The Last of Us Part II a la lourde tâche de réitérer l'exploit de son prédécesseur. On avait laissé Joel et Ellie dans un climax assez surprenant. Sur un mensonge, accepté ou mis de côté. Les années ont passé. Mais les blessures d'autrefois entraînent inévitablement de lourdes conséquences. Neil Druckman et Naughty Dog sont-ils parvenus à proposer un titre à la hauteur de la légende ?
The Last of Us a incontestablement marqué son temps. Il avait su se différencier essentiellement grâce au talent d’écriture de ses personnages et à un storytelling tout en finesse qui mélangeait mise en scène inspirée et situations fortuites enlevées. L’émotion était au rendez-vous et les aventures de Joel et Ellie avaient fait chavirer les cœurs de nombreux joueurs.
The Last of Us Part II parvient-il à réitérer l’exploit ? Naughty Dog et son brillant lead designer Neil Druckmann sont-il parvenus à construire une suite à la hauteur des attentes générées par leur création ? On dit l’enfer pavé de bonnes intentions, et on sait que le périple de nos héros sera une nouvelle fois un voyage éprouvant. Qui donc est partant pour un voyage au bout de l’enfer ?
Avec le temps
Sept ans ont passé depuis The Last of Us premier du nom. Soit une génération de consoles. Sept ans à cheval entre une PS3 vieillissante et une PS5 qui s’annonce. The Last of Us fut le jeu d’une génération, celle de la PS360. Porté aux nues par la presse et les joueurs, le titre s’est hissé au plus haut, gravant en lettres de sang son nom au Panthéon du jeu vidéo. Sans révolutionner véritablement l’industrie, il en bousculait incontestablement les lignes et les habitudes, portant avec lui les germes naissants de promesses nouvelles dans la caractérisation de ses personnages ; trouvant tant son essence dans les formidables La Route et Non ce pays n'est pas pour le vieil homme de Cormac McCarthy que dans le I am Legend de Matheson en passant par le cinéma et la télévision avec en tête The Walking Dead, 28 Jours plus tard ou Les Fils de l'Homme de l'oscarisé Alfonso Cuaron.
Synthèse de ce qui se faisait de mieux dans le genre à sa sortie, le titre ne se distinguait pas tant par sa proposition ludique, mais bien par sa mise en scène et son écriture, donnant un crédit inédit à des personnages profonds, multiples et réalistes. Et comme toute œuvre qui traverse le temps, c’est avant tout sur ce qu’elle a apporté qu’il s’agit de la juger, plus que sur ce qu’elle ne parvient pas à achever totalement : en s’inscrivant au creux de son époque, comment lui reprocher l’évolution de son medium après coup ?
Don’t let me be misunderstood
Rejouer à The Last of Us après tout ce temps comme le proposait par exemple le Remake HD de 2014, c’est retrouver ces personnages qu’on a aimé côtoyer ; c’est revivre en écho l’aventure que l’on avait vécue et ressentir à nouveau les sentiments forts qu’on avait éprouvé à l’époque, et parfois même percevoir une strate supplémentaire dans la proposition initiale. Découvrir The Last of Us aujourd’hui, c’est risquer de ne pas faire la même rencontre : en sept ans, les codes du jeu vidéo et sa narration ont beaucoup évolué (et ce, en partie grâce à des titres comme The Last of Us d’ailleurs).
Découvrir The Last of Us en 2020, c’est peut-être s’arrêter à la forme et être rebuté par son gameplay parfois trop classique et ses mécaniques datant de 2013, mais ça peut aussi être vivre l’histoire intemporelle et touchante que souhaitait raconter son auteur et réalisateur, Neil Druckmann. Comme ces chers technophiles endimanchés qui rêvent de CGI et se complaisent dans le vide abyssal des derniers Star Wars tout en refusant corps et âme de laisser leur chance aux premiers films, jugés trop cheap, passant à côté du fond, car trop concentrés sur la forme. Si le temps affecte la surface des choses, ne perdons pas de vue que l’essentiel est invisible pour les yeux.
