Comment reconnait-on une production asiatique d’une production occidentale ? À l’audace que les premiers peuvent avoir sur la vision du monde des seconds. Si l’on a connu le simulateur de moustique ou le créateur de monde grâce à des boules collantes, reste encore à déterminer une chose : le meilleur type de culottes. Entre alors en scène Panty Party, créé par le développeur indépendant chinois AnimuGame, et qui se veut être LE jeu offrant enfin de l’amour au kink pourtant historique. Après deux ans de vie sur Steam, voilà que ce dernier a réussi à se faufiler sur Nintendo Switch. Alors, c’est la fête du slip ?
Panty Party, c’est avant tout l’envie d’offrir ce que recherchent les joueurs. Wei, l’homme caché derrière AnimuGame, constate que ses suivants adorent prendre des captures d’écran des culottes des héroïnes de sa précédente production Forward to the Sky. Alors, pourquoi pas en faire tout un jeu ? Du moins "un jeu", l’espoir du "tout" disparaissant vite en observant l’écran-titre qui ne propose qu’un mode histoire, un mode arcade, un mode versus et les paramètres. Au moins peut-on compter sur une traduction française, fait rare pour un jeu indé de ce type.
Callipyge à la rescousse
Le prétexte pour que tout s’effiloche ? Panzi, une culotte mal-aimée, regroupe petit à petit des suivants dans sa quête d’attaquer tous les humains pour leur faire subir un lavage de cerveau. Son but ultime est évidemment de les forcer à toutes les aimer. Mais pour Culotte Baka (ça ne s’invente pas), le seul amour réel pour les culottes vient du fond du cœur des humains. Ainsi, le frais dessous blanc part à la recherche de la Guerrière de l’Amour, capable de se transformer en sous-vêtement à loisir et qui aime inconditionnellement tous les styles de culottes.
Elle la trouve en la personne de Yurika, jeune lycéenne ingénue qui accepte à contrecœur de le suivre dans sa quête. Pour elle, toutes les culottes sont les mêmes, et seul l’humain qui la porte compte. Il est temps de monter sa propre équipe pour renverser Panzi, et faire en sorte que l’amour véritable de la lingerie perdure.
On a vu des productions avec un speech aussi étrange sortir du lot, mais ce n’est hélas pas le cas ici. Cette histoire sert avant tout de prétexte à découvrir toute une galerie de personnages extrêmement clichés dans la culture asiatique, de la jeune fille en fleur au semi-ninja lycéen. Toutes les "Culotte Cool Kuma" (au style de petit ourson) ou "Culotte rayée" (à la personnalité sèche et directive) n’arrivent pas à masquer les lieux communs d’un scénario en tous points prévisible, qui ne fait jamais preuve de génie dans son humour comme son déroulé. L’opportunité était pourtant là, mais Panty Party ne fait qu’être exactement ce que l’on devine dès que l’on voit son nom apparaître : facile et convenu.
Reste qu’il n’est pas offensant pour autant ; on sent que son auteur fait preuve d’une bonne volonté, mais manque d’originalité. La traduction française est un plus, mais sa qualité vaut un Google Traduction ayant tout de même du sens, quand l’intégration du texte elle-même est sens dessus dessous. Pas facile de jouer avec les caractères latins pour un développeur asiatique.
Cachez ce slip que je ne saurais voir
Il faut également dire que l’histoire n’est pas aidée par la présentation du jeu. Comme on pouvait s’y attendre, elle se fait par le biais de quelques sprites 2D. Cependant, le character design n’échappe pas lui aussi aux poncifs et est au mieux oubliable. Impossible de se souvenir du moindre personnage trente minutes après avoir posé la console pour quiconque a déjà vu un animé de sa vie. Les culottes ont un petit côté humoristique en ce sens, mais l’effet ne prend qu’une fois : rien n’est assez expressif. Les sprites s’affichent mais changent à peine pour suivre l’émotion du dialogue, rendant le tout… stérile. Avec un peu plus d’impact visuel, certains dialogues auraient gagné en intérêt.
