles aujourd'hui quarantenaire, c'est pour la création en 1997 de la revue HK Magazine, complétée d'une collection vidéo. Tout un pan du cinéma asiatique qui n'était que très peu accessible chez nous parvient soudain sous nos latitudes. Entrent alors John Woo, Tsui Hark, Takeshi Kitano ou encore Hayao Miyazaki, préfigurant l'arrivée en force du soft power japonais puis coréen. Sauf que Gans n'a pas attendu. Deux ans plus tôt, il réalisait son premier long métrage, Crying Freeman, adaptation du manga éponyme de Kazuo Koike et Ryôichi Ikegami. Une co-production franco-nord-americano-japonaise racontant l'histoire d'un tueur obligé de protéger des griffes d'un gang de yakuzas une jeune peintre témoin d'un meurtre. Un pur délire de geek de l'époque, qui se paie le double luxe de trouver son public et d'être salué par la critique. La lumière est sur Christophe Gans, la suite sera encore plus épique.
Gans de velours
En 1998, Gans reçoit de Stéphane Cabel une première ébauche de ce qui sera le script du Pacte des loups, et accepte dans la foulée de travailler sur le projet – damant le pion au passage au premier choix Laurent Boutonnat, réalisateur de nombreux clips de Mylène Farmer et plus tard de Jacquou le Croquant, on l'a échappé belle. L'histoire se base sur le mythe de la Bête du Gévaudan, grand loup qui a terrorisé la Lozère entre 1764 et 1766, à qui l'on attribue près d'une centaine de victimes. Clin d'œil du destin, Gans est fasciné par la Bête depuis tout petit et la vision de ce qu'il présente comme "un téléfilm pseudo-documentaire en noir et blanc".
Il retravaille alors le script à la lumière de ses propres influences, et s'appuie sur le soutien du producteur Samuel Hadida, cinéphile patenté lui aussi, qui l'avait déjà suivi sur Crying Freeman. De ce dernier, il reprend également l'acteur principal, Marc Dacascos. Champion d'Europe de kung-fu au début des années 1980, passé au cinéma et la télévision au carrefour des années 1990, ce natif d'Honolulu aux origines multiples (Japon, Irlande, Chine, Philippines…) est un artiste martial accompli en plus d'un monstre de charisme. Après avoir longtemps traîné ses guêtres dans des DTV pas bien fameux, il se révèle au grand public en incarnant The Crow dans la série TV éponyme à partir de 1998 – avant de revenir tataner Keanu Reeves dans John Wick Parabellum. Dacascos reprend ainsi le rôle de feu Brandon Lee, tué sur le tournage du film cinq ans plus tôt, et fils d'un certain Bruce, idole d'enfance absolue de Christophe Gans. La boucle HK est bouclée.
D'emblée, Gans voit grand pour Le Pacte des loups. Très grand. Envoûté par le personnage de Mani, compagnon du chevalier Grégoire de Fronsac, revenu avec lui des anciennes colonies de Nouvelle-France suite au massacre de son peuple, Gans entrevoit l'Indien comme sa porte d'entrée sur l'univers du film. Il pense alors son long-métrage à l'image du somptueux Dernier des Mohicans de Michael Mann, avec un tournage en grande partie en décors naturels, entre Dordogne, Gers, Gironde ou encore Hautes-Pyrénées. Côtés décors, costumes et ambiance générale, le réalisateur va plutôt puiser du côté de la saga Angélique, série de films d'aventures des années 1960 se déroulant au temps de Louis XIV. Quant à l'intrigue globale, du propre aveu de Gans, elle se calque sur celle de La Rage du tigre, l'un de ses films cultes réalisés par un de ses cinéastes préférés, Chang Cheh, et produit par la mythique société Shaw Brothers. Autant vous dire qu'en 2001 – mais encore aujourd'hui – peu nombreux sont ceux à avoir la ref'.