Il va y avoir des spores
The Last of Us Part II a été pensé pour repousser encore plus loin les limites du précédent mais aussi pour combler les manques du premier volet. Il nous invite à reprendre la route là où nous l’avions laissée voilà quelques années. L’univers dans lequel survivent nos héros est le même que celui que nous avions découvert dans le premier épisode. Quatre années se sont écoulées depuis que nous avions laissé Joel et Ellie dans un final aussi abrupt qu’incertain. Quelles répercussions ce final pourrait engendrer ? Rien de bon, m’étais-je dit à l’époque. Rien de bon. Le monde de The Last of Us est un monde rude, violent. Sans concession. Comment pourrait-il en être autrement ? Comme on se prépare à traverser la tempête, on se lance dans cette suite les mains suintantes et le cœur serré. On sait. On se ment. On espère. En vain.
The Last of Us Part II est un chemin de croix. Une Passion viscérale et intense où chaque station est une épreuve. Un parcours absolu et irrévocable qui nous plonge aux limites du supportable, nous renvoyant sans cesse face à nous-mêmes en un jeu de miroir habile mais suffocant. La transfiguration se fera dans la douleur. Vous pensiez que dans le monde du jeu vidéo, l’enfer c’était la saga Dark Souls, avec son univers chaotique empli de désespoir ? Que le seul angle de torture vidéoludique c’était celui de la difficulté manette en main ? Détrompez-vous. The Last of Us Part II ne vous punira pas par un ‘game over’ sentencieux et instantané qui vous condamne, tel un Sisyphe moderne à recommencer sans cesse votre calvaire. Et si la vraie difficulté n’était pas de réussir à appuyer sur le bon bouton au bon moment, mais bien d’accepter d’appuyer alors qu’on ne sait que trop bien ce qu’on va déclencher, mais qu’on ne veut surtout pas vivre ça ?
Les conditions drastiques imposées par Sony aux journalistes quant aux restrictions encadrant les tests du jeu sont dures mais sans doute nécessaires : jamais un jeu n’a autant reposé sur le secret de son intrigue et sur les choix de son réalisateur. Si nous avons choisi avec l’équipe du Grand Pop de retarder la parution de cet article à aujourd’hui, c’est essentiellement pour laisser du temps aux joueurs de faire le jeu, et d’analyser a posteriori la proposition de Naughty Dog dans son ensemble sans occulter d’éléments.
Fuis-moi, je te suis
The Last of Us vous plonge dans un univers post-apocalyptique qui tente de se reconstruire après qu’une épidémie a ravagé le monde tel que nous le connaissons. Les survivants vivent sous le joug de dictatures militaires ou sous l’autorité de groupes armés dans des zones plus ou moins protégées et non infectées. Dans ce monde sans espoir, où chacun vit dans la peur d’être infecté par les spores du virus ou mis à mal par un petit chef zélé, on incarne un certain Joel, et on doit escorter une jeune fille prénommée Ellie à travers les États-Unis dans l’espoir de découvrir un vaccin et mettre un terme à l’épidémie. Je vous renvoie à notre article sur The Last of Us si vous souhaitez aller plus loin sur le premier volet ou rattraper d'éventuelles lacunes sur le sujet.
Voilà maintenant sept ans qu’on se noie en hypothèses pour savoir ce qu’il va advenir de nos héros. Sept ans de marketing aussi où l’éditeur et le studio se sont bien amusés à brouiller les pistes, révélant au compte-gouttes des cinématiques déconcertantes mettant en scène des personnages inconnus et prenant bien soin de laisser planer le doute sur le destin de Joel et Ellie. Sept ans de flou, de faux indices et de communication cryptique, à jouer la carte de la tendresse, comme dans cette scène de baiser aussi belle que touchante, ou celle de la violence pure avec ces coups de marteaux ravageurs qui nous font détourner le regard. Puis un lever de rideau, comme un crépuscule moite qui se mue en aube grise. L’espoir et la fatalité. Le souvenir du souffle chaud de l’être aimé contre sa peau qui se change en une expiration ultime et froide. Le vide. La rage. La vengeance.
