Commençons par une citation d'André Maurois.
Le retard est la politesse des artistes.”
Une bien belle phrase à la con de l'ami Dédé, qui permet de me prouver à moi-même une bonne fois pour toutes que je ne suis décidément pas fait pour être un artiste. Car s'il y a bien une chose que je déteste, que dis-je, que j'abhorre – mais peut-être pas autant que de sentir l'eau s'infiltrer dans mes chaussures et venir humecter le bout de mes chaussettes -, c'est d'être un retard. Et pourtant, me voici, à vous proposer un bilan cinématographique de l'année 2017 en février 2018, alors que vous avez sans doute vu défiler plus encore de Tops en tous genres entre la fin de l'année précédente et le début de celle-ci que vous n'avez englouti de parts de galettes des Rois. Celles à la frangipane hein, pas les brioches moelleuses avec les trucs confis verts et rouges dégueulasses sur le dessus. Mais que voulez-vous, il aura suffit d'un énième plantage de la carte mère de mon PC et de deux semaines de vacances (soyez pas deg') pour me faire perdre un mois.
Cette année donc, pas de long discours introductif, pas de leçon de vie à vous offrir, pas de "LE CINÉMA VA MOURIR" mais tout de même un petit constat : 2017 ne m'aura pas fait vibrer comme je l'aurais voulu. Un propos à nuancer et que je désavouerai peut-être dans quelques temps, comme cette année 2016 dont je ne sortais pourtant pas transcendé il y a douze mois et qui me met maintenant des étoiles dans les yeux. Mais avec une petite soixantaine de films visionnés, non seulement j'en ai vu moins que l'année précédente, mais je n'ai en plus pas eu l'impression d'être passé à côté de grand-chose. Probablement la raison pour laquelle je me contenterai ici d'un Top 10, d'un Flop 5 et d'une mention spéciale en forme d'indécision, de manière à mieux appuyer sur les films qui ont véritablement marqué mon année 2017. Le tout, sans notes (avec tout ce retard, je les ai perdues), sans filet, sans gluten (je déconne, ça va pas non) et sans concessions, mais avec toujours mon avis perso à moi, aussi subjectif soit-il.
Historique (pour les complétistes)
Bilan 2016
Bilan 2015
Bilan 2014
Bilan 2013
Flop 5
5/ Mother !, de Darren Aronofsky
Une métaphore lourdingue du processus de création artistique qui réussit le triple tour de force de faire inutilement durer son énonciation et de faire traîner en longueur une dernière partie interminable, alors même que l'on avait vu venir le twist final dès le milieu du film. Après le naufrage Noah (vous l'avez ?), on en vient à se demander où est passé le réalisateur génial de Requiem for a Dream, The Wrestler et Black Swan.
4/ Valérian et la Cité des Mille Planètes, de Luc Besson
Aucune métaphore ne convient mieux à ce Valérian made in Besson que la fameuse Cité qui lui donne son nom. Ce film, c'est un gloubiboulga informe de lieux, personnages, créatures, situations, arcs scénaristiques (Rihanna et Alain Chabat, inutiles) engoncés les uns dans les autres sans cohérence visuelle ou narrative. Entre les textures – terme que l'on préférera ici à "décors" – criards à souhait, et qui piquent les yeux comme une mauvaise cinématique de jeu vidéo génération PS3/360, et les personnages principaux en forme d'archétypes sur pattes, l'impression d'avancer en terrain connu est partout, le dépaysement, nulle part. Après avoir visité mille planètes, avouez que c'est fort.
3/ Alien : Covenant, de Ridley Scott
En route vers un nouvel oasis planétaire, des colons de l'espace dévient de leur trajectoire pour décider d'explorer une planète inconnue, mettant au passage en péril une mission sur laquelle repose une partie de l'avenir de l'Humanité… parce qu'ils n'ont pas très envie de repasser en mode sommeil cryogénique. Problème de taille : la planète en question habite une forme de vie qui ne semble pas vouloir que du bien à nos chers petits couples, et qui va s'empresser de les décimer un par un. Hey mais attendez, on n'a pas déjà vu ça quelque part ? Oh que si Jean-Germain, plus d'une fois. Et en mieux, en bien mieux. À croire que l'ami Ridley ne sait plus construire un film correctement, et se contente de reproduire le même schéma, encore et encore, en rendant à chaque fois ses personnages de plus en plus stupides et transparents. On en viendrait presque à encourager les Xénomorphes à en finir plus vite, s'ils ne ressemblaient pas de plus en plus à de ridicules chiens/lézards verts en CGI. Si le fan de la saga (dont votre serviteur éploré) trouvera son bonheur dans deux scènes toutes en puissance d'évocation (l'une de destruction, l'autre de création) et via une révélation qui offre un éclairage nouveau sur l'ensemble de la série, il ne pourra pas lui pardonner tout le reste, désespérément plat et, au final, profondément inutile. Allez, congelez-moi tout ça, et qu'on n'en reparle plus !
