Produits à un rythme toujours plus soutenus, les animés s'enchaînent et se ressemblent bien souvent. Plutôt que d'essayer de suivre ce rythme, voire cette pression, j'essaie plutôt de repérer des productions qui ont un message ou un aspect unique ; c'est plus ou moins ma mission sur Le Grand Pop.
Évidemment, j'ai mes préférences personnelles. Mêlez tranche de vie et surnaturel avec une pointe d'humour et des personnages bariolés, et je répondrai immédiatement présent à l'appel. Mais qu'en est-il lorsque je me fais moi-même surprendre par un trait particulier de l’œuvre ? Alors j'en écrirai un article. Voici pourquoi je vous parle aujourd'hui de Rascal Does Not Dream of Bunny Girl Senpai, ou Seishun buta yarō pour les vrais.
Un roman loin d'être léger
À l'origine, Seishun buta yarō (qu'on pourrait traduire par "le jeune porc") est un light novel, comme c'est souvent le cas dans l'industrie japonaise. Écrit par Kamoshida Hajime, il a été distribué par le célèbre Dengeki Bunko à qui l'on doit notamment Shakugan No Shana ou encore Accel World. Autrement dit : il était plus ou moins destiné à de grandes choses d'entrée de jeu.
Cependant, je trouve sa sélection par les producteurs d'animé japonais intéressante. Et pour cause : dans un contexte où les isekai type Sword Art Online, Re;Zero ou encore That Time I Was Reincarnated as a Slime font les gros billets, Bunny Girl Senpai a pu avoir une adaptation en animé sans appartenir à ce genre. Pire encore : il s'agit d'une histoire mettant en scène le "syndrome de la puberté", une thématique appartenant à une tendance déjà précédemment largement exploitée par l'industrie aux alentours des débuts 2000 et la popularité de séries telles que Suzumiya Haruhi no Yuutsu.
Pour qu'elle puisse sortir du lot ainsi alors que son "temps est passé", il fallait nécessairement qu'elle ait un petit quelque chose en plus. L'adaptation a été confiée au studio Cloverworks, ancienne filiale d'A‑1 Pictures ayant pris son véritable envol au sein d'Aniplex. Un studio respecté, particulièrement sur ces histoires lentes se reposant énormément sur les personnages et les dialogues, à qui l'on a par ailleurs confié récemment l'adaptation très attendue de The Promised Neverland.
Aussi, quand bien même rien ne paraissait aller pour cette histoire dans le contexte contemporain, Bunny Girl Senpai a profité d'une attention toute particulière pour réussir à tirer son épingle du jeu. Le moins que l'on puisse dire est que c'est tout à fait réussi.
Espers et désespoir
"Le syndrome de la puberté" est une idée bien japonaise. Elle décrit le fait que certains adolescents se retrouvent avec des pouvoirs surnaturels uniquement lors de la puberté, avant qu'ils ne disparaissent tout simplement en grandissant. On ne compte plus les animés ayant utilisés ce principe de près ou de loin, mais Bunny Girl Senpai a une petite spécificité : l'animé ne cherche pas la grandiloquence des pouvoirs, ou les malédictions profondes, et se concentre vraiment sur ses personnages et des histoires relativement banales.
"Quel impact sur une vie tranquille ?" pourrait-on succinctement résumé. L'histoire suit les tribulations de Azusagawa Sakuta, un jeune lycéen dont la réputation scolaire est troublée par de sombres rumeurs le concernant qu'il ne daigne pas tenter de dissiper. Il vit simplement avec, usant de sarcasme et de détachement. Mais son quotidien routinier sera troublé par la vision de Sakurajima Mai, ancienne idol, star du lycée et d'un an son aînée, en costume très sexy de lapin, au sein de la bibliothèque. Le choc ne vient pas véritablement du costume, mais du contexte : malgré cet accoutrement, il est le seul à la voir et pouvoir interagir avec elle. Elle le somme avec aplomb d'oublier ce qu'il a vu, et de ne pas s'en soucier.
