Fight Club : Marla, l’autre personnage qui n’existe pas

Nous avons déjà fait le point sur un film de David Fincher avec Brad Pitt dans le premier rôle, mais tant pis. Couvre-feu oblige, je scrollais à n’en plus finir le maigre catalogue cinématographique d’Amazon Prime Video quand je suis tombé sur Fight Club. Je ne l’avais pas vu plus de deux fois depuis sa sortie, et ça faisait bien quinze ans que je n’y avais pas jeté un œil.

Le truc, avec Fight Club, comme avec Usual Suspect, c’est que le coup de théâtre final est si sensationnel qu’on finit par réduire le film à ça : une longue histoire étrange qui prend tout son sens lorsqu’une révélation éclate au visage du spectateur. Levons tout de suite le voile sur la question, pour que ceux qui ignorent encore la fin du film aient une chance de s’arrêter là. Ils auront été prévenus.

Fight Club

Dans Fight Club, Edward Norton joue le personnage principal, le narrateur, qui n’a pas de nom et qui laisse sa vie lui rouler dessus. Insomniaque, docile, mort à l’intérieur, il est la proie idéale du consumérisme et d’une crise identitaire. Pour se réconforter, il passe ses soirées dans des clubs de paroles réservés à des victimes de maladies graves. Il y fait la connaissance d’une jeune femme, Marla, qui est là pour les mêmes raisons que lui. Plus tard, à bord d’un avion, il rencontre Tyler Durden, beau gosse indomptable. Après une soirée arrosée, le narrateur et son nouvel ami Tyler se foutent sur la gueule juste comme ça, pour essayer.

Enivrés par l’adrénaline, ils remettent le couvert chaque jour, jusqu’à créer le "Fight Club", un groupe clandestin d’hommes ordinaires qui s’essayent à la violence. Bientôt, le club se radicalise, envoûté par le charisme de son leader, Tyler Durden, nihiliste jusqu’à la dernière phalange. La situation dégénère : le "Fight Club" devient un groupe de terroristes que rien n'arrête, sur le point de détruire l’ordre établi. Mais à quelques heures de la fin du monde, lorsqu’il ne peut plus revenir en arrière, le narrateur comprend qu’il n’y a jamais eu de Tyler Durden. Tyler, c’était lui, depuis le début.

Tyler et le narrateur sont une seule et même personne, unies dans leur quête de violence

Dès lors, il n’est pas difficile de voir Fight Club comme une ode militante contre le rêve américain, un appel au réveil des masses endormies, un discours cynique "qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas", pour reprendre les formules les plus caricaturales de l’extrême droite. Mais si, derrière ce monde de couilles, se cachait réellement une critique au vitriol de la testostérone, un film qui vous dit qu’il y en a marre de ces concours de zizis et que l’homme du XXIe siècle sera celui qui aura su dompter sa misogynie ?

Attendez, ne partez pas ! Je ne suis pas là pour faire de la politique. Juste pour vous faire partager mon expérience lorsque j’ai vu Fight Club pour la troisième fois. Car, à bien y regarder, le personnage le moins vraisemblable, c’est peut-être celui de Marla…

Théories du comptoir

Déjà, on peut m'opposer deux choses.

D’abord, je ne suis pas le premier à y avoir pensé. "Merci, Captain Obvious, Internet est rempli d’articles sur la question." Tant mieux, alors ! Je ne suis pas le seul à comprendre le film comme ça.

Ensuite, sur la scène de la voiture dans Sevenj’avais écrit que je n’aimais pas les théories, et que pour moi, ce qui n'est pas à l’écran n’a pas à être débattu. D’accord. Je vais donc me plier à ma propre contrainte et ne pas interpréter les indices qui me laissent penser que Marla Singer est, comme Tyler Durden, le pur produit d’un cerveau malade.

Et si Marla Singer n'existait pas non plus ?

