Le 21e siècle… Des 4 coins d’Internet, de gigantesques articles partent à la conquête de ce nouveau monde.
Derrière ces articles, des hommes, avides de rêve, d’aventures et d’espace ; à la recherche de partage.
Qui n’a jamais rêvé de ces articles intenses, de ces lignes évocatrices échos d’œuvres denses,
Ou d’une richesse soudaine qui se conquérait au détour d’une formule, à l'aplomb d’une légende ?
Qui n’a jamais rêvé voir un élan souverain guider ses pas au cœur d’une œuvre extra,
Vers la richesse et la gloire des Mystérieuses Cités d’Or !
Enfant du Soleil
Au début des années 80, la jeunesse française est fascinée par une nouvelle production imaginée par Jean Chalopin, la papa d’Ulysse 31. Délaissant le froid de l’espace et son interprétation futuriste de L’Odyssée d’Homère, c’est du côté de la cordillère des Andes et du Nouveau Monde que les regards se portent. Mais si l’on oublie la Grèce antique, c’est pour mieux se tourner vers une mythologie plus exotique et plus mystique, celle des civilisations pré-colombiennes, et vers l’Eldorado, le rêve doré des conquistadores espagnols et portugais, à l’aube du 14e siècle.
Fait peu connu, Les Mystérieuses Cités d’Or est une – très – libre adaptation d’un roman de Scott O’Donnel intitulé La Route de l’Or. Le dessin animé, s’il reprend le cadre et quelques personnages principaux, se démarque toutefois très largement de sa source, en imaginant une toile de fond ésotérique et de nombreux éléments de fantastique mêlés à des faits et personnalités historiques, à l’instar de ce qu’a imaginé Fabien Cerutti dans son Bâtard de Kosigan. Les Mystérieuses Cités d’Or, c’est une fiction historique, l’histoire initiatique de trois jeunes enfants d’une douzaine d’années, perdus dans l’immensité de l’Amérique du Sud, des vastes plateaux andins aux mangroves de l’Amazone, pris entre le feu des envahisseurs espagnols et les flèches des natifs, au crépuscule des civilisations incas, aztèques et mayas.
¡ 3 Amigos !
La série débute en Espagne, à Barcelone. Elle raconte l’histoire d’Esteban, jeune orphelin recueilli par le père Rodriguez, un vieux prêtre bienveillant. Sauvé d’un naufrage tandis qu’il était enfant, Esteban, jeune garçon enjoué et altruiste, semble posséder un pouvoir mystique qui défrise les moustaches des gentilshommes locaux et des huiles du clergé : il peut invoquer le soleil, ce qui lui vaut le titre de ‘Fils du Soleil’ (et les premiers mots du générique). Par une suite de péripéties et la soif de l’or d’un mystérieux vaurien au grand cœur prénommé Mendoza, Esteban va devoir prendre la mer, direction les Amériques qui viennent d’être découvertes, et qui suscitent toute l’avidité des explorateurs à la solde des royaumes européens.
En 1536, date où débute notre récit, Esteban s’embarque avec Mendoza et ses deux sbires Sancho et Pedro – les Laurel et Hardy de service – à bord de l’Esperanza, un galion du Roi Charles Quint. À son bord, il fait la rencontre et sympathise avec Zia, jeune inca enlevée par les Espagnols, et seule interprète capable de lire les ‘Quipus’ sacrés censés mener aux cités d’or. Lors d’une halte forcée dans les Îles Galápagos, ils se lient d’amitié avec Tao, un garçon espiègle et ingénieux qui se présente comme le dernier héritier de l’Empire de Mu – l’Atlantide du Pacifique. Une assertion qui va rapidement se révéler vraie, Tao menant ses nouveaux amis dans un temple caché où sommeille le Solaris, bateau solaire d’or et de métal qui annihilera la flotte espagnole à leur trousse, et mènera la petite troupe à bon port, sur les côtes fantastiques du continent.
Incas de force majeure
S’ouvrent alors tous les possibles sur ces vastes territoires inexplorés, peuplés de mystères et de légendes. Les trois enfants et leurs accompagnateurs de fortune, Mendoza, Sancho et Pedro suivent alors les indices laissés au détour des grands sites précolombiens et dans le langage oral des peuples rencontrés, pris entre le marteau de Pizzaro et de ses hommes de main Gomez et Gaspard, et l’enclume de Cortès, du Docteur Laguerro et de Marinche, la belle intrigante Inca qui a trahi les siens. Le périple sera bien évidemment semé d’embûches, et les motivations de Mendoza pas toujours des plus éthiques, ce dernier n’hésitant pas à trahir les enfants si le besoin s’en fait sentir.
Toutefois, au fil des aventures, il passera de mercenaire sans scrupules à père adoptif pour Esteban, et véritable protecteur du trio. Sancho, le petit gros bègue et maladroit, et Pedro, le couard paresseux grand et maigre suivront eux aussi une évolution morale certaine, et, s’ils resteront éperdument assoiffés de richesses, ils troqueront au fil du récit leurs pires défauts pour une aide réelle, motivée par un sens de justice désintéressé. Et il faudra bien ça au groupe pour se sortir des situations qui les attendent. Car si les Espagnols et les Portugais hantent les sentiers andins, ils ne sont pas la seule menace. Les différents peuples rencontrés ne sont pas tous accueillants et bienveillants, et les bêtes féroces ne comptent pas se priver d’un petit gueuleton plus que bienvenu sur ces terres hostiles.