Il ne le peut évidemment pas, et découvre la vérité derrière cet acte : Sakurajima Mai est en train de disparaître. Ses camarades de classe, ses anciens fans, et petit à petit toute la ville finit par l'oublier et ne plus la voir. Son costume très voyant n'est là que pour pouvoir tester les limites de cette disparition, alors qu'elle finit par ne plus même pouvoir s'acheter à manger. Ayant connu un événement similaire par le passé, Sakuta va tenter de lui éviter cette condamnation à l'oubli.
Tout est tsundere
Ce contexte, bien que de bon aloi, n'est pas nécessairement le plus original. Ce qui rend Bunny Girl Senpai particulier pour moi, c'est son traitement. Pour la première fois dans un animé, une notion m'a frappé : les dialogues que ces personnages ont, les blagues qu'ils font, leurs réactions, se rapprochent le plus de ce que je pourrais également faire dans la vraie vie.
J'ai utilisé un mot particulier dans ma description de l'oeuvre quelques lignes plus tôt, que certains auront peut-être discernés : sarcasme. Voilà une notion qui est normalement absente de la langue comme de la culture japonaise, et qui pourtant est parfaitement représentée ici. Tous les personnages de cette oeuvre sont des tsundere en puissance : si ce n'est la sœur de Sakuta, adorable au possible, la blase est le maître-mot de la galerie de personnages mise en scène et leurs interactions.
Et c'est très rafraîchissant, particulièrement alors que l'oeuvre est extrêmement intimiste : on plonge profondément dans la psyché des personnages et de leurs troubles. Sans trop en dire, le problème de Mai ne sera pas le seul que tentera de résoudre Sakuta, sans parler des siens bien sûr. Mais plutôt que de mettre en exergue les pouvoirs, ceux-ci deviennent dans Bunny Girl Senpai une conséquence d'un comportement très ancré dans le réel contemporain. Confiance en soi, voyeurisme, problèmes familiaux sont autant de sujets que touche avec une certaine sensibilité l'animé, car il reste toujours très focalisé sur le problème original, faisant des pouvoirs un signe extérieur d'un mal intérieur.
La compassion avant l'action
Tout ceci est évidemment aidé par l'animation et le style de CloverWorks. Le studio a ce "petit truc en plus" pour rendre féériques des situations du quotidien. Des environnements éclairés par de larges éclats de lumière vive et chatoyante, des personnages aux mouvements détaillés, des angles de caméra lents s'attardant sur les détails, on ne pouvait faire mieux pour ressortir l'intimité de chaque situation mises en scène par Bunny Girl Senpai, au service d'un message poignant.
Par son discours et son écriture, il m'apparaît comme l'un des animés les plus "occidentaux" disponibles, quand ses personnages et son contexte sont évidemment "typiquement japonais". Ainsi, sans pousser au sentimentalisme, Bunny Girl Senpai arrive aisément à nous faire compatir pour ses personnages et leurs malheurs.
Et ce sans oublier d'être drôle. Mais, et c'est assez rare dans les animés japonais pour être souligné, il ne l'est pas malgré lui ou par le biais de situations loufoques : il tire cet humour de son ton pince-sans-rire maîtrisé de bout en bout, un style définitivement rare dans les productions japonaises. Voilà des qualités auxquelles on ne s'attend pas nécessairement en voyant un costume de lapin affiché d'entrée de jeu sur un animé, mais c'est aussi pour cela que je l'aime : avoir su jouer sur l'attente du moe pour réaliser un énorme virage loin de cela dès le premier épisode. Il a qui plus est l'intelligence de ne pas s'éterniser pour rien, faisant que ses 13 épisodes se dévorent rapidement et avec joie.
Vous pouvez retrouver Rascal Does Not Dream of Bunny Girl Senpai sur Wakanim.
2 commentaires
Merci pour cette découverte.
Comme tu le dis je trouve les dialogues très bien écris et assez réaliste dans le ton et l'humour.
Ils sont aussi très rythmé. C'est vivifiant de regarder un animé comme celui ci.
Il me fait beaucoup pensé à "Yahari Ore no Seishun Love Come wa Machigatteiru".
Hâte de découvrir tes prochaines pépites
Je ne connais pas du tout Yahari Ore no Seishun Love Come wa Machigatteiru tiens, je vais regarder ça merci beaucoup.
Très content que tu aies aimé Bunny Girl, et j'ai quelques autres séries qui arrivent héhé J'espère que tu y trouveras ton compte !