Car c’est sur ce thème que va s’inscrire The Last of Us Part II. Druckmann l’avait déjà dit en interview : “Cette histoire est composée de deux parties. La première parle d’amour et la seconde de haine”. À la fin du premier épisode, Joel qui considère à ce moment-là Ellie comme sa fille d’adoption, se retrouve face à un choix impossible : soit il décide de sauver l’humanité mais doit sacrifier Ellie, soit il décide de la sauver pour ne pas revivre à travers elle la mort de sa propre fille, mais condamne à coup sûr le monde à rester tel quel, sans espoir de jamais trouver de vaccin…
Et bien évidemment, ce geste – ainsi que le mensonge qu’il formule à Ellie – vont avoir des répercussions. The Last of Us n’est pas le jeu du manichéisme, et offre au contraire un véritable canevas d’interactions et de liens entre ses personnages. Les décisions des uns affectant celles des autres en un jeu complexe et un tissage dense. Les choix de Joel, imposés aux joueurs, vont ainsi lui revenir à la figure, et l’élastique, cinglant, laissera de profondes cicatrices aux personnages autant qu’il marquera votre âme. The Last of Us Part II est un jeu qui parle de vengeance et de ses conséquences, et Ellie, même si elle ne pardonne pas à Joel certaines de ses décisions, n’aura pas d’autre choix que de reprendre la route pour mettre fin à cette histoire et laver dans le sang le mal qui aura été fait à son clan.
Suis-moi, je te fuis
Contre toute attente, le jeu ne sera pas pour autant linéaire, et ce qui semble se profiler comme une fuite en avant prendra bien des formes avant d’enfin livrer son épilogue. Le talent de Druckmann se révèle aussi dans ce désir profond d’imposer de l'ambiguïté à ses personnages, et place continuellement le joueur dans une position inconfortable. Le style Druckmann, c’est en quelque sorte de mettre en scène des situations extrêmes qui font appel aux plus bas instincts de l’être humain, pour mieux amener le joueur dans des zones où sa moralité sera mise à rude épreuve puis de laisser décanter le tout en ne proposant qu’une seule fenêtre de possibles. En forçant de la sorte le conflit interne jusqu’à des limites parfois insoutenables et en jouant avec les motivations qu’il a lui même su créer, il se pose comme un marionnettiste sadique qui manie l’art du contre-pied en virtuose et convie le joueur vers un requiem en contre-point.
The Last of Us Part II vous obligera régulièrement à faire des choses ou à jouer des séquences que vous n’aurez pas envie de faire. Il m’est même arrivé de refuser viscéralement de poursuivre. Je me suis même laissé perdre. J’ai essayé de contourner ce qui m’était imposé, jouant des codes du jeu vidéo pour mieux remettre de la distance entre ce que je vivais et la réalité. Une porte de sortie autre. Au sens littéral comme figuré. Mais jamais cette porte ne vient. Le destin. Le sort. Tout ce que nous avons vécu nous a conduit là…
Mais cette allée des supplices est essentielle, car elle seule permet de prendre le recul nécessaire pour faire émerger le propos qui domine le titre : tout n’est qu’une question de point de vue. Quelle justice fait loi ? La mienne ? Ma vengeance est-elle fondée ? Qui es-tu toi qui tient ce fusil pointé sur moi ? Pourquoi m’en veux-tu à ce point ? C’est moi qui te chasse ou toi qui me cherche ? Dans ce jeu de faux-semblants imbriqués, la hauteur de la proposition est incroyable de vérité. The Last of Us Part II parvient à vous renverser car il casse des codes trop éculés. Œil pour œil et dent pour dent ? Vraiment ? Mais à qui sont ces yeux ? Et qui ont mordu ces dents ?
Abby Road
On pensait affronter un nouveau gang. On croyait se livrer à une chasse à l’homme pour sauver ses proches. On pensait que de victime on devenait chasseur. On pensait que l’aventure serait un crescendo qui menerait à un final explosif. Mais Druckmann préfère prendre de biais le conflit qu’il a lui-même mis sur pieds. Et au détour d’un mouvement, il casse subitement les règles pour mieux redistribuer les cartes, conduisant le joueur à un travail d’empathie difficile qui aboutira sur une mise en perspective ingénieuse bien que douloureuse.
En cela, il emboîterait presque le chemin de Faramir dans Le Seigneur des Anneaux qui s’interrogeait déjà à l’époque sur le bien fondé de ses actes : “L'ennemi ? Son sens du devoir n'était pas moindre que le vôtre, je pense. On se demande quel était son nom. D'où il venait. S'il avait vraiment le mal en lui. Quels mensonges ou menaces ont mené ses pas si loin de chez lui. S'il n'aurait pas mieux fait d'y rester… en paix. La guerre fera de nous tous des cadavres.”
