Si, comme moi, vous avez un peu perdu le fil de la saga Alien, on va essayer de raccrocher les wagons, ou plutôt d'expliquer ce qu’est Romulus, le nouvel épisode de la franchise tout juste sorti sur nos écrans. Il y aura quelques spoilers, mais le but est moins de révéler l’intrigue du film que de comprendre quelle direction prend cette saga horrifique, et pourquoi Romulus n’est peut-être pas la suite logique de l’histoire, celle qu’on attendait depuis 2017 et Alien : Covenant.
La folle histoire de l’espace
En 1978, Ridley Scott tourne son deuxième long métrage, après un magnifique démarrage avec Les Duellistes. Avec un budget de 11 millions de dollars, il se lance dans un "space opera" totalement chelou qui reste une curiosité ainsi qu’un émerveillement, tant pour le grand public qui aime le cinéma pour sa capacité à le divertir que pour les cinéphiles davantage en quête d’une œuvre d’art. Alien, le huitième passager raconte comment l’équipage en hibernation d’un vaisseau spatial, le Nostromo, est réveillé par l’ordinateur de bord en plein voyage pour faire un détour par une planète d’où un signal est émis. L’intelligence artificielle de l’ordinateur, appelé Mother, considère que l’éventualité de découvrir une espèce inconnue est prioritaire pour la compagnie Weyland-Yutani, à qui le Nostromo appartient.
Évidemment, arrivé à destination, l’un des membres de l’équipage est infecté par un parasite, le protocole de quarantaine n’est pas respecté, tout le monde remonte à bord du vaisseau avec, en prime, un gros monstre qui ne tardera pas à sortir de la cage thoracique de son hôte. Les sept résidents du Nostromo mourront l’un après l’autre dans d’atroces souffrances, à l’exception de Ripley, interprétée par la jeune Sigourney Weaver. Imaginée par l’artiste suisse H.R. Giger (qui récupérait une partie de son travail initié sur le Dune qu’Alejandro Jodorowsky a dû abandonner), la créature est absolument terrifiante. Même si elle a littéralement "une grosse tête de bite". Peu importe : Alien, le huitième passager sera un immense succès public et remportera l’Oscar des meilleurs effets spéciaux en 1979. Sa musique, signée Jerry Goldsmith, est elle aussi restée célèbre.
Huit ans plus tard, James Cameron, qui vient de triompher avec son deuxième film, Terminator, décide d’offrir à Alien, le huitième passager une suite plus longue, plus épique, plus grande, plus explosive… plus James Cameron, quoi. Un commando de militaires de l’espace se prépare à intervenir sur une colonie spatiale qui ne répond plus. Pour les accompagner, ils demandent à Ripley, seule à avoir survécu à la créature, de faire partie de l’équipe en qualité de consultante. Le fun. Souvent, cette suite est considérée comme supérieure au film d’origine. Je ne peux pas m’empêcher d’y voir une bourrinade typique de James Cameron, fasciné par les militaires, leurs mitraillettes et leurs muscles, mais je ne vais pas gâcher le plaisir de ceux qui aiment ça. Tant mieux pour eux.
En 1992, un réalisateur de clips qui a fait ses classes chez ILM en travaillant notamment sur les effets spéciaux d’Indiana Jones et le temple maudit choisit de passer à la réalisation pour le cinéma et met en chantier son premier film : Alien3. David Fincher a toujours dit que la 20th Century Fox n’avait pas respecté sa vision du projet et qu’il n’a jamais pu tourner le film qu’il voulait. Peu importe : il peut toujours le désavouer, Alien3 existe et c’est lui qui l’a réalisé. Ce coup-là, Ripley échoue dans une prison spatiale et porte dans son ventre un monstre qui, pour une raison que je ne m’explique toujours pas, met tout le film à pointer le bout de sa tête. Peu importe : l’idée, c’est que l’héroïne, cette fois, est condamnée et devra se sacrifier à la fin. Personnellement, je trouve que c’est un film très fort, dont il existe même deux montages aussi différents que passionnants à comparer, l’un offrant une dimension mystique au monstre. Il s’agit sans doute de l’épisode le plus cérébral de toute la saga.
