FuRyu et historia Inc. l'ont fait ! Après un premier épisode sympathique, mais qui m'a laissé sur ma faim tout en restant optimiste pour la suite de la série, The Caligula Effect 2 est arrivé sur nos PS4 et Nintendo Switch. Hélas, loin de faire en sorte que la licence atteigne de nouveaux sommets, le jeu ressemble plus à un "rappel" qu'à un second album.
Si vous avez bien lu entre les lignes, malgré les nombreuses critiques que je lui ai faites, vous avez compris que j'ai beaucoup de sympathie pour The Caligula Effect. N'est pas Persona qui veut bien évidemment, mais la nouvelle série créée à l'origine par AQURIA m'a semblé faire les efforts qu'il faut et trouver assez d'originalité pour mériter d'avoir un futur. Aussi, quand The Caligula Effect 2 a été annoncé, j'étais aux anges. "C'est leur chance de transformer l'essai !" me suis-je dit, plein d'espoir de voir ces premières notes composer une grande symphonie.
Je n'avais pas encore pris conscience que le groupe avait changé. Si The Caligula Effect premier du nom, sorti sur PS Vita en 2016, a été conçu par AQURIA, ce n'est pas le cas de son épisode 1.5 "Overdose" sorti plus récemment sur PS4 et Nintendo Switch. Ce développement a été confié à historia Inc., un petit studio habitué au rôle de soutien pour des jeux comme Shenmue 3 ou Jojo's Bizarre Adventure : Last Survivor. Sa spécialité ? Connaître les arcanes d'Unreal Engine 4 et de la VR. Et sur The Caligula Effect 2, ce dernier a pris le rôle de seul développeur. Difficile de savoir si le futur entier de la série est désormais entre ses mains, mais ce changement n'est pas sans importance pour comprendre ce qu'est ce second épisode.
Sans tambour ni trompette
Il nous faut bien parler de The Caligula Effect 2 à un moment. Voire même du cas Caligula Effect 2, comme j'ai envie de l'appeler. Car après une quinzaine d'heures sur le jeu et quatre donjons derrière moi, je peux déjà le dire : très peu de choses ont changé. J'attendais bien plus que ça, mais ce n'est pas pour autant une mauvaise chose dans l'absolu. Le contexte est toujours le même : les consciences de centaines de personnes se retrouvent emprisonnées dans un monde numérique par une entité vocaloïde (des chanteuses intégralement virtuelles). Ces personnes prennent la forme dont ils rêvent, car ce monde n'est pas créé dans un but néfaste : il cherche à les faire fuir un réel trop dur pour eux. Reste qu'une prison, si confortable soit elle, est une prison. Aussi, une vocaloïde concurrente prend le parti de s'infiltrer dans ce nouveau monde et le faire imploser, en libérant votre conscience pour devenir le chef d'un groupe appelé le "Go-Home Club ».
Oui, c'est exactement la même histoire que le premier épisode. Mais The Caligula Effect 2 en est totalement conscient, jusqu'à appeler ce nouveau monde "Redo" – "Refaire" pour les moins anglophones d'entre vous – et faire de la vocaloïde libératrice la descendante de Nyu, l'antagoniste originale. Cependant, du moins sur ces premières dizaines d'heures, tout ceci n'a pas grande influence sur le scénario qui tape presque à l'exact sur les mêmes notes que son prédécesseur. Aussi, la chanson reste la même : l'histoire est sympathique, sans être totalement originale. À nouveau, ce sont dans les histoires personnelles des membres de notre équipe que l'on retrouve les plus belles émotions, alors que l'on découvre les véritables identités de nos camarades et ce qui les ont fait fuir le monde réel.
Reste un point sur lequel The Caligula Effect 2 s'est grandement amélioré : il est plus digeste. Le premier épisode avait tendance à se perdre dans son propre jargon en se montrant trop malin pour son propre bien. Le fait est que la logique du monde de Caligula est savamment construite, et se comprend assez intuitivement pour ne pas avoir besoin de multiples tutoriels et dialogues d'exposition pour qu'on l'absorbe. Ce second épisode l'a bien compris et va plus vite à l'essentiel, ce qui rend les premières heures de jeu plus appréciables.
Réglé comme du papier à musique
En poussant ce changement, The Caligula Effect 2 a cependant fait un sacrifice : celui de l'immersion scénaristique. Là où un certain Persona mêle avec génie ses séquences de visual novel avec son dungeon RPG au point que l'un est indissociable de l'autre, la formule simplifiée de ce second épisode renforce une danse autour de divers menus et icônes sans liant. On finit le donjon, des icônes s'affichent au dessus de la tête de nos personnages, on se retrouve téléporté dans un lieu qui parfois est en rupture complète avec l'intrigue, sur un dialogue qui ne tient compte d'aucune progression. C'est direct, sans fioriture, optimisé… Mais aussi extrêmement mécanique. Ce trait est encore plus souligné dans les dialogues sur smartphone, qui ne cherchent pas à être plus immersif qu'un "si tu appuies là tu auras un fait aléatoire sur le personnage ».