La Bête humaine
Face à un patchwork aussi foutraque sur le papier, on est en droit de se demander comment le grand public y a trouvé son compte. L'une des pistes nous invite à considérer Le Pacte des loups comme un pont entre les générations, ce qui donne au film un aspect schizophrène pas déplaisant. Pour asseoir le statut de film en costumes respectable, on convoque des acteurs établis du cinéma français, comme Jean Yanne, Jean-François Stévenin, Jacques Perrin ou Édith Scob. En face, place à la jeune garde, représentée alors par Samuel Le Bihan (oui, oui), Émilie Dequenne et Jérémie Renier (tous deux à l'affiche deux ans plus tôt de la Palme d'Or Rosetta) et Monica Bellucci, alors principalement connue en tant qu'égérie de mode et représentante d'une nouvelle génération de "supermodels" qu'en actrice accomplie. Déjà en vue après La Haine et Dobermann et alors qu'il en termine avec le tournage des Rivières Pourpres, Vincent Cassel complète ce casting éclectique à fort potentiel. Aujourd'hui, on se délecte de voir Marc Dacascos donner la réplique en français à un Jean Yanne en perruque. C'est un peu comme si Russell Crowe et Didier Bourdon se retrouvaient à s'envoyer des scuds sur un terrain de tennis d'un vignoble de Provence…
À cela s'ajoute un fort ancrage "du terroir", au sens noble du terme. Si tous les Français ne sont pas familiers avec le mythe de la Bête du Gévaudan, loin de là, le public conserve une appétence pour les légendes folkloriques matinées d'enquêtes policières, comme le prouvent, exemple entre mille, le succès sans cesse renouvelé de chaque nouveau roman de Fred Vargas. Et alors que le panel de références citées plus haut échappe à la majorité des spectateurs, c'est le caractère familier du film de capes et d'épées "à la papa" qui les attire en salles. Enfin, il ne faut surtout pas négliger la sortie deux ans plus tôt d'un autre melting pot ultra-référencé devenu carton du box-office : Matrix. Samuel Hadida ne se prive d'ailleurs pas de vendre le film un peu partout comme "un Matrix en costumes". L'affiche, de son côté, transforme Grégoire de Fronsac et Mani en Batman & Robin du XVIIIe siècle, dans des tenues reconnaissables au premier coup d'œil et immédiatement iconiques – qui ne sont pas sans rappeler un certain Bloodborne. En clair, et sans que personne ne s'en rende bien compte, spectateurs comme producteurs ou réalisateur, Le Pacte des loups est condamné à être un triomphe. Il tombe pile au bon endroit, au bon moment.
Loup y es-tu ?
Pourtant, et c'est tout son paradoxe, le film est également l'un des derniers vestiges d'une époque révolue, ce que racontent son prologue et son épilogue. Car la partie centrale du film, la traque de la Bête, n'est en réalité qu'un long flashback, un récit encapsulé couché sur papier lors d'une nuit sombre marquant la fin d'une époque. Le personnage de Jacques Perrin, narrateur iconique du cinéma français, se mélange alors à Christophe Gans, livrant là l'un des derniers testaments de ce qui a été mais ne pourra plus être. Le parallèle est évident quand on sait que le cinéaste se définit lui-même comme un réalisateur "classique". Hors, ce cinéma-là est en train de s'éteindre en même temps que le XXe siècle.
Durant les années 1990, ses derniers représentants, et non des moindres, se nomment Impitoyable, Danse avec les loups, Casino, Titanic ou encore le déjà cité Dernier des Mohicans. Le 11 septembre 2001 viendra définitivement enterrer le mouvement, consacrant un nouveau genre de blockbusters, beaucoup plus ancré dans un monde bouleversé en pertes de repères, moins avide de grandes fresques "à l'ancienne". Ce changement de paradigme, Christophe Gans le perçoit. Et plutôt que d'y porter un regard cynique ou désabusé, il préfère rendre hommage au temps passé, en apportant sa pierre à un édifice sur le point de s'écrouler. Aucune amerture, point de rancœur, pas de nostalgie outrancière, rien que de l'amour inconditionnel.