À ce titre, le personnage de Abby est une réussite. Vous allez adorer la détester et réciproquement. Comme David, le cannibale du premier épisode, qui vous était présenté comme un allié, la réalité qui entoure Abby vous est livrée de manière sporadique, parcellaire. Manette en main, le joueur hébété doit affronter les affres du destin. De flashbacks en lever de rideau sur les non-dits de l’intrigue, les différents moments mettant en scène Abby sont d’une finesse indescriptible. Par quoi est-elle motivée ? Peut-on parvenir à la comprendre ? Qu’a‑t-elle donc vécu pour en arriver là ?
Bon sang ! Vers quelle emphase notre tortionnaire californien cherche-t-il à nous conduire ? Aussi vrai que ‘je’ est autre, The Last of Us Part II vous convie au double jeu. S’il est facile d’abattre le couperet de la vengeance sur un inconnu pris en flagrant délit, peut-on appliquer le même détachement et la même froideur à un autre être humain marqué par ses doutes et ses espoirs ?
La Loi du talon
Si le déroulement de l’aventure de cette deuxième partie peut surprendre, il est une chose sur laquelle on retrouve très vite ses marques, c’est bien le gameplay. Le joueur ayant terminé le premier épisode naviguera en terrain connu. Mais retrouver ses marques ne signifie pas camper sur ses acquis, et les développeurs de Naughty Dog ont su entendre les remarques des joueurs et tenter de corriger les défauts du premier épisode, parfois avec brio et réussite, parfois en prenant une direction inattendue mais authentique.
Les environnements sont bien plus riches et marqués que dans le premier épisode, et votre personnage dispose aussi d’une palette de mouvements étoffée, avec au menu la capacité de ramper en plus de s’accroupir, mais aussi de sauter pour mieux appréhender un level design bien plus vertical. Autre nouveauté, le combat à mains nues a été revu et vous pourrez désormais esquiver les attaques au corps-à-corps, ce qui en pratique donne un dynamisme certain aux affrontements, toujours aussi intenses et bien mieux chorégraphiés. Achever un Clicker rageur d'un coup de pied ravageur afin de se libérer de son emprise reste une expérience aussi nauséeuse que libératrice.
Notez à ce titre que l’attention portée à l’incarnation des personnages principaux est toujours à l’œuvre sur les ennemis communs, conduisant certains antagonistes à vous menacer ou, le cas échéant, de vous supplier de les laisser en vie pour peu que vous ayez occis tous ses complices. Et encore une fois, tirer sur un ennemi sans nom ni visage ne fait pas appel aux mêmes ressorts moraux que de sectionner la carotide d’un certain ‘Jack’ qui vous dit qu’il avait une famille ou d’une certaine ‘Sylvia’ qui vient de vous insulter parce que vous avez tué son amant sous ses yeux…
Un maillage entre individus, qui même minime et jeté comme ça au détour d’une interjection, renforce le réalisme de l’univers et vous renvoie sans cesse à vos propres actes. Neutraliser les chiens de garde qui vous suivent à la trace ou vous sentent de très loin ne sera pas une partie de plaisir, et le jeu de miroir que propose le titre dans sa seconde partie ne fera que souligner le malaise perpétuel dans lequel vous êtes plongé.
De son côté, le game system n’a pas vraiment changé, et vous retrouverez une évolution de personnage basée sur le déblocage de capacités et la possibilité d’améliorer vos armes ou de crafter des consommables fort utiles comme des bombes à clous ou des cocktails molotov. L'enchaînement des différentes phases de combat, d’infiltration ou d’exploration est aussi de retour, toutefois, le jeu parvient à se renouveler tout au long de l’aventure en ne proposant jamais deux fois la même situation.
Ainsi, très vite dans votre aventure vous déambulerez dans les faubourgs de Seattle à dos de cheval, dans une sorte de petit open world. Puis jamais cette option de level design ne vous sera proposée à nouveau. Vous aurez d’autres séquences d’exploration, d’autres combats à mener et autant d'inspirations qui puisent dans la littérature horrifique ou le cinéma de genre, mais jamais cette même sensation de liberté, d’errance. Il en sera de même pour chaque phase du jeu. Cette Partie II est construite comme un métaphore de la vie : profitez de chaque moment, car il est unique.
