Tears of the Kingdom, ce jeu que j'ai adoré détester

Pendant plus de 500 heures

The Legend of Zelda : Tears of The Kingdom, suite directe de Breath of the Wild, est sorti en grande pompe sur Switch le 12 mai dernier. 20e jeu de la célèbre saga de Nintendo, le titre reprend pour le première fois les bases qui avaient fait de son prédécesseur le jeu de l’année 2017. Mais va-t-il assez loin pour lui aussi remporter le prix en 2023 ?

En 2017, la sortie de The Legend of Zelda : Breath of the Wild avait fait grand bruit. Des notes mirobolantes qui frôlaient toutes la perfection, des professionnels unanimes, un public plus que convaincu avec plus de 32 millions d’unités vendues, un record absolu pour un jeu Zelda. Breath of the Wild est le jeu de tous les records. Non content de mettre à genoux la concurrence en termes de réussite et d’accueil, le jeu pouvait aussi se vanter de planter de nouveaux jalons dans un genre pourtant très en vogue, celui des open-worlds. Comme l’a souvent fait Nintendo dans la courte histoire du jeu vidéo, ce nouveau Zelda repoussait les possibles et venait alimenter par son game design le grand fleuve du médium.

La recette était simple : un monde vaste à découvrir, peu d’objectifs marqués et un univers systémique avec des règles de physique plutôt avancées. L’exploration au cœur de l’expérience. Là où par exemple un Horizon : Zero Dawn sorti à la même période ne proposait aucune action ayant des répercussions sur les environnements – son successeur, Forbidden West, n'a d'ailleurs pas plus emboîté le pas de ces innovations – , ce Zelda jouait à fond la carte des causes et conséquences. Non seulement les herbes s’enflammaient, mais ces flammes pouvaient à leur tour embraser flèches, objets, nourriture, ennemis ou créer un vent ascensionnel que les joueurs et joueuses pouvaient utiliser. Des logiques plurielles et mixées appliquées à un monde entier qu’il fallait apprivoiser. L’esprit d’aventure grisante du tout premier The Legend of Zelda sur NES magnifié en 3D cell-shadée.

Sous le Vent

Un Zelda somme toute crépusculaire qui se plaçait en toute fin de la chronologie de la saga et qui, comme à chaque épisode, se réinventait pour le plus grand plaisir des aventuriers et aventurières qui osaient dépasser leurs a‑priori et acceptaient de fouler cet Hyrule nouveau.

Je n’ai personnellement jamais pu apprécier certains choix opérés, comme ces armes destructibles mais jamais réparables, cette absence de palais majeurs thématisés, ces Korogus trop nombreux ou sa menace, immatérielle, éthérée et trop répétitive. Je me souviens avoir passé quelques dizaines d’heures dessus. Assez pour profiter de la découverte de cet Hyrule si souvent fantasmé, de ces étendues à n’en plus finir, et subir tout du long la frustration perpétuelle de l’équipement qui se brise. Bouclé avec les objectifs principaux accomplis, et tandis que LeStream vivait ses premiers mois, je laissais là ce jeu pourtant si apprécié ; j’avais du pain sur la planche. Malgré ses défauts, Breath of the Wild m’avait réconcilié avec la série après un Skyward Sword très décevant et dépassé, perclus de bonnes intentions bien que bridé par son support. Mais c’était tout. Je préférais apprécier une nouvelle fois son influence sur le jeu vidéo même que de m’y replonger pour parfaire mon parcours.

En ce mois de mai 2023, pour la sortie de Tears of the Kingdom, pas mal de choses avaient changé. LeStream diffusait ses dernières émissions, et je me retrouvais avec du temps devant moi. Assez pour me dire que cette suite, j’allais la faire à fond, comme pour boucler la boucle. Et puis c’était le retour de Ganon. Et puis c’était la première fois qu’un Zelda canonique proposait une suite directe qui reprenait la même carte que son prédécesseur. Seul A Link Between Worlds, extension de A Link to the Past sur console portable proposait de revenir sur la carte du jeu original plus de 20 ans après mais en twistait l'expérience avec une notion de multivers qui s'ignore. Car comme on l'a dit, chaque grand épisode est une réinvention. À l’image d’un Final Fantasy qui change de game system, d’univers, de personnages et de scénario à chaque volet canonique, chaque Zelda est une proposition différente. Son héros ressemble toujours à un Peter-Pan-Elfe-Hobbit, sa faune est souvent la même, son univers évolue, mute, mais reste de la même matière. Sauf cette fois-ci. Tears of the Kingdom est la suite directe de Breath of the Wild, ses héros sont les mêmes, et son monde aussi. Comment dès lors ne pas donner l’impression de proposer un Breath of the Wild 1.5 ou 2 ?