Bien sûr, tout cela n'empêche pas Le Pacte des loups d'être profondément ancré dans son temps. Revoir le film plus de vingt ans après sa sortie, c'est s'exposer à des images numériques datées et quelques tics de mise en scène propres aux années 2000, comme ces ralentis omniprésents et un brin tape-à‑l'œil lors des scènes d'action – un héritage plus ou moins conscient du cinéma de John Woo, friand de cette technique. Les sagas Jason Bourne, Le Transporteur ou Taken ne sont pas encore passées par là, mais on saisit déjà une volonté de dynamisme, pas très loin de celle d'un Ridley Scott pour Gladiator. Gans conserve toutefois une réelle maîtrise sur le montage, pour garantir au spectateur une perception de l'espace en toutes circonstances et la lisibilité de chorégraphies martiales impressionnantes.
Cœur de loup
Maintenant que tout cela a été dit, il est évident que Le Pacte des loups ne réussit pas tout. Christophe Gans ne s'en cache pas : lors des scènes d'ensemble, beaucoup plus dialoguées, faisant parfois intervenir plus d'une dizaine de personnages, il a eu tendance à "se reposer", laissant de côté la mise en scène pour une réalisation nettement plus fonctionnelle. Sans doute était-ce sa manière de trouver son propre équilibre lors d'un tournage long (140 jours) et éprouvant. "Après le premier jour, nous avions déjà une semaine de retard sur le planning !", lâche-t-il dans un entretien en bonus de la ressortie Blu-ray de 2022.
D'ailleurs, qui dit profusion de personnages dit également nombreuses sous-intrigues, dans lesquelles le film a parfois tendance à se perdre, et le spectateur par la même occasion, surtout lors de la dernière demi-heure. Le Pacte des loups a beau s'étaler sur 140 minutes, il en manque presque une vingtaine pour poser un peu plus clairement certains enjeux et ralentir un rythme de cheval fou lancé au grand galop. Ne comptez cependant pas sur une nouvelle version : Christophe Gans fait partie de ces réalisateurs qui laissent leurs films une fois sortis aux mains du public. Ne comptez pas sur nous pour y trouver quoi que ce soit à redire. C'est aussi pour ses menus défauts, conséquences de sa générosité parfois excessive, que l'on aime Le Pacte des loups.
Qui a peur du grand méchant loup ?
Alors quoi, on en reste là ? On se quitte bons amis avec une tape franche dans le dos en soulignant cette trop rare prise de risque payante, désormais partie intégrante de la pop culture française ? Malheureusement non, justement parce que la pop culture française n'a pas suivi. On peut pointer du doigt les studios et leurs producteurs. "Certains ont l'amour du cinéma en eux, mais la plupart n'ont pas envie de se faire chier," glisse Christophe Gans, dans la même conversation que celle citée plus haut. On peut également blâmer l'époque, peu encline à laisser un tel auteur s'exprimer. Toujours est-il que la suite de la carrière du Français laisse bien des regrets.
À l'image d'un Alexandre Aja (La Colline a des yeux, Piranha, Crawl), il part ainsi aux États-Unis pour tourner son film suivant. Sortie en 2006, son Silent Hill est une adaptation certes imparfaite mais respectueuse du matériau de base, ce qui lui vaut d'être globalement bien reçue par les fans. Il faut attendre huit ans de plus pour que sorte de terre son quatrième et dernier long-métrage à ce jour, une nouvelle adaptation, celle de La Belle et la Bête, avec Léa Seydoux et Vincent Cassel dans le rôle titre. Ironie du sort, c'est Pathé qui lui laisse les rênes du projet, avec un budget conséquent de 45 millions d'euros, soit neuf de plus que D'Artagnan, neuf ans plus tôt. Il faut l'exploitation à l'internationale pour sauver financièrement le film, avec 3,8 millions d'entrées cumulées.