Laissez-moi me défaire immédiatement de mes arguments les plus bidons. Par exemple, je trouve que le personnage de Marla n’a pas l’épaisseur suffisante pour être crédible. Pourtant c’est un peu vrai : on ne sait quasiment rien d’elle, sinon qu’elle vit seule dans un appartement, qu’elle prend du Xanax et qu’elle gagne sa croûte en revendant des vêtements qui ne sont pas à elle. C’est mince, comparé à ce qu’on sait du narrateur ou de Tyler Durden ! Mais soit. Après tout, que sait-on vraiment de James Bond, de Tintin ou d’Indiana Jones ?

Ensuite, il y a toutes ces apparitions en images subliminales de Tyler Durden qui annoncent son irruption imminente dans la vie du narrateur. Vous savez, ces fameux petits "flashs" où on l’aperçoit à peine ! L’une d’entre elles intervient en superposition sur Marla, qui s’éloigne dans la rue, comme pour prendre sa place. Mais bon… Après tout, Tyler Durden apparaît aussi à côté du docteur au début du film, ou près de l’organisateur du groupe de parole pour les victimes du cancer des testicules. Eux, je dois dire que je ne les soupçonne pas particulièrement de sortir de la tête du narrateur.

Marla s'en va, quand soudain…

…elle est remplacée par Tyler !

Tout de même, il est intéressant de remarquer qu’au détour d’une scène, Marla, convaincue d’avoir une tumeur, lui demande de passer chez elle pour lui palper les seins. C’est un des rares gestes de prévention dont le spectateur sera témoin dans un film globalement consacré à l’autodestruction, surtout sur l’impulsion de Tyler Durden, mais d’accord. J’invente. Ça aurait pourtant été pratique de suggérer que Marla symbolise la préservation lorsque Tyler tire toujours du côté du morbide. Tant pis, je n’y reviendrai pas. C’est promis.

Fight Club regorge de détails sur lesquels on pourrait broder des idées tirées par les cheveux, mais restons-en là. Parlons plutôt de ce qui est difficile à ignorer.

Appliquons la 1e règle du "Fight Club" : ne parlons pas du "Fight Club"

Le générique du film se déroule dans un espace indéfini, composé de globules non-identifiés qui se révèleront être une vue en gros plan et en travelling arrière du cerveau du narrateur. Puis, on sort de sa tête. Et, dès ses premiers mots, un indice considérable : tout a un lien avec Marla. Je n’invente rien, c’est lui qui le dit en conclusion de la scène d’intro du film. Les images qui vont suivre sortent de sa tête, et toutes ont Marla comme point commun. Au lieu de s’appeler Fight Club, le film pourrait tout simplement s’appeler Marla.

Fight Club 11

Dès les premiers instants du film, on a la clef : Marla est au centre de tout

Mais restons terre-à-terre : Marla est étrangement tout le contraire du narrateur. Il est un homme, elle est une femme. Il porte une chemise blanche, elle est vêtue de noir. Il ne fume pas, elle enchaîne les clopes. Plus encore que Tyler, elle est le reflet en négatif du héros. Certes, cela ne suffit pas à en déduire qu’elle n’existe pas. Mais dans ce cas, pourquoi le narrateur semble-t-il être le seul à pouvoir interagir avec elle ?

Revoyez le film en entier : seul le personnage interprété par Edward Norton lui adresse la parole, à une toute petite exception près. Après un rapport sexuel (métaphorique ?), Tyler Durden lance à Marla un typique "Ferme-la" bien macho. Tyler, on l’apprendra plus tard, est le narrateur. Donc le narrateur est bien le seul à parler à Marla.

Marla et le narrateur se rencontrent dans un groupe de parole réservé aux victimes du cancer des testicules

D’autre part, comment cette femme qui se rend dans des groupes de parole peuplés de victimes du cancer peut-elle s’assoir tranquillement au beau milieu d’une session et enchaîner les cigarettes sans qu’on ne lui fasse une réflexion ? Pourquoi personne ne lui demande ce qu'elle fait là quand elle participe aux réunions concernant les hommes atteints du cancer des testicules ? Dans un autre groupe, pourquoi ne communie-t-elle avec personne d’autre que le narrateur quand les participants doivent se mettre deux par deux pour pleurer ? Et quand l’organisatrice passe près d’eux, elle regarde le héros et lui recommande de se laisser aller, comme s’il n’y arrivait pas, comme s’il était seul.

