On attaque notre bilan cinéma avec le pire de ce que nous a offert l'année. Les dix plus mauvais films de 2022 qui vont surtout chercher du côté de gros blockbusters qui tâchent, aussi attendus au départ que ratés à l'arrivée.
Il existe une croyance populaire tenace stipulant qu'il faudrait régulièrement voir des mauvais films pour d'autant mieux apprécier les bons. C'est bien sûr complètement faux. Personne n'a jamais eu besoin de subir les gribouillages de son petit-neveu pour pouvoir s'extasier devant un tableau de maître, et ce quel que soit le niveau d'amour que l'on porte à son petit-neveu. Pour prendre une comparaison plus proche de ce qui nous intéresse, ne vous infligez pas non plus tous les Sharknados pour comprendre en quoi Les Dents de la mer est un chef d'œuvre du 7e Art.
En clair, je me serais bien passé de voir les dix films qui vont suivre. J'y suis même allé pour la plupart à reculons, mais en conservant toujours cet infime espoir d'être surpris. En vain. Mais vous comprenez, c'est mon "métier", ma passion du moins, en tant qu'observateur de la pop culture sous une bonne partie de ses formes. Parce que ces films, si mauvais soient-ils intrinsèquement, sont des révélateurs de l'évolution de cette fameuse culture populaire. Ils mériteraient davantage d'être étudiés en tant qu'objets ou pire, en tant que "produits" culturels. Mais avant de pouvoir faire ça, encore faut-il se les farcir. Et ne pas oublier qu'ils restent malgré tout des films, et que l'on est en droit de leur demander mieux. Bon OK, et puis ça défoule aussi.
Historique : 2021 – 2020 – 2019 – 2018 – 2017 – 2016 – 2015 – 2014 – 2013
10/ Les Animaux Fantastiques : les Secrets de Dumbledore, de David Yates
"Tous les voyants sont au rouge" – Le Film. Le grand méchant Johnny Depp écarté de la production à cause du bad buzz provoqué par sa relation toxique avec Amber Heard ; son bras droit Ezra Miller quasiment rayé du scénario pour de multiples affaires judiciaires ; une J.K. Rowling accumulant les casseroles et les sorties transphobes ; une formule magique qui ne fait plus recette (comprenez, en dollars) depuis un spin-off originel transformé en premier épisode d'une nouvelle licence préquelle devant raccrocher les wagons avec le reste de la saga Harry Potter… On arrête là ? Non, parce qu'à l'écran, ce n'est pas plus fameux. De trop nombreux personnages secondaires dont on se fout remplacent lesdits animaux, réussis mais beaucoup trop rares, et dont la présence sert uniquement de prétexte à faire péniblement avancer une intrigue poussive dont on a du mal à saisir les enjeux. Sérieux, qu'est-ce que c'est que cette histoire de Président du monde de la magie tout droit sortie du choixpeau ? Pas vivement la suite, qui a de toute façon très peu de chances d'éclore. Et ça non plus, ça n'a rien de magique.
9/ Black Panther : Wakanda Forever, de Ryan Coogler
Quelle sombre année et quelle triste Phase 4 pour le Marvel Cinematic Universe. Si OtaXou vous a déjà parlé dans ces colonnes de la déception Doctor Strange in the Multiverse of Madness et de la catastrophe industrielle She-Hulk, à titre personnel – et parce que j'ai arrêté les séries après le moyenâsse Moon Knight – la pire production Marvel de 2022 n'est autre que cet interminable Black Panther : Wakanda Forever. 2 heures et 47 minutes de film pour raconter quoi ? Bien sûr, on comprend que le décès tragique de Chadwick Boseman a bouleversé tous les plans de Big M, mais difficile de pardonner tous ces errements, dont ce temps infini pris pour nous parler d'un deuil qui ne se fait que lorsqu'un autre personnage vient à mourir. Et ce n'est pas faire injure à Letitia Wright de dire que ni elle ni Shuri n'ont les épaules pour remplacer T'Challa. Ne vous méprenez pas : le premier Black Panther ne m'avait pas non plus transcendé, mais il avait au moins pour lui un méchant crédible et une opposition de styles forte. Ici, il faut lutter pour essayer de comprendre les motivations de Namor. Et je ne m'étendrai pas sur les effets visuels dégoulinants et cette insupportable photo bleue/grise : on connaît tellement tout ça par cœur que ça en devient consternant.