La Fox cherche alors un metteur en scène pour un quatrième film. Après le triomphe de Trainspotting, Danny Boyle se montre brièvement intéressé avant de capituler devant l’enthousiasme du studio qui ne le laissera probablement pas, lui non plus, réaliser le film tel qu’il l’imagine. À la place, Boyle finira par réaliser La Plage pour la Fox, tandis que Jean-Pierre Jeunet, le réalisateur français de Delicatessen et de La Cité des enfants perdus, se retrousse les manches et s’y colle. Il faut commencer par ressusciter le personnage de Ripley, comme le titre du film l’indique, Alien : Resurrection. Cette fois, le programme est un peu moins clair. Disons simplement qu’un groupe de scientifiques n’a pas pu s’empêcher de recréer le monstre qui vivait dans le ventre de Ripley et que, ce faisant, ils ont aussi dû créer un clone de Ripley qui se farcit une fois de plus de devoir survivre.
Contre toute attente, ces quatre films ne sont pas de qualité égale, mais sont tous valables. On peut même dire, à bien des égards, que la franchise Alien a offert l’occasion à quatre grands cinéastes de livrer leur version de la même chose, comme une sorte d’exercice de style. Chaque épisode ressemble authentiquement à la filmographie de son auteur. On aurait pu en rester là, on aurait peut-être même dû en rester là, mais je ne vous apprendrai rien en rappelant que l’histoire du cinéma ne s’écrit pas comme ça.
La clef Alien
Pour une raison que je n’ai pas bien saisie, il a fallu que Paul W.S. Anderson s’en mêle. On ne sait jamais très bien pourquoi un projet est confié à Paul W.S. Anderson, mais bon… Je laisse mon confrère Flegmatic prendre sa défense. Après tout, sans Paul W.S. Anderson, on n’aurait pas le film Mortal Kombat et sa musique démoniaque des années 1990, ni une version des Trois Mousquetaires avec des bateaux volants.
Donc Paul W.S. Anderson, qui n’a pas son semblable pour adapter des jeux vidéo au cinéma, s’empare d’Alien vs. Predator en 2004. Comment en est-on arrivé là ? Juste avant que David Fincher et Jean-Pierre Jeunet tournent leur Alien respectif, l’éditeur de bandes dessinées Dark Horse Comics a imaginé une rencontre entre le fameux huitième passager et le Predator du film éponyme de John McTiernan. Ça a l’air idiot, comme ça, mais le truc a fait boule de neige, a été adapté en jeux vidéo, en romans et donc, fatalement, au cinéma. Ça se passe dans une pyramide souterraine, au pôle Sud, où des Aliens et des Predators se foutent sur la gueule pour qu’à la fin du film ait enfin lieu la fusion des deux espèces avec le teasing d’un Alien-Predator (ou un "Predalien"). Vous l’aurez compris : c’est crétin, mais il ne faut pas se fâcher davantage. Apparemment, il y a eu suffisamment de spectateurs conquis pour que trois ans plus tard sorte Alien vs. Predator : Requiem de Colin et Greg Strause. On ne m’en voudra pas : cette fois, j’ai passé mon tour, mais sachez seulement que le monstre débarque dans un lotissement résidentiel américain, et que ce n'est pas vraiment folichon.
Il ne faut pas prendre Alien vs. Predator trop au premier degré. Ce ne sont pas des films qui font vraiment partie de l’aventure que traverse le personnage de Ripley. Leur côté "série B assumée" n’entache en rien le prestige des quatre films d’origine. On en est donc resté là pendant longtemps sur cette franchise qui devenait presque impossible à poursuivre. Le film de Jean-Pierre Jeunet offrait une vraie conclusion à ce voyage spatial, avec son retour sur Terre dans la scène finale d’Alien : Resurrection. Quant à Sigourney Weaver qui – elle – n’est pas immortelle, elle ne pouvait pas non plus passer l’intégralité de sa carrière à survivre à un Alien. Donc on avait fait le tour. Mais, là encore, ça ne vous surprendra pas : l’histoire du cinéma ne fonctionne pas comme ça.