C’est aussi au cours de ces réunions qu’un exercice consiste à se créer un espace mental réconfortant, un refuge, une grotte. Celle du narrateur est une caverne glaciale, à l’image de son appartement standardisé Ikea. La première fois qu’il y accède, son "animal porteur de force" est un petit pingouin sans personnalité, qui glisse facétieusement sur le ventre. La deuxième fois, en revanche, c’est Marla qui s’y trouve, preuve de plus qu’elle vit littéralement dans son cerveau.

Marla devient "l'animal porteur de force" du narrateur

D’autres indices semblent indiquer que Marla et le narrateur ne font qu'un. Elle traverse continuellement la rue sans regarder et ne se fait jamais écraser. Lorsqu’elle est klaxonnée, il l'est aussi sur le plan suivant. Quand il la menace de la dénoncer au groupe de parole pour révéler qu’elle n’est pas malade, elle rétorque en toute logique qu’elle le dénoncera aussi. Ces détaillent le prouvent, ce qui affecte l’un affectera immédiatement l’autre.

D’ailleurs, il est probable que le narrateur ait fait germer plus d’un alter-ego. Il le dit au début du film : lorsqu’on est insomniaque, tout devient la copie d’une copie d’une copie. Il jouera également pendant tout le film à donner la parole à des organes ou à des sentiments. "Je suis l'absence de surprise de Jack", "Je suis la vie gâchée de Jack", etc. Jack n’est d’ailleurs pas le seul nom qu’il s’attribue, il en change à chaque groupe de parole.

Maintenant que nous avons établi que, probablement, Marla était aussi une création de l’esprit du narrateur, nous allons comprendre pourquoi ce postulat donnerait une nouvelle épaisseur au film.

Et Dieu créa la femme

Marla est presque le seul personnage féminin de Fight Club, ce qui la rend d’autant plus remarquable. Le deuxième personnage féminin le plus présent dans le film est sans doute Chloe, atteinte d’un cancer, privée de sa féminité, ou du moins de ce que la société occidentale normée considère comme féminin. Squelettique, sans cheveux, elle n’intéresse plus les garçons et ne peut se résoudre à l’idée de mourir sans être aimée une dernière fois. Elle mourra finalement quand même.

Chloe, autre personnage féminin de Fight Club, peine à exister et disparaîtra rapidement

Après l’explosion (non-accidentelle) de son appartement, le héros se réfugie chez Tyler Durden qu’il vient de rencontrer. Bizarrement, il hésite d’abord et appelle Marla avant de se raviser. La maison de Tyler est le contraire de son appartement : sale, délabrée, sur le point de s’écrouler. Son espace mental a changé : il préfère aller squatter dans un taudis bien crade. Bientôt, Marla va les rejoindre. Mais, sauf quand Tyler et elle "ne font qu’un" dans la chambre à l’étage, ils ne semblent pas pouvoir se côtoyer au même moment, dans la même pièce. Certaines scènes sont même très insistantes sur ce point : lorsque Brad Pitt quitte le plan, Helena Bonham Carter y entre par un autre endroit. Tyler Durden interdit même au narrateur de parler de lui à Marla, comme si les deux ne devaient à aucun prix coexister.

Cette dualité de deux personnages fictifs, sortis de la tête d’un héros, qui ne peuvent interagir, évoque ces cases de bandes-dessinées où un ange et un démon sortent de la tête d’un personnage et lui soufflent à l’oreille de bons ou de mauvais conseils. Ils ne communiquent jamais entre eux, sauf en cas d’extrême contradiction. Ils commencent alors à se battre ou à se dire "Ferme-la", comme Tyler le dit à Marla, une seule fois.