Les Andes détonnent
Des hauteurs de la Cordillère des Andes, de la forteresse du Vieux Pic aux souterrains obscurs des plateaux péruviens jusqu’aux jungles épaisses et temples abandonnés qui bordent l’Amazone, le spectateur découvre avec ses héros les civilisations incas, mayas, aztèques et autres qui jalonnaient le continent sud-américain de l’époque, à la rencontre de Papacamayo le Sage, des guerriers Waïna et Ketcha, ou des chefs Yupanqui et Kraka. Et si chaque culture possède ses propres traditions, toutes parlent de légendes similaires, celles d’un mystérieux voyageur au savoir supérieur : Viracocha, Quetzacoatl… Un être civilisateur mystérieux et divin, héritier des savoirs d’un peuple perdu, détruit lors du temps d’avant le temps.
Mais la justesse de la mise en scène et l’écriture des Cités d’Or, c’est d’abord un savoir-faire certain dans la distillation du merveilleux et du suspense. Pas de grands discours ou d’explications pompeuses. Ici vous êtes comme les héros du récit, perdus dans un monde immense et étrange, coupé de vos repères, n’ayant d’autres choix que la fuite en avant, poursuivi par le danger et les conquistadores qui brûlent, hors champ, le pays. Les Incas vivent leurs derniers jours, les Mayas ont déjà disparus dans l’épaisseur des jungles boliviennes et guatémaltèques… Et les pièces du puzzle ne s’assemblent pas sans efforts.
It’s a kind of magic
Cette double lecture – la fin des civilisations précolombiennes et la quête des enfants – est savamment orchestrée, mais le véritable liant entre les deux, c’est cette dose de fantastique qui point au détour de chaque sentier, au revers de chaque pierre géante. Quand Esteban, Zia et Tao se retrouvent perdus dans les montagnes au coucher du soleil, devant une statue séculaire et sacrée. Quand ils doivent insérer leurs pendentifs respectifs sur les seins de pierre de Pacha-mama, la Déesse de la Terre, tandis qu’un chœur lancinant s’élève, rythmé par une bande son qui touche au cœur, et que la montagne se déplace grâce à un mécanisme secret, laissant un rayon doré irradier la cité cachée en un final époustouflant, gravant à vie la rétine des enfants. Ceux animés sur le cellulo de la télé, et ceux, animés par l’émotion, sur le canapé du salon.
Car si les Cités d’Or a su marquer toute une génération, c’est autant pour son propos que pour sa forme. Les Cités d’Or, c’est une bande-son magique inspirée de musiques hispaniques ou sud-américaines auxquelles on a rajouté des variables notables : des beats synthétiques échos de leurs temps, et des voix psalmodiées en chœurs mystiques. Des thèmes enjoués et entraînants ou des titres entêtants et étranges qui exaltent les situations pour leur donner une épaisseur palpable, une réalité tangible. Les Cités d’Or, c’est l’art de magnifier les légendes pour les faire sembler réelles. Cela passe par des prises de vues réelles et coloriées sur lesquelles le Studio Pierrot a apposé les calques des personnages ; ainsi que sur des choix de mise en scène épiques et graves.
Le monde des Cités d’Or est un monde au bord du chaos qui goûte à sa fin, écho de celui de l’Empire de Mu et de l’Atlantide où il prend sa source, faisant des Incas et des Mayas les héritiers d’une civilisation avancée et disparue, des cultures qui se seraient établies sur les ruines de l’ancien monde après un cataclysme, guidés par quelques sages survivants. Dans la montagne du bouclier fumant, les auteurs convient même une civilisation olmèque fantasmée, peuple avancé et véritables méchants de l’histoire : quelques élus emmenés par leur roi Menator et le général Calmèque survivants dans leurs vaisseaux volants grâce à la transplantation génique et la cryogénie, et voulant mettre la main sur la technologie des Cités d’Or pour devenir immortels.
Goldfinger
Deuxième coup de maître pour Jean Chalopin et Bernard Deyriès qui livrent avec Les Mystérieuses Cités d’Or un programme atypique et absolu, pierre angulaire de la collaboration franco-japonaise. À l’image du Grand Condor qui se pose au milieu des géoglyphes de Nazca, les auteurs puisent dans l’archéologie et le légendaire local les jalons de leur histoire. Du Serpent à Plumes au masque de jade, du lac Titicaca au Machu Picchu, des mégalithes imbriqués comme par magie aux cités d’or elles-mêmes et à leur technologie solaire, le mystérieux résonne avec envie et fascine grands et petits.
Et le rêve ne s’arrêtait pas de manière abrupte, puisque chaque fin d’épisode proposait un court documentaire de quelques minutes. Ces docs, dits de la voix suave et bienveillante de Jean Topart revenaient sur certains lieux, personnages ou mythes abordés dans les épisodes en séparant le vrai du faux, l’archéologie du mystique, et renforçaient encore l’attention, ancrant dans le réel nos rêves d’enfants. "Au revoir. Et à bientôt !"
Crédits : Jean Chalopin, Hisayuki Toriumi, DIC Audiovisuel, Studio Pierrot, Blue Spirit Studio, Saban Entertainment