Au moins The Caligula Effect 2 a mis à mort son concept fallacieux de pouvoir se lier d'amitié avec une centaine de NPC différents. Si la mécanique est toujours présente, elle est désormais présentée comme ce qu'elle a toujours été : une petite couche de complexité supplémentaire pour rendre les quêtes secondaires plus organiques. Enlever cette emphase fait partie des bons choix de ce second épisode, même si l'on aurait apprécié des petites histories mieux ficelées et plus de variété dans les missions. Le "Fedex" est légion, et est mis en place comme une excuse pour retourner dans les donjons déjà visités. Un second épisode plus sobre, donc ? Oui, mais aussi plus focalisé sur les meilleurs points du premier épisode.
Pour adoucir les mœurs
Au fameux "Et cette ciboulette ! Et cette texture onctueuse" de Maïté, je répondrais "Et ce battle system ! Et cette musique endiablée !" Car s'il y a bien une chose qu'a compris historia Inc., c'est que AQURIA a trouvé une formule terriblement addictive en mêlant des combats en tour par tour avec une piste sonore. Même formule que le jeu précédent : vous placez vos attaques sur une timeline qui avance librement sur un combat, pouvez voir à l'avance les coups adverses, et votre but est de réaliser les meilleurs contres et combos avec votre équipe pour maximiser vos dégâts. Même faiblesse aussi, cependant : The Caligula Effect 2 est aussi facile que le premier épisode et ne réclame pas de se triturer le cerveau plus avant dès lors que l'on a trouvé son combo signature. Au moins est-il possible d'exprimer sa personnalité en sélectionnant ses 4 membres parmi de nombreuses combinaisons possibles : que vous vouliez jouer en mettant l'emphase sur les combos, sur les gros dégâts ou les contres, vous aurez toujours de quoi composer à votre sauce.
La grande différence de ce nouvel épisode est que la vocaloïde qui vous accompagne vous supporte beaucoup plus activement désormais. Une barre se charge progressivement sur les combats jusqu'à complétion, où vous pourrez alors activer un bonus de votre choix : plus d'attaque, de défense, de coup critique… C'est surtout dans la cohérence de l'univers que j'apprécie ce nouveau trait. Chaque donjon est représenté par la musique de votre adversaire, et lors de ces séquences, cette musique est reprise par votre vocaloïde. Une touche vraiment pertinente, qui met parfaitement en exergue comme la musique est centrale dans l'expérience du jeu. Si vous aimez la J‑Pop, vous serez servis. Même sans en être un grand amateur, je dois avouer avoir plus d'une fois tapé du pied et joué la poule en rythme de la bande son servie par The Caligula Effect 2. L'univers n'est pas basé sur la musique pour rien, et même si l'on est loin du génie de Megumi Shôji, l'électro pop est plus que maîtrisée ici.
Comme une casserole
Reste une base sur laquelle j'aurais aimé voir une véritable évolution : le moteur du jeu. Si Unreal Engine 4 est bien derrière tout ça, les outils utilisés par historia Inc. sont datés. Plus que datés. Si la version PS4 que j'ai testée est exempte de tous les défauts de framerate et de texture d'Overdose sur Nintendo Switch, je ne peux pas ignorer comme la réalisation du jeu appartient toujours à l'époque de la PS Vita. Et d'une PS Vita sans véritable budget derrière, s'entend. Les animations sont toujours très rigides, les visages s'expriment peu, et le tout n'est pas tout à fait digne de la moindre plateforme qu'il vise ; même la Nintendo Switch peut mieux faire. Alors qu'on joue à la version PS4 en la faisant tourner sur une PS5, on ne peut s'empêcher de penser au gâchis de puissance.
Ceci étant dit, le budget n'est certainement pas immense du côté de chez historia Inc. comme de chez FuRyu, et d'autres développeurs comme Nihon Falcom font exactement les mêmes choix sans qu'on leur en tienne rigueur. Si The Caligula Effect 2 avait fait les efforts que j'avais espéré, j'aurais été bien plus enclin à pardonner une production aussi pragmatique. En l'état, je dois admettre la trouver difficilement justifiable. Mais que l'on oublie pas pour autant de souligner le nombre considérable de dialogues très bien doublés qui sont présents dans le jeu, en prime naturellement des musiques qui ont dû siphonner un peu plus la bottom line.
Accordez vos violons
Au bout, The Caligula Effect 2 est un dungeon RPG tout de même bien plus recommandable que ne l'était à l'époque son premier épisode. En enlevant le gras pour mieux se concentrer sur l'essentiel, il nous amène plus vite à ses qualités sans trop nous forcer à regarder ses défauts de trop près. Et puisqu'il ne réclame pas nécessairement d'avoir joué au premier épisode pour être apprécié, bien que certaines références vous échapperont inévitablement, il revêt tout aussi bien l'aspect d'un bon dungeon RPG que d'une première porte d'entrée dans cet univers si original. Mais y avait-il vraiment besoin d'une seconde ouverture ?
Voilà ce qui me reste de ces heures de jeu : la sensation qu'il s'agit moins d'un second épisode que d'un rite de passage pour historia Inc., afin de prouver qu'ils sont capables de prendre la suite de AQURIA. Mais ce faisant, The Caligula Effect 2 a eu le même mauvais réflexe que de nombreux groupes qui ont conquis la scène très tôt : enregistrer un second album sous forme d'hommage au premier, de peur que leur vinyle ne cesse subitement de tourner. Alors, comme toujours dans ce cas, on attendra le troisième album pour savoir si le génie que l'on a entendu aux premières notes se libérera de ses chaînes pour enfin faire rugir l'orchestre, ou s'il était destiné à n'offrir qu'un "one hit wonder".