C’est important car le narrateur semble obsédé par l’idée d’être privé de ses attributs masculins. C’est sans doute pourquoi il se rend dans des réunions de victimes du cancer des testicules. C’est sans doute aussi pourquoi l’une des victimes l’écrase contre son opulente poitrine, effet secondaire de son traitement, dès les premières scènes du film. C’est aussi pour ça que Tyler dit au narrateur (qui vient de perdre sa valise et son appartement) : "Ça aurait pu être pire : une nana aurait pu te couper les couilles". Plus tard, en lui parlant de sa mère, il ira même plus loin dans la misogynie en lançant : "Nous sommes une génération d’hommes élevée par des femmes. Trouver une nouvelle femme n’est pas la solution à notre problème." Les mecs de Fight Club parviennent enfin à se sentir pousser des burnes lorsqu’ils se battent, comme des vrais mecs. Pas de place pour une femme dans ce monde-là.

Tyler Durden, le super mec fabriqué sur mesure dans le cerveau du narrateur

Le narrateur, dans sa crise identitaire, a donc créé une super nana et un super mec pour lui servir de modèle. La super nana vient le perturber dès qu’il trouve une forme d’équilibre ou de sérénité. Le super mec vient le réconforter quand la super nana l’embête trop. Ce conflit s’envenimera jusqu’à ce que le super mec dégénère, soit hors de contrôle et s’en prenne à la super nana. C’est ce que Marla prétend, à la fin du film : elle se fait intimider par le "Fight Club" (création de Tyler Durden, qui a levé son armée de clones). Lorsque le narrateur aura finalement désarmé et fait disparaître Tyler, il enjoindra aussitôt les membres du "Fight Club" à relâcher Marla et à le laisser seul avec elle. Plutôt que d’essayer vainement d’apaiser sa masculinité frustrée, il épouse sa part de féminité.

L'équilibre parfait entre l'homme et la femme, à l'aube d'un monde nouveau

Dans un ultime échange avant l’explosion finale de la ville sous leurs yeux, le narrateur glisse à Marla : "Tu m’as rencontré à un moment étrange de ma vie". Ce n’est pas étonnant, puisque c’est justement cette crise existentielle qui a fait naître Marla dans son esprit.

Je suis la paresse intellectuelle de Jack

Je vais en rester là pour le moment. Sachez cependant que je ne suis pas à court d’argument. Quand Tyler brûle le narrateur, la blessure sur sa main ressemble beaucoup à un vagin. Quand Marla découvre cette brûlure, elle demande immédiatement si c’est un garçon ou une fille qui la lui a faite. Drôle de question, non ? Mais peu importe : si cette lecture de Fight Club ne vous a pas déjà convaincus, c’est qu’elle ne vous séduira jamais.

Pourtant, n’hésitez pas à vous rencarder sur Internet : vous y trouverez rapidement des articles creusant la même piste. Certains vont jusqu’à prétendre que l’intégralité des personnages sont des incarnations différentes du héros, qui tentent toutes de prendre le dessus. Ça fait beaucoup à explorer, mais pourquoi pas ? Après tout, cette explosion finale, rasant l’ensemble de la civilisation occidentale d’un seul coup, ne peut être que métaphorique. Qui croira que ce gringalet schizophrène y soit parvenu seul ?

Allons même au bout de la surinterprétation : pourquoi ne pas imaginer que l’explosion symbolise l’orgasme d’un homme qui a enfin réussi à s’abandonner à une femme ? En conclusion du film, l’image subliminale du pénis en gros plan pourrait parfaitement souligner cette vision des choses. Nous pourrions faire dire tant de douceurs à Fight Club, mais nous préférons célébrer, depuis sa sortie en 1999, un film violent, anti-système, qui se voudrait l’électrochoc d’un peuple consumériste et lobotomisé. Il serait pourtant si simple d’y deviner le film qui veut aider les hommes à aimer la femme qui est en eux.

18 commentaires

Alexandre BARRAS 16 mars 2021 - 23 h 00 min

Le mot le plus important dans votre analyse est "surinterprétation". Vous avez de nombreux autres arguments corroborant votre théorie ? Meilleurs que ceux exposés, je l'espère. Tout est tiré par les cheveux, rien ne tient la route. Vous devriez en rester à votre attitude initiale qui consiste à ne pas inventer des théories. Le problème du confinement c'est que les gens ont vraiment du temps à perdre.