2/ Justice League, de Zack Snyder
Aussitôt vu, aussi oublié. Le DC Cinematic Universe manque toujours autant de personnalité, à l'image de son gros méchant de l'espace, sorte de Thanos low cost tout aussi invincible mais finalement détruit par le pouvoir de l'amitié. À moins que ce ne soit Superman. Oui, le type qui était mort mais qu'on savait qu'il allait revenir et qui redevient gentil grâce au pouvoir de l'amour. Merci Lois, tu peux retourner bosser maintenant. Un énième film de super-héros qui ne sait pas gérer son rythme et file aussi vite qu'un Aquaman en giga kiff en pleine crue de la Seine. Résultat des courses, ni les enjeux, ni les personnages ne prennent le temps d'être correctement introduits et, faute de respirations suffisantes, le climax final fait l'effet d'un pétard mouillé. L'avantage, et il est de taille, c'est que les deux heures du film passent relativement vite. Mais honnêtement, épargnez-vous cela, vous ne trouverez rien de nouveau ici.
1/ Star Wars VIII : les Derniers Jedi, de Rian Johnson
Comme l'ami MenraW, de ces Derniers Jedi, j'ai tout détesté ou presque. Bon OK, j'ai éclaté de rire au moment de la scène du fer à repasser. Et parce que je le rejoins sur une grande majorité de points, et qu'il s'est défoncé comme jamais pour vous pondre un article sur la saga Star Wars tellement colossal qu'il a été obligé de le diviser en trois, je vais vous demander d'attendre encore un tout petit peu, pour savourer le premier épisode d'une épique trilogie qui, elle, ne brisera pas en mille morceaux vos rêves d'enfants mais au contraire vous redonnera foi en l'humanité. Que la Force soit avec vous, toujours.
Mention spéciale : Blade Runner 2049, de Denis Villeneuve
Au sortir de ce Blade Runner 2049, je n'étais que circonspection. Suite d'une oeuvre majeure que j'adule – que je n'aurais peut-être pas dû revoir la veille… suivie de son making-of de 3h30 – je n'étais pas franchement sûr d'aimer ce qu'il apportait à un univers dont j'appréciais l'opacité et les contours volontairement flous. Pas certain non plus de comprendre les motivations de son méchant caricatural et pas convaincu enfin par ses longueurs qui m'auront entraînées plus d'une fois aux frontières de l'ennui. Et le temps a fait son œuvre. La patte de Denis Villeneuve, si dure à identifier et pourtant si prégnante, est resté ancrée et n'a cessé de me travailler, tout comme la plastique irréprochable du film, parsemé de plans dont on ne sait pas très bien s'ils sortent d'un rêve ou d'un cauchemar. Et puis sa musique, signée d'un Hans Zimmer qui continue de nous épater, a inlassablement vibré dans mon crâne. C'est indéniable, Villeneuve a fait le film qu'il voulait. Je ne sais toujours pas s'il me plaît – il faudra un deuxième visionnage pour ça – mais je sais qu'il me hante.
Top 10
10/ Le Caire Confidentiel, de Tarik Saleh
Sans aucun doute la place la plus difficile à attribuer de ce Top. Du crépusculaire Logan au malsain Brimstone en passant par le malin Tunnel (à croire que 2017 était l'année des films en un seul mot), les prétendants étaient nombreux. Mais parce qu'on ne se refait pas, je me devais de donner à ce bilan sa dose de polar, surtout lorsqu'il est aussi maîtrisé que ce Le Caire Confidentiel, première réalisation d'un Tarik Saleh que l'on ne manquera pas de suivre de près. Tous les bons ingrédients sont là : un policier torturé, impeccablement interprété par Fares "MenraW" Fares (non mais matez-moi ce nez !), prêt à tout pour faire tomber les puissants même, et surtout, pour les mauvaises raisons ; un terrain de jeu urbain cradingue ; un contexte politique particulièrement tendu (la révolution populaire de 2011 contre le régime d'Hosni Moubarak) et une volonté claire de pointer du doigt la schizophrénie et l'hypocrisie de la société égyptienne. Dans le même genre, on vous recommande aussi l'étouffant Que Dios nos Perdone, et son excellent "duo de flics que tout oppose," classique mais efficace.