8/ Mort sur le Nil, de Kenneth Brannagh
Le film le plus moche de cette année. Haut la main. C'est à se demander comment le niveau de production d'effets visuels pour blockbusters hollywoodiens a pu tomber aussi bas, avec des incrustations indignes d'une production de ce siècle… comme du précédent. Ou alors Kenneth Brannagh s'est fourré sa fausse moustache d'Hercule Poirot dans l'œil droit et son accent français à couper au couteau a ripé sur le gauche (ce flashback d'intro mériterait une place au Panthéon de Nanarland). Le reste est à l'avenant, avec un acting en roue libre et un meurtre qui attend la moitié du film à se produire, après une exposition interminable. Forcément, la résolution est expédiée, mais de toute façon, on l'avait vu venir à des kilomètres.
7/ Athena, de Romain Gavras
Un film à montrer dans toutes les écoles de cinéma comme l'exemple type du réalisateur complètement dépassé par son sujet. Dans sa volonté de nous conter une tragédie grecque moderne au milieu d'une cité en proie à des émeutes, Romain Gavras en oublie de créer des personnages crédibles capables de susciter en nous un minimum d'empathie, dotés de dialogues allant au-delà d'insultes répétées en boucle. L'écriture est aux fraises, ça cabotine dans tous les coins et la scène d'intro, plan-séquence sublime et hyper impressionnant, trouve malheureusement son négatif dans un final consternant de bêtise.
6/ Scream, de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett
La saga Scream a toujours accouché de films de petits malins (désolé aux fans de Wes Craven), toujours prompts à esquinter le genre du cinéma d'horreur dont elle est paradoxalement devenu un étendard. Mais cette quatrième suite pousse les curseurs de la stupidité encore un peu plus loin. Après le slasher, la suite, la trilogie et le reboot, cet épisode cinq s'attaque aux codes des legacyquels (ou requels, comme vous préférez). Attendez, quoi… Mais quels codes ? Exactement. C'est dire si le film n'a rien à dire sur le cinéma d'aujourd'hui, tout en se vautrant dans ses pires déviances. Ah, et n'y allez pas en espérant avoir votre dose de Sidney/Gale/Dewey : ils disparaissent derrière un nouveau cast au charisme d'huîtres pas fraîches – non tonton Dédé, je passe mon tour, merci. Prévue pour 2023, la suite fait plus flipper que jamais… mais pas pour les bonnes raisons.
5/ Le Bal de l'enfer, de Jessica M. Thompson
Le film le plus OSEF de la liste. Pour ma défense, moi ce jour-là, en bon cinéphile averti qui se respecte, je voulais plutôt aller voir Trois Mille ans à t'attendre de George Miller ou De l'autre côté du ciel (deux films que je n'ai toujours pas vu depuis). Mais voilà, dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Ce n'est pas une autoroute, parfois il y a des virages, des impasses, on doit faire demi-tour ou prendre l'échangeur. D'ailleurs, pendant que je vous tiens : ils sont fous quand même les types qui ont conçu ça, non ? Je n'ai jamais réussi à comprendre comment ça fonctionne cet enchevêtrement de voies, de sorties, de… Hein, quoi ? Le film ? Ça vous intéresse vraiment ? Bon alors disons que ça commence comme une série Netflix espagnole avec des gens beaucoup trop beaux pour être honnêtes (spoiler : ils ne le sont pas) et que ça termine comme un sous Vampire Diaries. Avec Nathalie Emmanuel certes, mais dans le rôle d'une nana parfaitement détestable. C'est à se demander comment et pourquoi ce téléfilm semi-horrifique s'est retrouvé sur grands écrans.
4/ Esther 2 : Les Origines, de William Brent Bell
C'est marrant parce que, sur le papier, faire un préquel treize ans après, d'un film mettant en scène une petite fille de 9 ans, mais en gardant la même actrice désormais âgée de 25 ans, ça ressemblait à une belle idée foireuse. Et en fait à l'écran… c'est totalement foireux. Jamais auparavant dans un film de cinéma doté d'un minimum de moyens et d'ambition, je n'avais vu des artifices de mise en scène aussi flingués pour tenter de camoufler cette différence d'âge qui saute de toute façon aux yeux. La suspension d'incrédulité disparait et c'est tout le film qui part à la poubelle. Dommage, le twist central avait réussi à nous relever de notre chaise, mais il est tellement mal utilisé que l'on se renfonce aussitôt.