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Gauthier Jurgensen 18 mars 2021 - 14 h 25 min

Bonjour et merci pour votre commentaire !
J'avais effectivement un dernier argument. Il m'a semblé trop évident pour être signifié, mais tant pis. Puisque c'est gentiment demandé, je vais tenter ma chance.
L'un des derniers plans du film – qui est aussi le dernier visuel de mon article, ça tombe bien – a été composé au millimètre près de façon à ce que le spectateur comprenne que Marla est le miroir du héros, que les deux sont symétriques et que, si on s'amusait à plier le plan en deux horizontalement, on obtiendrait une seule et même silhouette. Pour la pliure, on nous a même indiqué l'axe central à suivre grâce aux bords des baies vitrées, exactement là où les mains des deux comédiens se joignent ! Bien entendu, pour arriver à un tel résultat, il ne suffit pas d'une astuce de cadrage. Il faut aussi briefer les acteurs, soigner les costumes, la lumière, le décor… Toute la mise en scène s'y engage. Mais c'est peut-être encore moi qui surinterprète.
Et puisque nos théories capillotractées vous amusent, je vous recommande chaudement celle qui vous dévoilera que "Starship Troopers" n'est peut-être pas seulement un film d'action, mais aussi une critique au vitriole de la mentalité américaine (c'est ici : https://legrandpop.fr/critique-film-starship-troopers-paul-verhoeven.html) et celui qui vous expliquera pourquoi "Le Roi Lion" est un film réactionnaire (c'est là : https://legrandpop.fr/pourquoi-le-roi-lion-est-un-film-reac-de-droite.html).
A très bientôt et nos amitiés à Claude Barras dont nous avions adoré "Ma vie de courgette" !

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Manon Rose 4 septembre 2022 - 0 h 19 min

Merci beaucoup pour cet article. Après réflexion, j’adhère à votre théorie sur Marla, que je trouve brillante, et je vous remercie pour le soin que vous avez apporté aux éléments de réponse !

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François 21 mai 2021 - 14 h 50 min

Bonjour,
je suis d'accord avec vous, Marla n'existe pas. Mais ça va beaucoup plus loin : La maison de Paper street n'existe pas non plus, ni Bob, ni aucun membre du Fight club. Tous sont des aspects de la personnalité de Jack (le narrateur – Edward Norton). Je vous renvoie au site jackdurden.com, certaines de ses explications sont tirées par les cheveux, mais beaucoup tiennent la route, en particulier quand on part du postulat que David Fincher ne montre rien, absolument rien, par hasard dans le film.
Cette interprétation donne du sens à plusieurs scènes, par ex : quand brad pitt se balade en vélo dans la maison de paper street en lisant le journal intime d'un type qui parle de ses organes à la 1ère personne ; soit c'est juste une idée cool, soit on est dans la tête de Jack et du coup ça a beaucoup plus de sens.

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Gauthier Jurgensen 26 mai 2021 - 13 h 25 min

Très juste et j'avoue m'être dit un peu la même chose en revoyant le film pour écrire cet article. Mais il est acquis que Tyler n'existe pas et, par conséquent, probable que ses fidèles non plus. C'est une révélation juste, mais moins sensationnelle que celle sur le personnage de Marla, parce que tout le monde pense que Marla est le contrepoint réel de Tyler. Elle incarne pour certains une forme d'enracinement du héros au "vrai" monde. C'est encore plus marquant de s'intéresser à elle, qui est en dehors du Fight Club. Effectivement, la maison glauque fait aussi figure de zone où on laisse s'épanouir tout ce qu'on a mentalement "foutu au placard". Mais, si on va par là, on peut tout à fait se dire que l'appartement qui explose, trop propret, trop sous contrôle est aussi un espace mental du héros !