9/ Coco, de Lee Unkrich et Adrián Molina
À chaque nouvelle sortie, la même interrogation : à force d'enchaîner les suites sans ailerons ni roues – oui Cars 2 et 3, c'est de vous que je parle – le studio Pixar ne risque-t-il pas de perdre de son génie créatif et de sa capacité à nous surprendre ? Cette année encore, force et de constater que la réponse reste négative. Car la petite lampe gigoteuse sait transmettre le relais au bon moment pour faire émerger de nouveaux talents. Épaulé par le vétéran Lee Unkrich, co-réal' du Monde de Nemo avant de se lancer en solo sur le brillant Toy Story 3, c'est cette fois le Mexicain Adrián Molina qui sort du bois, avec cette histoire de recherche d'identité au cœur du monde des morts. Si l'appel du pied à la communauté latino des États-Unis est on ne peut plus appuyé, on s'incline une nouvelle fois devant l'inventivité visuelle, la qualité d'écriture des personnages et le don de Pixar de nous faire passer par tout le spectre des émotions. On pourrait reprocher un léger manque d'originalité, notamment par rapport à l'immense Inside Out, mais il suffit d'un ou deux accords de guitare mariachie pour pardonner aussitôt à Coco ses défauts mineurs.
8/ Faute d'Amour, d'Andrey Zvyagintsev
Trois ans après nous avoir raconté la fracture sentimentale entre la Russie et ses habitants dans Leviathan, Andrey Zvyagintsev effectue un virage à 180° et signe une comédie potache absolument réjouissante où l'on ne peut s'empêcher de rire à gorge déployée. Non, cent fois non. Faute d'Amour, c'est l'histoire du gamin d'un couple en instance de divorce dont personne n'a voulu à l'époque et dont personne ne veut aujourd'hui, et qui finit par fuir le domicile maternel pour disparaître dans la nature. Autant dire qu'on est à mille lieux de se fendre la poire. C'est froid, glacial, comme les sentiments de cette mère qui reproduit sans même s'en rendre compte le comportement abject de sa propre ignoble mère. Froid comme les paysages gris de cette Russie de banlieue dépressive. Froid comme l'égoïsme de ces vieux trentenaires désabusés qui tentent maladroitement de reprendre leur vie en main, quitte à blesser ceux dont ils ne veulent pas dans leur vie. Ça va droit au cœur, ça ne fait pas forcément que du bien là où ça passe, mais c'est nécessaire pour nous rappeler que oui, aussi mielleux que cela paraisse, nous ne cherchons au fond de nous qu'à être aimés.
7/ Au Revoir Là-haut, d'Albert Dupontel
Attention, cliché en approche : qu'est-ce que c'est chouette (oui, j'ai bien dit chouette) de voir un film français prendre des risques dans sa réalisation. Pour Au Revoir Là-haut, Albert Dupontel s'est éclaté derrière sa caméra, et ça se voit. Après plusieurs scènes inventives et épiques sur le front de la guerre 14 – 18, il parvient à maintenir la barre tout en haut, calant au passage quelques plans séquences "Fincher-ien" jouissifs en diable. Qui plus est, l'ensemble est bien rythmé et le casting au poil de moustache – Laurent Lafitte notamment, parfait en énorme enfoiré de service. Même la toute fin, un peu facile et qui n'était de surcroît pas dans le livre dont le film s'inspire, ne parvient pas à effacer le fait que l'on vient de passer un super moment. Et c'est bien là l'essentiel.
6/ The Square, de Ruben Östlund
Probablement l'un des films les plus cyniques qu'il m'ait jamais été donné de voir. À Stockholm, une galerie d'art contemporain expose dans sa cour une installation en forme de carré (le fameux Square) où doivent grosso modo régner la tolérance, l'entraide et l'amour de son prochain. Partant de cet art naïf, la dernière Palme d'Or s’échine à taper sur à peu près tout ce qui bouge (le monde de l'art, de la communication, du marketing, les journalistes, la petite bourgeoisie suédoise…) pour sonder jusqu'où s'enracine l'hypocrisie de notre monde, questionnant du même coup notre rapport aux relations humaines et à l'Humain en général. Un film clairement intello, qui aurait sans doute pu gagner en efficacité et en poids en essayant de brosser moins large, mais qui vise la plupart du temps très juste.
5/ 120 Battements par Minutes, de Robin Campillo
120BPM débute par l'histoire d'un mouvement, celui d'Act' Up Paris au début des années 1990, avec ses débats, ses combats. Il se poursuit par l'histoire d'un couple. Et se termine par l'histoire d'un homme, seul face à la maladie. En partant du groupe, Robin Campillo choisit donc de se rapprocher de plus en plus de l'intime. Comme le virus qui s'enfonce de plus en plus profondément jusqu'à s'emparer du corps en entier et, petit à petit, le faire plier. Pour être honnête, il m'est difficile de mettre des mots sur ce que j'ai vécu comme la longue errance mélancolique de combattants condamnés à tomber les uns après les autres, que la vie fuit inexorablement, et qui pourtant vivent bien plus intensément que nous, chanceux et heureux séronégatifs.