3/ Moonfall, de Roland Emmerich
J'ai rarement vu un film à ce point obnubilé par sa propre connerie. Alors que l'on ne demandait rien d'autre qu'un film catastrophe à grand spectacle comme sait en livrer avec plus ou moins de réussite le réalisateur d'Independance Day et Le Jour d'après, on se retrouve médusé face à un objet cinématographique parfaitement identifié : du premier degré à fond les ballons, des tartines d'explications scientifiques à la mord-moi le nœud, des effets numériques à vomir, le tout enrobé dans une surcouche de twist inutile et bêtifiant. Certes, les apparitions de la Lune façon Kaiju sont sympas, mais ça ne suffit pas. Un navet de l'espace.
2/ Morbius, de Daniel Espinosa
À l'école du non-cinéma, les films Marvel signés Sony sont encore et toujours rois. Après les deux innommables purges qu'étaient Venom et sa suite, le studio continue de faire du vide avec du creux. Est-ce pire, moins pire ou beaucoup plus pire ? Aucune espèce d'idée et vous savez quoi : je préfère me poser des questions plus intéressantes dans ma vie. Comme est-ce qu'il me reste du liquide vaisselle chez moi ou est-ce que je m'arrête en acheter à Leclerc ? Parce qu'il n'y a rien à voir ici : aucune intention de réalisation, de photo ou de direction artistique. Même Jared Leto est comme mort à l'intérieur, alors qu'on aurait cent fois préféré le voir cabotiner pour pouvoir lâcher quelques rires nerveux. Je me refuse d'habitude à dire ça, mais Morbius est un film qui n'aurait pas dû exister. De toute façon tout le monde s'en fout. Pourquoi n'est-il pas premier alors ? Attendez, je commence tout juste à me chauffer.
1/ Jurassic World : Le Monde d'après, de Colin Trevorrow
Comment peut-on à ce point bafouer tous les éléments les plus basiques du language cinématographique et désavouer l'une des franchises les plus populaires et les plus emblématiques du cinéma… tout en voulant lui rendre hommage ? À ce niveau, la maladresse ne tient plus et se change en incompétence pure et dure. À tous les étages. On pourrait égrener ici la sacro-sainte "liste des défauts" qui fonctionne si bien lorsqu'il s'agit de tacler un film en deux phrases, mais ce Monde d'après mérite que l'on prenne notre temps. Le découpage de certaines scènes est si calamiteux que l'on se retrouve perdu entre deux pièces le temps d'un dialogue insignifiant. Les enjeux sont tellement au ras des pâquerettes que l'on passe plus de temps à se préoccuper de sauterelles géantes que de dinosaures. Pourtant des dinosaures, il y en a. Plus que dans aucun autre film de la saga. Des anciens comme des tout neufs, mais ils sont systématiquement mal intégrés et mal filmés. Utilisés exactement comme s'ils étaient des motards dans une course-poursuite sortie d'un Jason Bourne ou en arrière-plan, en train de foutre le box… Hey mais il y a un dino géant dans la pièce les mecs, vous voulez pas arrêter de vous battre deux secondes ? L'alchimie entre les personnages ne fonctionne jamais, que ce soit entre Chris Pratt et 'Not Jessica Chastain' ; entre eux deux et leur fille-adoptive-clone-WTF‑j'avais-complètement-oublié-ça ; entre le vieux cast et le récent ou entre cette pilote qui rejoint l'équipe parce que… Pour notre santé mentale, on passera sur les clins d'œil indigents à la première trilogie, prouvant une énième fois que personne n'a rien compris au bousin depuis le début. Ça en devient non seulement nul, mais surtout insultant. Et je ne sais pas vous, mais personnellement je ne vais pas au cinéma pour que l'on me jette de la connerie au visage. Au fond ce "film", c'est encore le Docteur Ian Malcolm qui le résume le mieux. Allez, je vous laisse, je vais me relaver les yeux.
Comment ? C'est tout ? Non bien sûr. L'année 2022 ne nous a heureusement pas apporté que des croûtes, mais aussi de très jolis bijoux qui n'attendent que de briller… dans un second article. Parce que le top et le flop, c'est comme la pintade et le chapon : mieux vaut les manger en deux fois pour éviter de finir gavé.