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Hesjj 29 avril 2023 - 3 h 04 min

N'y a t il pas un moment dans le film ou l'on peut comprendre que Tyler et Marla ken ensemble ? Ça n'a pas de sens si ce sont deux alter sensés ne pas pouvoir être ensemble

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Rega GROSS 7 juin 2021 - 21 h 14 min

Un temps certain après le visionnage de Gravity, un certain article de surinterpréteur m'est tombé dans l’œil. "Vous n'avez rien compris" disait-il, "Gravity n'est pas un film sur l'espace" car "il représente la renaissance d'une femme" dont l'orgasme final représenterait l'ultime scène où l'héroïne plongerait métaphoriquement dans le liquide amniotique de sa réincarnation.

En dehors de sa pompeuse supériorité de forme nous renvoyant tous à l'état de larves grouillantes, ce qui est un mauvais début pour expliquer à des millions de crétins qu'ils n'auraient aucun motif pour ne pas foncer aller se plonger dans le suicide de leur propre liquide pour les inciter à comprendre ce qu'ils y verraient,, ma question fut la suivante : Quel est l'intérêt pour un réalisateur d'user de tant de métaphores cryptiques que 99% ne pigeront pas ? Le fait est qu'en effet, si les coïncidences pleuvent en mousson, il devient à un moment difficile de les ignorer et il peut en effet devenir évident qu'à un moment, un producteur veut laisser flotter un message autre que le plus basique afin de laisser une image subliminale. Mais il convient alors peut-être de souligner le lien entre ce qui est vu et interprété et ne pas faire d'une métaphore le fil rouge seul où l'intrigue principale n'a plus que le prétexte comme raison d'exister.

Voilà cet état d'esprit à la lecture de ceci : ".Allons même au bout de la surinterprétation : pourquoi ne pas imaginer que l’explosion symbolise l’orgasme d’un homme qui a enfin réussi à s’abandonner à une femme ?" Je lis et je désespère un peu. Mais c'est très bien d'aller au bout de son idée.

Concernant l'explication globale, oui et non. Sous réserve de bonne compréhension, des points intrigants corroborent et d'autres pas du tout, ce qui, en vertu de la contradiction des éléments, annule au lieu de remplacer. Mais j'ai déjà passé trop de temps à hypothétyser au-dessus d'une spéculation, conduisant dans des méandres bâtisseurs d'abstraction pure où, certes, la puissance imaginative de l'humain et une vision du monde sont en jeu, mais où elles ne trouveront jamais de réponse définitive basée sur un lectorat clairsemé. Chacun partage ce qu'il veut. C'est ma réponse qu'est trop longue.

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Gauthier Jurgensen 13 juin 2021 - 0 h 53 min

Sérieux, tu n'avais pas vu que Gravity était une métaphore de la résurrection ? Au-delà du liquide amniotique et du moment où elle réapprend à marcher sur la terre ferme… Le cordon qui se coupe ? La position fœtale ? Les voix qu'on perçoit dans une langue qu'on ne comprend pas ?

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Jimmy William 9 octobre 2021 - 2 h 36 min

Bonjour,
J'ai envie de partager 3 opinions avec vous (faisant suite à la lecture de votre article).

- Je suis d'accord avec tout ce que vous démontrez ici, mais dans ce cas, et d'un point de vue rationnel, comment expliquer le fait qu'une Marla "imaginaire" soit emmenée et trainée de force jusqu'au dernier étage de l'immeuble par les space monkeys, qui eux sont bien réels ? Sans parler de la scène, quelques minutes plus tôt, d'avant le restaurant, où Marla, de rage , explique s'être fait agresser par ces mêmes singes de l'espace.
Je voudrais pouvoir et savoir boucler la boucle.…