Un rattrapage in extremis qui achève de griller dans l'Hexagone un réalisateur déjà classé comme "à risques". Car les projets finalisés de Christophe Gans en disent moins que ceux qu'il n'a jamais réussi à concrétiser. Dans la foulée de Crying Freeman, il tente ainsi de mettre sur pied Nemo, une origin story du fameux capitaine créé par Jules Verne, transposée durant la guerre civile américaine. Samuel Hadida se joint de nouveau à l'aventure côté production, mais à l'aune du tournage en 1999, le projet tombe à l'eau [insérez rire enregistrés] pour "différents créatifs". Gans se jettera de nouveau à l'eau vingt ans plus en essayant de faire émerger [bruits de cymbales] sa propre adaptation de Vingt mille lieux sous les mers, là encore sans succès. Et que dire de son autre serpent de mer [OK promis j'arrête], celui d'un film live adapté du Corto Maltese de Hugo Pratt, qui a jusque-là dû se contenter d'un film d'animation sorti en 2002. Malgré un tournage annoncé courant 2019, cette nouvelle tentative restera elle aussi au rang de fantasme.
Une faim de loup
De tous ces échecs découlent deux tristes constats. Le premier est de laisser aux mains des autres un imaginaire de fiction national dense, riche et célébré partout dans le monde. Il suffit de reprendre l'exemple de Jules Verne. Voyage au centre de la terre s'est transformé en franchise entre 2008 et 2010, avec deux films portés par Brendan Fraser et Dwayne Johnson. Le Tour du monde en 80 jours est devenu une comédie d'aventure potache typique du début des années 2000 avec Jackie Chan dans l'un de ses pires rôles à Hollywood. Et l'une des dernières apparitions du capitaine Nemo au cinéma remonte à une Ligue des Gentlemen extraordinaires de sinistre mémoire. Si l'on extrapole, à travers les adaptations Disney de La Belle et la Bête, Ratatouille, Minuit à Paris et plus récemment Emily in Paris, ce sont encore et toujours les Américains qui réussissent le mieux à mettre à l'honneur une certaine idée de la France. Quand donc les Français n'ont de cesse d'américaniser leurs propres productions.
Le deuxième est que des auteurs comme Christophe Gans ne semblent plus avoir pour seul horizon que l'étranger, ou des plateformes comme Netflix et Prime Video. Sans nul doute lassé et épuisé de ses déboires successifs avec le système de production tricolore, il a mis à profit les deux années de pandémie pour écrire deux scripts, pour deux nouvelles adaptations de classiques de l'horreur japonaise en jeu vidéo : un reboot de Silent Hill désormais prévu pour 2024 après avoir été annoncé pour cette année, et un film Projet Zero, prévu pour se dérouler au Japon. "Dans les deux cas, j’ai écrit sous la supervision des équipes de Konami et de Tecmo," précise Gans, se déclarant désireux "d’arriver à un point d’équilibre entre le jeu vidéo et le cinéma."
En 2002 déjà, dans un numéro des Cahiers du Cinéma dédié au jeu vidéo, Gans appelait à "une prise en compte idéologique dans les jeux (…), où l'on comprendrait que tuer un adversaire n'est pas la panacée, que pardonner ou s'entraider permettraient d'aller plus avant dans le jeu." Des concepts qui ont infusé lors des années suivantes, se concrétisant pour le grand public dans des pièces maîtresses comme The Witcher 3 ou The Last of Us. Geek patenté before it was cool, Gans avait d'ailleurs saupoudré Le Pacte des loups de références vidéoludiques. Le fléau d'armes de Vincent Cassel est certes calqué sur celui du méchant de La Rage du tigre mais rappelle aussi celui d'Ivy dans SoulCalibur. Oui, l'éventail tranchant de Monica Belluci – un Tessen Muji pour les profanes – fait partie des armes classiques du kung-fu, mais il renvoie forcément à celui de la Kitana de Mortal Kombat. Donc oui, Le Pacte des loups a été pensé pour vous, pour nous les férus de pop culture en tous genres. Il doit nous rappeler qu'à une époque pas si lointaine, le mot "populaire" avait encore un sens noble. Et si Le Grand Pop a une mission, c'est bien celle de faire perdurer ce sens le plus longtemps possible. Avec vous ?
Crédits images : critique-film.fr, slate.fr, furyosa.com