L’Enfer c’est les autres
L’aventure de The Last of Us Part II prend son temps – trop diront certains – pour construire un récit profond et décrire un univers complet. Ainsi, si on avait déjà rencontré le groupe des Lucioles dans le premier épisode, ce second volet se risque au jeu des factions multiples et ne se prive pas de les faire en plus s’affronter les unes avec les autres. Il n’y a pas que vous et vos ennemis. Il y a aussi les ennemis de vos ennemis. Sur les cendres de l’armée qui avait fait main basse sur l’autorité des villes, The Last of Us Part II vous présente un nouveau groupe très organisé et étendu : les Wolves (pour ‘WLF’ : le Washington Liberation Front). C’est de ce groupe que se réclament d’ailleurs la fameuse Abby et les siens.
Face à eux, on apprend qu’il existe un groupe de fanatiques religieux vivant sur une île sous l’égide d’une mystérieuse prophétesse : les Seraphites, aussi appelés les Scars par les Wolves. Moins armés mais mieux formés aux escarmouches discrètes et à la guérilla urbaine, les Scars sont sans pitié et absolutistes. Le jeu vous mènera ainsi sur un territoire en guerre, au travers d’une Seattle en ruines où la nature a vraiment repris ses droits : les immeubles sont désagrégés, la mer a fait irruption au cœur des quartiers côtiers, et de vastes marécages entourent des zones infectées. Car bien entendu, les infectés sont de retour, et ont même un peu évolué…
Si on connaissait déjà les enragés standards – les Coureurs – et leurs modèles aveugles mais ô combien mortels les Claqueurs, les vils et discrets Rôdeurs indétectables au radar ou les effroyables Colosses, le jeu rajoute au bestiaire quelques nouvelles monstruosités, avec les abominables et repoussants Puants et quelques évolutions ultimes que ne désavouerait pas John Carpenter lui-même… Notez que si ces ajouts peuvent sur le papier sembler peu nombreux, c’est l’art du level design qui fera la différence avec des séquences inédites où les forces de chacun seront mises en avant. La complémentarité entre les différents types d’infectés a par ailleurs elle aussi été renforcée, rendant le gameplay plus nerveux et enlevé. Vous pouvez tout-à-fait jouer la carte de la discrétion, mais le jeu et les décors ont vraiment été pensés pour permettre de vivre des séquences plus punchy et vous auriez tort de ne pas en profiter.
Hoax and more
Le scénario de The Last of Us Part II aurait fuité sur internet peu de temps avant sa sortie. Le jeu y était décrit comme un brûlot militant et engagé, qui ferait de la propagande en faveur des causes LGBTQ+. Alors déjà je ne vois pas en quoi défendre une telle cause serait un problème, mais – Spoiler Alert – la fuite ne révélait qu’un seul fait important du scénario au milieu d’un ramassis d’inepties improbables. Un seul fait important donc, mais qui a lieu en ouverture du jeu, ce qui ne gâche par conséquent qu’à la marge l’expérience finale. De plus, les rumeurs autour de la sexualité du personnage d’Abby étaient fausses… Mais c’est pourtant sur ces allégations que se sont basés de nombreux joueurs pour tenter de saborder le titre en lui mettant des notes proches de zéro un peu partout sur les sites dédiés.
Paradoxalement, à sa sortie, le jeu a été littéralement plébiscité par l’ensemble de la presse mondiale, faisant de cet épisode le jeu le mieux noté de l’année, voire – une fois n’est pas coutume – de la génération actuelle de consoles. The Last of Us Part II propose une aventure incroyable et décrit des personnages réalistes particulièrement fouillés. C’est un jeu progressiste dans la caractérisation de ses personnages, mais qui se garde bien de sur-sexualiser ses héros et ses héroïnes. On savait Ellie lesbienne depuis le DLC Left Behind du premier volet. Cette suite prend tout de suite acte de la sexualité de son héroïne, mais jamais ce n’est un élément central ou moteur. The Last of Us parle de haine et d’amour, mais jamais ne brandit un quelconque étendard. La neutralité et la normalité de traitement de toutes les sexualités au même plan est la meilleure des réponses à toutes les levées de boucliers d’esprits étriqués.