- Considérons maintenant que Marla soit bel et bien réelle…
La scène où Tyler prend un bain, il y fait une théorie sur le fait que l'homme moderne n'a pas besoin de femme pour vivre/survivre.
"Nous sommes une génération d'hommes élevés par des femmes".
Le narrateur rejette sa part de féminité par le biais de Tyler, certes ; de ce fait, le seul et unique contact entre Tyler et Marla se fait via l'accomplissement d'un besoin primaire, naturel : le sexe. Il assouvit une pulsion, puis, "expulse" Marla lorsque cette dernière tente un échange, un contact humain, c'est à dire impliquant cette fois-ci la notion de sentiment.
Marla tente de sauver sans le savoir cette version de "Jack" qui est en train de sombrer. Mais Tyler étant dans un rôle de dominant par rapport à Marla, cette dernière ira jusqu'à accepter sa défaite ("Je ne gagnerais jamais avec toi").
D'ailleurs, c'est peu de temps avant que le narrateur retrouve une période de lucidité ("Et puis, Tyler a disparu…"), que des signes avant coureurs apparaissent lorsqu'il dit à Marla "qu'elle n'est pas obligée" (de partir…). Jack sera-t-il peu à peu en train de baisser sa garde ?
Ne serait-elle pas tout simplement la représentation du Sauveur ?
N'est-elle pas le remède d'une autre maladie que souffrirait le narrateur, et qui n'est même pas évoqué dans le film ? Je veux parler de la solitude.
Jack est un esclave du consumérisme ; mais il accepte son sort, son Dieu s'appellant IKEA, et y envoie ses offrandes pécuniaires régulièrement.
Mais cela reste un célibataire, sans enfants, sans amis, où ses seuls contacts sociaux se trouvent dans l'immeuble où il travaille.…
Je suis dans la surinterprétation, ok, mais admettons.…

- Prenons enfin une dernière analyse, un peu plus fantasmagorique .…
Vous évoquez la possibilité que chacun des personnages soient une personnalité différente de Jack.
Et pourquoi pas???
Chaque histoire des protagonistes est en fait un récit du "Schizo Boy"!
MAIS ! Quelles sont les limites de la Schizophrénie ? Pourquoi sa folie se limiterait-elle au duo Jack/Tyler ?
De plus, quelques indices nous sont envoyés ça et là ,lorsque Jack nous explique ce qu'est l'insomnie ("on ne dors pas vraiment, et on n'est pas vraiment éveillé"), ou s'il se demande parfois s'il avait dormi plus longtemps, s'il était resté éveillé.… Tout ça pour garder un certain flou, pour perturber, tromper le spectateur, pour au final se demander ce qui pourrait être réel, ou imaginaire.…
On choisira facilement la première option après un seul visionnage du film ; mais après une, deux.. plusieurs relectures , la part de flou s'intensifie.
Soyons fous ! Pourquoi ne pas imaginer un instant que le seul passage "réel" du film serait en fait le générique de début, autrement dit l'intérieur du cerveau malade de Jack, et la suite ne serait qu'une suite de ses visions et délires psychotiques, de l'histoire de pétage de plomb d'un métrosexuel, remettant en cause tout ses idéaux illusoires.
Ceci sans que personne ne se doute de rien, au point même de voir D. Fincher s'en amuser durant le film ("veuillez retourner vous asseoir".…"ça s'appelle une permutation" "sans que le public ne le sache").

Est-ce qu'au final Fincher ne voulait-il pas nous rendre nous même Schizo ? Si toute(s!) cette histoire n'avait pas au final été le fil d'un récit venant de l'imaginaire d'un fou, nous entrainant dans cette même folie ?
Ou alors, il nous considère déjà comme aliénés, et le message du film, l'homme moderne en plein avilissement , n'est qu'un poing dans la gueule pour essayer de nous faire revenir à la raison.….……

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Gauthier Jurgensen 10 octobre 2021 - 20 h 45 min

Alors, je vais répondre assez synthétiquement :
– Oui, je crois que mon grand regret, c'est de ne pas avoir poussé la logique plus loin. Depuis que j'ai écrit cet article, ça me paraît évident que tous les personnages du film sont dans la tête du héros et que rien de ce qui se passe à l'image n'est vrai.
– Quand on se dit que tout se joue à l'intérieur de la tête du héros, finalement, ça a un sens.
– … voilà.

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Guillaume 13 décembre 2021 - 15 h 56 min

Tout cela est intéressant, je vous donnerai cela dit un conseil : lisez le livre de Chuck Palahniuk, cela vous donnera d'autres pistes et bien des clés de compréhension.

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Polo 25 mars 2022 - 23 h 51 min

Et le fameux 51 qui est le numéro de la chambre d'hôtel de Marla et qui en mathématiques est un nombre pentagonal autant qu’un nombre pentagonal centré (un des petits nombres à être les deux à la fois). Simple coïncidence ?