En 2012, Ridley Scott, l’homme qui avait accouché du premier film en 1979, annonce qu’il travaille sur un film qui est un épisode d’Alien sans être un épisode d’Alien. Ça s’appelle Prometheus et la distribution a l’air tout à fait alléchante : Noomi Rapace, Guy Pearce, Charlize Theron, Idris Elba, Michael Fassbender, Logan Marshall-Green… qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
Lorsque Ridley Scott (qui, entre temps, nous a offert Blade Runner, Thelma et Louise, Gladiator et American Gangster) dévoile enfin son film, on comprend qu’il s’agit d’un prequel à Alien. Le début de l’histoire. On va enfin pouvoir répondre à toutes ces questions qu’on ne s’est jamais posées, telles que : "Qui sont ces gens qui ont envoyé un signal de détresse dans le premier film ?". Pourquoi pas, si c’est Ridley Scott qui s’y colle ? D’ailleurs, le réalisateur, adepte des sorties un poil sensationnelles en entretien, s’en prend volontiers aux autres réalisateurs qui ont touché à son précieux Alien. Ils sont tous nuls. Aucun de leurs films n’arrive à la cheville du sien. Et – surtout – aucun ne s’intéresse à la question de l’origine de l’Alien, qu’il promet de clarifier en plusieurs films, à commencer par Prometheus.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on a été surpris. Pas tant par la nature dispensable du projet que par sa ressemblance en tous points avec Alien, le huitième passager. Voilà à nouveau un film dans lequel un équipage, celui du Prometheus, part en exploration sur une planète lointaine, trouve un organisme vivant qui parasite le corps de l’un d’eux avant d'être décimé membre par membre. Pour la défense de Ridley Scott, on dira tout de même que le film est assez beau à regarder, soutenu par des effets spéciaux convaincants et une 3D spectaculaire. Quoique déconcerté, le public est au rendez-vous. L’originalité de Prometheus est avant tout de présenter un nouveau personnage qui fera le lien entre les films à venir, comme un antagoniste de Ripley : il s’agit de David, un robot interprété par Michael Fassbender, qui voudrait surpasser son créateur et, à son tour, donner naissance à une vie, à une créature. Et c’est en déconnant avec la science que ce robot parfait en apparence accouchera d’un enfant monstrueux : l’Alien. Donc tout ça est le fruit des réflexions de Ridley Scott, un réalisateur vieillissant qui s'interroge sur Dieu, la vie, la création, le sens de tout ça. Voilà voilà.
C’est donc parti pour une nouvelle suite à ce prequel, qui s’appellera Alien : Covenant et qui sortira en 2017. De quoi ça parle ? Équipage, vaisseau, planète, parasite, créature, morts… Business as usual. Côté distribution, outre Michael Fassbender qui reprend son rôle (ainsi que celui d’un autre robot, appelé Walter), on a du beau linge : Katherine Waterston, Danny McBride, Billy Crudup et un plan sur James Franco. Encore une fois, le film a les mêmes qualités et les mêmes défauts que Prometheus. C’est très beau, c’est parfois haletant, mais pourquoi redire tout ce qu’Alien, le huitième passager avait déjà dit ? Par ailleurs, le jeune réalisateur sud-africain Neill Blomkamp, qui avait séduit la planète entière avec son premier long métrage District 9, avait des projets pour la franchise Alien. Il ferait revenir Sigourney Weaver pour un épisode qui se passerait entre deux des précédents.
De l’art ou du cochon ?
Pour un célèbre site français spécialisé dans le cinéma, j’avais à l’époque eu la chance de m’entretenir avec Ridley Scott au moment de la sortie d’Alien : Covenant. Je m’étais alors empressé de le sonder au sujet de ses nouveaux films qui semblaient lui tenir à cœur. Il venait de refuser le projet Blade Runner 2049, laissant le soin à Denis Villeneuve de prendre sa suite tout en restant attaché à la production, pour pouvoir se consacrer à ses prequels d’Alien. Voilà donc Sir Ridley Scott qui me soutient que rien n’est plus important à ses yeux que cette saga, que tous les autres réalisateurs qui y ont touché sont des incompétents, que les seuls films valables sont les siens et que, d’ailleurs, Neill Blomkamp a l’interdiction de mettre son projet en chantier. À partir de maintenant, Alien, c’est le joujou de Ridley Scott et de personne d’autre.
Évidemment, je suis le premier surpris par tant de dévotion de la part d’un homme connu pour être autant un grand chef d’équipe qu’un artiste. Certes, il a l’œil, mais il est impossible d’ignorer son côté business man. D’ailleurs, lorsqu’il s’est assis près de nous au moment de commencer l’entretien, à mon collègue qui le complimentait sur son blouson portant le logo du film, il a simplement répondu : "C’est vrai qu’ils sont jolis, on aurait dû en faire plus et les vendre". On ne va pas lui apprendre la valeur du pognon. C’est pourquoi j’ai été pris de court en réalisant que Ridley Scott mettait tant d’affects dans cette franchise. Au fond de lui, l’artiste s’exprimait et disait : "Ce n’est pas qu’un divertissement. C’est aussi une partie de moi".