Ce problème se traduit également lors des phases de gameplay. Graphiquement, Panty Party est au mieux un jeu Nintendo 64 ayant eu droit à un coup de fer à repasser. Les modèles 3D et leurs animations sont rigides au possible, les textures peu travaillées, et le tout semble avoir été construit avec une base de rendus amateurs disponibles en ligne. Ils ne sont même pas variés, à l’image des 9 stages disponibles se ressemblant tous les uns les autres. Mention spéciale à l’ambiance sonore dans cet ordre d’idée, qui n’a rien d’exceptionnel et fait mine de best of des mp3 gratuits du web. Tout cela n’est pas forcément un problème en soi, mais pour une production en mal d’originalité en dehors de son idée première, cela ne fait que souligner un vrai problème.
Ça tanga peu
Et ce n’est hélas pas son gameplay qui le fera sortir du lot. Panty Party est de très loin vu comme un party-game facile pour une soirée entre amis où fusent les jeux de mots vaseux. De très bons titres se basent exclusivement sur cela. Mais manette en main, Panty Party n’est tout simplement pas une bonne blague. Il prend ses inspirations des séries de bataille en arène type Gundam VS, qui jouent énormément sur l’amour de la licence et un gameplay facile à prendre en main. À ce titre, les Gundam sont les différents types de culottes disponibles, 17 au total à débloquer en jouant.
Celles-ci ont chacune des spécificités (spécialisée en combat au corps à corps, en attaque à distance, en gestion de groupe…) et disposent du même pool d’attaque : une au corps à corps, une à distance, et une spéciale qui inflige une altération d’état à l’ennemi. Un « mode Passion » débloque ensuite un état de transe offrant de nouveaux coups dévastateurs, quand un saut permet de s’élever et flotter suivant une barre d’endurance.
Sur le papier, ça fonctionne. Dans la volonté, on sent l’envie du développeur de rendre hommage à une série qu’il aime. Dans les faits… c’est une autre histoire. Le principal problème est le système de lock automatique, qui ne permet pas de bien suivre un ennemi et s’emmêle vite les pinceaux dès que plusieurs sont à l’écran ; impossible dans ces conditions de réaliser une esquive proprement. Mais le rythme des combats est également mou du genou, faute du moindre impact et spectacle visuel même lors des duels imposés par le scénario. Profiter de la variété apportée par le jeu demande du travail, les différentes culottes se débloquant principalement en réalisant un score précis sur le mode histoire. Or, on se lasse vite et la motivation de scorer disparaît derechef.
Reste le mode multi, qui propose de faire s’affronter jusqu’à 4 joueurs en split-screen sur une limite de temps personnalisable. Le mode fonctionne relativement bien si chacun à sa manette, mais n’escomptez pas utiliser les Joy-Con comme elles sont prévues : l’absence d’un second stick rend le titre injouable. Si AnimuGame a tenté de s’adapter au tabletop, Panty Party est buggé et le stick du premier Joy Con continue de contrôler les déplacements quand celui du second contrôle la caméra. Ainsi, un joueur ne pourra pas viser, et l’autre ne pourra pas se déplacer. Malgré tout le respect qu’on peut accorder à la sainte mission du développeur, le titre n’est pas capable de s’élever en odeur de sainteté et restera plutôt un dérapage dans son parcours.
Si Panty Party vous faisait de l’œil comme la dernière bizarrerie à tester entre potes, mieux vaudra passer votre chemin. L’honnêteté de son développeur AnimuGame est impossible à ignorer, et son concept est indubitablement original, mais le jeu n’y est pas. Techniquement daté et sans véritable génie aussi bien sur son scénario, son ambiance ou son gameplay, son petit prix ne suffit pas à l’exempter d’un manque total d’intérêt.