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Mimichechel 27 mai 2022 - 10 h 42 min

Ok pour Marla qui n’existe pas mais j’ai un doute pour les autres .
Je effet dans la scène avec Lou le propriétaire de la taverne , il s’adressent bien à plusieurs personnes « Who told mothefuckers .. »
Il y a bien plusieurs motherfuckers.. donc les participants sont réels

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Brice 17 septembre 2022 - 22 h 11 min

D'accord avec Guillaume, le livre (les livres !) de Palahniuk sont une source incroyable pour nourrir encore plus la réflexion. D'ailleurs lui, l'écrivain bodybuildé, escort-boy pour mourants, journaliste humble obsédé par le minimalisme littéraire, vivant dans la forêt, mécanicien pour poids lourds, entouré de ses chiens, est une énigme à lui tout seul. C'est le seul auteur cité comme influence par Dupontel dans thinkerview… A mon gout, évitez pygmy et résidence, mais tout le reste est à découvrir absolument, si vous avez aimé fight club, harcelez votre bibliothécaire municipale pour qu'elle commande les Palahniuk.

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Nicolas DEMARSEILLE 15 janvier 2023 - 17 h 34 min

Dans le livre original, ou plutôt la nouvelle de laquelle est inspiré le film, la fin est différente. A la fin de la nouvelle, on découvre que le héros est réalité tout seul dans sa chambre d"hôpital psychiatrique. Dans le film, on l'a traduite autrement par ce final "impossible" qui donne libre cours à l'interprétation. Donc oui : tout, absolument tout, les personnages, les scènes, n'est que le fruit de l'imagination de notre héros.

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Jason 17 janvier 2023 - 11 h 01 min

Je pense qu'il serait bon d'avoir lu le livre aussi avant d'echaffauder des théories. Et même sans ça, confondre encore à notre époque les troubles dissociatifs de l'identité et la schizophrénie c'est très chaud.

Il est assez évident que le film à plusieurs niveaux de lecture, celui le plus simple et expliqué est que Tyler n'existe pas, il sert à contenter le public le moins exigeant, puis vient le second niveau : Marla aussi n'existe pas, et enfin le dernier niveau : tout se passe dans la tête du protagoniste, rien n'est réel ni même vraisemblable au final, et nous suivons le fantasme d'une personne avec un TDI en pleine crise dissociative.

Marla ne représente pas la féminité de "Jack" elle est sa personnalité "protectrice", son rapport au réel aussi je pense, à l'opposé de la personnalité dominante représenté par Tyler qui lui est néfaste pour les autres personnalités et qui veut prendre le dessus donc le maintenir dans son délire, les autres personnages ne sont certainement que des "figurants" ou des fruits du délire, et pas des personnalités à proprement parler ou bien de très négligeable personnalité incapable de prendre le contrôle. Chloé notamment l'aspect du désir purement sexuel de Jack qui se meurt, ou Bob qui est sa véritable part de féminité pour le coup.
Dans le livre "Jack" se réveille dans sa chambre d'hôpital psy, Marla a gagné, elle a ramené Jack au réel. Mais Tyler n'est certainement pas mort car il a une fonction dans le "système Jack" qui même si elle est néfaste à aussi pour but de protéger Jack, plus que les autres, en lui évitant à tout prix de se confronter au réel en prenant le contrôle.

Fight Club c'est un peu "Split" mais en plus fin.

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Hesjj 29 avril 2023 - 3 h 12 min

Wow

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Marlatyler 19 juin 2023 - 22 h 47 min

Une évidence de plus que vous n'avez pas soulignée, même si je pense vous l'avez remarquée : Marla & Tyler fument comme des pompiers, et souvent Tyler tient entre ses lèvres sa cigarette comme le fait Marla… d'ailleurs une photo le montrant la cigarette plantée droite dans le bec figure dans deux des extraits illustrant votre article : lorsqu'il se substitue à Marla qui s'éloigne, puis lorsqu'il est torse nu dans un combat.

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