Ceux qui ont suivi cette saga le savent, Alien : Covenant ne fait pas la jonction avec Alien, le huitième passager. Il manque encore au moins un film que Ridley Scott ne semble pourtant pas près de tourner. Pourquoi ? Parce que Covenant n’a pas très bien marché. Au bout d’un moment, le réalisateur doit se rendre à l’évidence : il a 86 ans, ce n’est manifestement pas Alien qui lui offrira l’Oscar du meilleur réalisateur qu’il convoite depuis toujours. Et puis ça ne fait plus les recettes d'autrefois. Il préfère donc se tourner vers un de ses plus gros succès, Gladiator, et lui offrir une suite un quart de siècle plus tard. Artiste ? Un peu. Mais pas au-delà du bon sens commercial.
Voilà donc où on en est depuis sept ans : avec une franchise d’une grande qualité portée par Sigourney Weaver, un spin-off débile et dispensable en deux films, et un prequel inachevé en plusieurs épisodes. C’est dans ce contexte que sort Alien : Romulus, produit par Ridley Scott mais réalisé par l’Uruguayen Fede Alvarez. Et nous pouvons attaquer la question qui fait l’objet de cet article : maintenant qu’on a remonté toute l’histoire de cette franchise, c’est quoi, ce Romulus ?
En toute logique et en se fiant au sens commun, Romulus devrait être le chainon manquant entre Alien : Covenant et Alien, le huitième passager. Celui que Ridley Scott a promis de nous livrer tant sa saga chérie lui tient à cœur. Or, non seulement il n’est plus derrière la caméra, mais en plus, pas de Michael Fassbender au casting. On l’avait pourtant dit : c’est lui qui fait office de fil rouge dans ces nouveaux films. En cherchant un peu, on découvre que ce nouvel épisode se passe d’ailleurs après Le Huitième passager. Ce n’est donc pas lui qui donnera les informations manquantes. Tout ça ne fait qu’épaissir le brouillard autour de ce film supplémentaire qui enthousiasme déjà beaucoup les cinéphiles impatients, probablement parce que Fede Alvarez fait partie des jeunes prodiges du cinéma d’horreur, grâce à son audacieux remake d’Evil Dead et à Don’t Breathe. Manifestement, ils sont nombreux à avoir oublié que c’est aussi lui qui a tourné le nanardesque Millénium : Ce qui ne me tue pas. On a tous droit à l’erreur.
On a mieux compris de quoi il retourne.
Passer notre Alien à la machine
On a quand même oublié de dire quelque chose d’important : en 2019, Disney a racheté la 20th Century Fox. Et, dedans, il y avait Alien.
Depuis la fin des années 2000, Disney rachète tout. Lucasfilm, Indiana Jones, la 20th Century Fox… tout. Et, une fois que c’est racheté, Disney a un projet clair : faire tourner ses franchises. Voilà pourquoi tous les deux jours une nouvelle série ou un nouveau film Star Wars fait son apparition, le pauvre Harrison Ford a dû reprendre son fouet et son chapeau à 80 ans et Alien reprend aussi du service.
Au départ, ce rachat de la 20th Century Fox visait plutôt les super-héros Marvel que détenait le studio. Avec son univers cinématographique étendu et ses célèbres Avengers, Disney était frustré de ne pas pouvoir y inclure d’autres personnages fondamentaux comme Deadpool, les X‑Men, les 4 Fantastiques, tous détenus par la Fox. Voilà qui est réglé. Mais ce rachat est venu avec bien d’autres franchises qui végétaient dans les cartons du studio, comme Alien, justement. Pas de ça chez Disney où tout doit contribuer à l’effort de guerre. Voilà en partie la raison pour laquelle Star Wars n’a plus exactement la même saveur que lorsque George Lucas était seul maître à bord. On vous a d’ailleurs autrefois proposé de longs articles pour expliquer à quel point Star Wars avait changé depuis ses derniers épisodes : ce n’est plus l’œuvre d’un artiste, mais une vache à lait que son nouveau studio a promis de traire jusqu’à la dernière goutte. Alien subira sans aucun doute le même traitement puisqu’une série a déjà été annoncée pour les plateformes FX et Disney+ en 2025, intitulée Alien : Earth.