4/ La La Land, de Damien Chazelle
Si je n'avais pas revu La La Land il y a quelques mois, tranquillement assis dans mon canapé, les chances auraient été bonnes de voir le deuxième film de Damien Chazelle se faire une place de choix sur le podium de ce Top, voire même sur la première marche. Mais il faut croire qu'avec le temps et un deuxième visionnage, la magie de cette fausse-vraie comédie musicale pas vraiment à l'ancienne s'est quelque peu estompée. Un peu seulement, car on reste coi devant cette réalisation réglée comme du papier à musique, de la scène d'intro à l'envolée finale gentiment kitsch, face au somptueux jeu des couleurs (dont a notamment parlé le Fossoyeurs de Films dans une vidéo que je vous recommande) et grâce à une O.S.T. entraînante que je n'ai pas du tout écoutée en boucle pendant tout le mois après être allé voir le film. Un joli bonbon acidulé derrière lequel se cache une réelle acidité et un vrai propos loin d'être optimiste. Un propos déjà raconté en long, en large et en travers dans notre critique complète publiée fin janvier, mais il est de ces mélodies que l'on aime fredonner régulièrement. Just another day of sun…
3/ Detroit, de Kathryn Bigelow
Avec trois long métrages seulement sur les dix dernières années, on pourrait en vouloir à Kathryn Bigelow de se faire aussi rare en salles. Après les suffocants Démineurs et Zero Dark Thirty, celle dont j'ai appris en écrivant ce paragraphe qu'elle est également la réalisatrice de Point Break (l'original, pas le remake pété) nous a balancé un troisième direct de suite en plein dans la cage thoracique. Oui, Detroit est bien le film coup de poing que vendent ses taglines. Un film dont on ressort les mains moites, le souffle court et avec un petit goût de bile au fond de la gorge, à mille lieux des mielleux et moralisateurs La Couleur des Sentiments et Twelve Years a Slave, qu'il rejoint sur le thème des luttes raciales et de la difficile condition africaine-américaine. Un film aussi puissant qu'une B.O. que l'on vous recommande toute autant, et qui donne envie de gueuler, It Ain't Fair !
2/ Grave, de Julia Ducournau
LA surprise de cette année 2017, la vraie. Grave n'a eu besoin que d'une affiche et de quelques bruits de couloir pour nous intriguer, et de seulement quelques minutes pour nous séduire. Plus qu'un coup de cœur, carrément un coup de foudre. Non content de signer le film de genre français que l'on n'attendait plus, Julia Ducournau pare son premier long-métrage d'une véritable identité visuelle et sonore qui lui est propre, jouant avec la caméra autant qu'avec les corps. Une énième variation du rite de passage à l'âge adulte, organique et sensorielle qui se mange avec les mains et surtout, crue.
1/ Dunkerque, de Christopher Nolan
Qu'on se le dise, Dunkerque n'est pas le meilleur film de Christopher Nolan. À vrai dire, il n'est même pas dans le Top 3 du Britannique (je vous épargne mon classement perso parce que vous n'en avez probablement rien à carrer). Et s'il n'atteint pas non plus le souffle d'un Mad Max : Fury Road (en même temps, bonne chance), il est de loin le film qui m'a le plus scotché à mon siège l'an passé, me laissant les mains crispées sur les accoudoirs, et tant pis pour les voisin(e)s d'à côté qui voulaient se les approprier. Alors oui, les personnages ne sont que des coquilles vides pour lesquelles on peine un peu à avoir de l'empathie. Oui, l'importance des bateaux privés anglais paraît démesurée au regard de la vérité historique (merci Wikipédia). Mais quelle tension ! Quelle précision d'orfèvre dans le montage visuel et sonore ! Et surtout quel bonheur, à l'heure des scènes d'actions grand-guignolesques sur fond vert, d'avoir le droit à un film de guerre presque anti-spectaculaire et qui ne s'étale pas inutilement en longueur (heureusement pour nos petits cœurs fragiles). Car si certaines scènes sont à couper le souffle, c'est avant tout grâce à une réalisation impeccable plutôt qu'à des effets tape-à‑l’œil. Dunkerque est un blockbuster d'auteur comme ne sait peut-être plus les faire que Christopher Nolan (et le monsieur qui a réalisé le film juste en dessous), en même temps qu'une vraie proposition de cinéma, tout en marquant une rupture dans la filmographie récente du Britannique. Un film à grand spectacle qui utilise toute la panoplie offerte par le septième art pour émerveiller nos sens. Et ça, à l'heure de Avengers 8, Thor 14 et Spiderman 21, bordel de merde, ça fait du bien.
Voilà, c'est tout pour 2017, et c'est déjà pas mal. Dans les salles obscures et ailleurs, je vous souhaite une bonne année 2018. Et surtout n'oubliez pas,