Voix sur ton chemin
Les équipes de Naughty Dog ont poussé la PlayStation 4 dans ses retranchements. The Last of us Part II est sans doute le plus beau jeu de la console. Plus encore que ses décors vertigineux, variés et impressionnants de vérité ; plus encore que ses ambiances si disparates et marquées ou ses éclairages plus vrais que nature, le titre met littéralement la concurrence à genoux sur la gestion du storytelling, de la mise en scène et des animations. Les déplacements sont d’une fluidité exemplaire et les expressions de visage d’un niveau jamais atteint en temps réel. La peur, la joie, la douleur et la colère se voient autant qu’elles sont jouées par les acteurs derrière les pixels. Une fois encore le travail d’Ashley Johnson et de Troy Baker, respectivement derrière les voix d’Ellie et de Joel en VO est incroyable, et les nouveaux venus Victoria Grace, Ian Alexander, Shannon Woodward, Stephen Chang et Laura Bailey ne sont pas en reste.
Certains échanges resteront gravés dans vos esprits, comme ces moments volés entre les deux héros, sorte de flashbacks joués qui retracent les étapes importantes qui jalonnent la relation entre les deux personnages, et comblent les vides laissés par l’intrigue entre les deux épisodes. Une fois encore la guitare discrète et mélancolique de Santaolalla vient caresser le récit et bercer nos émotions.
Last but not lisse
The Last of Us Part II est un jeu sans concession. Il atteste d’une vraie volonté iconoclaste de casser les codes établis du genre pour proposer une réflexion qui pique aux entournures. Jamais un jeu vidéo ne m’aura jusqu’ici autant fait de mal. Si le premier était viscéral, celui-ci est cérébral. Attention, non pas que cet épisode ne vous prendra pas aux tripes ou que le premier manquerait de hauteur de lecture. Mais le premier Last of Us était un direct au foie qui s’ouvrait dans les larmes et s’achevait dans une forme d’asphyxie. Une quête effrénée pour la survie.
Ce deuxième épisode se pose comme un récit non plus initiatique mais comme un renoncement nécessaire qu’on ne veut pas forcément faire. C’est l’épisode de la maturité. Il met ses héros et les joueurs face à leurs responsabilités, face aux conséquences de leurs actes. Sept ans comme sept étapes d’acceptation, jusqu’à la rédemption de ses icônes, meurtries et malmenées jusqu'au point de rupture. Il est temps de considérer les choses dans leur ensemble, de prendre le recul nécessaire pour affronter des réalités bien moins manichéennes que ce qu’une simple vengeance aveugle aurait pu proposer.
Traverser les cercles de l’enfer sans se retourner en déchaînant des vagues de haine sur son chemin laisse des cicatrices. La traînée sanglante est aussi une piste que pourront suivre d’autres furies. La violence n’engendre dans tous les cas que plus de violence, et s’enfoncer sans garde-fou trop profondément dans la spirale infernale conduit de manière inéluctable à une chute qui marque l’âme au fer rouge. Comment retrouver le goût des choses après avoir vécu d’aussi terribles épreuves ? The Last of Us Part II ne laissera personne indemne. En prenant les problèmes à l’envers il propose une relecture presque cathartique de la tragédie classique et hisse ses personnages en archétypes intemporels, et c’est là la marque des grands. Le titre est une proposition indécente aux joueurs : jouer à un tout autre jeu que celui qu’ils attendaient et, par devers eux, parvenir à leur faire aimer ça. Le roi est de retour.
Comment reprendre le cours de son ancienne vie, comment continuer, lorsque dans son cœur on commence à comprendre qu’on ne peut plus retourner en arrière.
Il y a des choses que le temps ne peut cicatriser, des blessures si profondes qu’elles se sont emparées de vous”. J.R.R. Tolkien, Le Retour du Roi.
2 commentaires
Encore une fois un super article Menraw ! Qui laisse transparaitre un ressenti profond et étudié sur TLOU2. Sans parler des qualités intrinsèques dont tout le monde vante, le stoy telling est sans conteste le point fort du jeu…Combien de fois j'ai hésité a appuyer sur la touche de QTE…Bref, un travail remarquable, comme ton article ! Keep going. Greg
Merci beaucoup Greg 🙂 Effectivement, c'est le genre de jeu qui reste en tête des années après l'avoir fait. Vivement qu'on apprenne sur quoi bosse Naughty Dog maintenant !