Chez Disney, on n’a pas besoin de George Lucas pour pondre du Star Wars. N’importe qui fait l’affaire. On n’a pas non plus besoin de Steven Spielberg pour tourner un cinquième Indiana Jones, James Mangold peut bien s’en occuper ! Alors, pourquoi s’embarrasser d’un Ridley Scott pour Alien quand on peut asseoir n’importe quel cinéaste dans la chaise du réalisateur ? Il suffit de lui donner la même consigne qu’aux autres : "Fais comme les films d’avant, fais exactement ce que les gens aiment sans prendre de risque".
Seulement, c’est déjà prendre un risque que de ne pas prendre de risque. C’est pourquoi les épisodes sept, huit et neuf de Star Wars ressemblent à des remakes maladroits des trois premiers. C’est aussi pourquoi Indiana Jones continue à se battre contre des nazis à la fin des années 1960. On ne dit pas que tout ce que Disney fait est nul, mais que le cahier des charges implique de retrouver la saveur d’avant plutôt que d’essayer autre chose. Et, jusqu’à présent, tout ce que Disney a produit pour étendre ces bonnes vieilles franchises souffrait du même syndrome. C’est comme quand on reprend la bonne recette de Mémé après sa mort : c’est toujours bon… mais il manque quelque chose. Ou quelqu’un ?
Cette fois, pas de très gros noms dans la distribution d’Alien : Romulus qui repose principalement sur les épaules de Cailee Spaeny, une petite nouvelle qui a brillé cette année dans Priscilla de Sofia Coppola et dans Civil War d’Alex Garland. C’est pas une star, mais elle a le vent en poupe. Cette fois, une équipée de jeunes gens bloqués sur une planète minière va tenter de subtiliser un vaisseau abandonné de la compagnie Weyland-Yutani dans l’espoir de mettre le cap sur des contrées plus lointaines et clémentes. Vous voyez le truc ? Le vaisseau abandonné est truffé d’Aliens et c’est reparti pour un tour. Au moins, cette fois, on ne nous a pas exactement fait le coup de l’équipage, le vaisseau, le signal, etc.
Pour maximiser l’effet nostalgique, Disney a un atout dans sa manche qu’il ne peut pas s’empêcher de jouer à chaque nouveau projet : triompher du temps qui passe en rajeunissant des acteurs, voire en les ramenant à la vie. Harrison Ford a 80 ans ? Avec un petit tour de passe-passe numérique, il peut avoir à nouveau 40 ans le temps d’une scène d’ouverture épique pour Indiana Jones et le Cadran de la destinée. Peter Cushing et Carrie Fisher sont morts et enterrés ? Qu’à cela ne tienne : un petit coup d’ordinateur va les faire revenir à la vie pour Rogue One : A Star Wars Story et pour L’Ascension de Skywalker. Dans Alien : Romulus, croyez-le ou non, c’est le pauvre Ian Holm, qui n’a rien demandé à personne depuis qu’il est décédé en juin 2020 qui doit sortir de sa tombe et reprendre son rôle de robot, comme dans le premier volet. On ne sait pas vraiment pourquoi, puisque le robot n’est pas le même, ne porte pas le même nom et était déjà mort dans Le Huitième passager. On pourrait prétexter que tous les robots, dans Alien, viennent de la même série, mais ils sont interprétés tantôt par Lance Henriksen, Winona Ryder ou Michael Fassbender. Quel besoin de rajouter un film post-mortem à la filmographie déjà irréprochable de Ian Holm ?
Comme avec toutes ses franchises, Disney joue à la poupée avec Alien. Ou, plus exactement, s’en sert de marionnette. On voit bien que l’aspect est là, mais on sent aussi qu’il y a la main de quelqu’un d’autre à l’intérieur et qu’on nous "fait du Alien", plutôt que d’essayer d’emmener le matériau plus loin. Comme pour Star Wars et Indiana Jones, Disney a beaucoup de mal à rebondir sur ce qui préexiste. Au lieu de retrouver des personnages familiers ou des terrains connus, tout doit sentir le neuf. Les nouveaux héros de Star Wars croisaient un peu les anciens, mais ne visitaient que des planètes inconnues, même quand elles ressemblaient comme deux gouttes d’eau à celles des vieux films. Chez Indiana Jones, le vieux Sallah faisait une brève apparition, mais le héros devait faire équipe avec une brochette de nouvelles têtes. De même, Alien : Romulus nous fait découvrir une ribambelle de nouveaux personnages et de nouveaux décors, mais ne raccroche presque jamais les wagons avec ce qui était déjà là. Ridley Scott avait promis de répondre à des questions qu’on ne s’était pas vraiment posées, mais on attend quand même toujours la réponse ! Avec Romulus, Disney n’ajoute rien, n’enlève rien, et ne fait que poser un film de plus sur une franchise qui en comptait déjà un lot. Sans le savoir et avec une intention sans doute louable, le film rejoue d’ailleurs quelques matchs qu’on avait l’impression d’avoir déjà remportés, comme lorsqu’un croisement entre un homme et un Alien fait son apparition dans le dernier acte, nous renvoyant inévitablement à celui qui concluait le film de Jean-Pierre Jeunet.
Il y a aussi, dans cet univers, de nouvelles règles qui sortent du chapeau de Disney. Par exemple, les petites créatures qui jaillissent des œufs, ceux qu’on appelle les "Face Huggers" et qui sautent au visage des humains pour leur pondre un Alien dans le ventre, seraient aveugles, mais sensibles au son et à la chaleur. C’est comme ça qu’ils se déplacent. Et ils n’ont plus besoin d’œufs. Bon. Était-ce nécessaire d’implanter ça dans les lois qui régissent la dramaturgie d’Alien ? Probablement pas, mais ça permet d’inclure dans Romulus une séquence de suspense de cinq minutes, alors c’est gagné.
L’effet Mickey Mouse
Au bout du compte, il reste important de le rappeler : ne boudons pas notre plaisir. Que ce soit pour Star Wars, Indiana Jones ou Alien, ce que Disney propose reste en genéral d’une qualité respectable. Alien : Romulus fait partie des réussites de Fede Alvarez et n’est pas une plaie dans la franchise, loin de là. Mais il est déconcertant de voir ce studio engloutir tout comme un trou noir géant du divertissement, puis recracher du contenu sans saveur.
Bien sûr, le public n’y est pas pour rien : son appétit nostalgique est insatiable et Disney ne fait que l’alimenter au mieux. Mais après avoir vu Vice-versa 2, on aimerait aussi rappeler que la nostalgie est aussi telle qu’ils la représentent dans ce film d’animation : une petite grand-mère qui sort de son placard de manière intempestive pour radoter des histoires du bon vieux temps et qu’il suffit de la raccompagner en la tenant gentiment par la main.
D’ailleurs, si vous aimez les Disney classiques, ces films d’animation qu’on a tous célébrés pendant notre enfance, vous vous rappelez sans doute qu’ils parlent presque tous de vœux, de bonne étoile et de faire attention à ce qu’on souhaite, car ça pourrait bien nous arriver. C’est exactement ce qu’il faut retenir de ces nouveaux films, qu’ils soient estampillés Star Wars, Indiana Jones ou Alien. Faisons collectivement attention à ce que nous souhaitons, car lorsque notre vœu est exaucé, il ressemble au Cadran de la destinée, aux innombrables saisons de The Mandalorian ou à Alien : Romulus. Vous en vouliez davantage ? En voilà. Après, n’allez pas vous plaindre que ça ne soit plus aussi bon qu’avant.
En attendant, Ridley Scott a laissé un vide dans sa propre franchise, en ne dévoilant jamais comment Prometheus et Alien : Covenant se rattachent à Alien, le huitième passager. Finalement, Alien, ce n’était pas tant que ça son bébé artistique, pas davantage qu’Indiana Jones n'était celui de Steven Spielberg ou Star Wars celui de George Lucas. Dans ce nouveau paysage cinématographique, les auteurs se moquent de la cohérence de leur œuvre et Mickey Mouse tourne la manivelle pour toujours. Ce n’est pas très grave, mais je ne peux m’empêcher de trouver ça un peu triste.
2 commentaires
Critique correcte mais avez vous compris que la saga Alien était liée à blade ruiner ?
Mon nom est Personne.
Sinon, merci pour la critique.
Je pense que j’irais quand même le voir pour me faire une idée.
À propos du Alien 3, il existait un tout autre scénario par William Gibson, et qui est sorti en format BD il y a 4, 5 ans de mémoire.