Tears For Fears

Lorsqu’on lance Tears of the Kingdom pour la première fois, on découvre une cinématique particulièrement soignée. Contrairement à son prédécesseur, cet épisode joue la carte d’une scénarisation plus poussée, moins morcelée et cryptée. Dans les profondeurs du château d’Hyrule, un souterrain s’enfonce dans les profondeurs de la terre. Là, Zelda et Link, fraîchement débarrassés du Fléau de Breath of the Wild découvrent un corps desséché, comme scellé. Mais le temps a fait son ouvrage et la magie qui retenait Ganon (non Jean-Germain ce n’est pas un spoiler, c’est dans les trailers du jeu) faiblit. Le grand ennemi de la saga reprend vie et réduit ses opposants à néant. Comme dans le volet précédent, vous vous réveillez des années plus tard et allez devoir réunir vos forces et vos alliés pour retrouver Zelda et en finir une fois pour toutes avec l’auto-proclamé Roi-Démon.

Guess who's back ?

Ça ne vole pas très haut, ce sera très répétitif, mais c’est bien mis en scène. Ganon est effrayant. Il incarne un mal absolu venu du fond des temps, à la fois intangible, omnipotent et incarné. Une sorte de Sauron à la fin du 2e Âge, lorsqu’il récupère son Anneau Unique. Ses miasmes corrosifs qui font perdre la vie aux habitants d’Hyrule symbolisent un mal profond, enraciné au cœur de la Terre. Il est une réinterprétation de la peur ancestrale des enfers version Dante et de ses démons ; le monde souterrain qui glaçait le sang de nos ancêtres, de l’Antiquité au monde médiéval. La corruption et l’influence de Ganon se traduisent en jeu par le retour des monstres en Hyrule, sa Lune de Sang et ses trous béants aux 4 coins du monde, abysses obscures, insondables et inconnues.

He rules the world

Le réveil de Ganon a entraîné une suite de cataclysmes. Dans Breath of the Wild, le monde vivait sous l'oppression du Fléau et de la technologie Sheika dévoyée. C’était un monde à l’agonie. Celui de Tears of the Kingdom est un monde en reconstruction qui panse ses blessures et subit de nouvelles perturbations. Si la première fois, le chaos et la défaite étaient racontés mais pas montrés, ici le drame est à ses débuts. La menace néfaste s’inscrivant dans un futur proche, sorte d'Apocalypse annoncée. Les populations du royaume sont sur le pied de guerre. Hyrule est d'ailleurs beaucoup plus peuplé. Les interactions entre les différentes factions sont plus nombreuses. Il y a plus de vie dans ce monde. On est encore loin d’un The Witcher 3 par exemple, mais l’effort est appréciable.

En plus de l’univers connu qu’il va falloir se réapproprier, ce nouvel épisode propose un lot de nouvelles zones qui donnent beaucoup de verticalité à l’ensemble. Il y a bien sûr les îles célestes, tant mises en avant par la promotion du jeu, mais il faudra aussi compter sur des grottes labyrinthiques cruellement absentes de Breath of the Wild, et surtout d’une seconde map entière. Car dans les sous-sols d’Hyrule se cache un monde souterrain aussi étendu que la surface où règnent des créatures abominables et une obscurité épaisse qui doit s’appréhender différemment. De très bons ajouts qui multiplient les zones à explorer.

On a la lumière, on a les Soneaus

Après les Sheikas de BotW, c’est un nouveau peuple mythique qui fait son entrée dans le monde de Zelda. Les Soneaus sont un peuple éteint, mais grandiose qui vient une nouvelle fois bousculer une chronologie générale fragile et sujette à débats. C’est un peu notre Atlantide, si on en trouvait des vestiges tout d’un coup suite à un tremblement de terre. Sorte de lévriers endimanchés à l’esthétique très inspirée des aztèques, c’est eux qui possèdent la technologie pour faire flotter les îles célestes et qui donnent à Link ses pouvoirs. Parce que cette fois encore notre héros mutique disposera d’un panel de capacités qui lui permettront de se frayer un passage dans ce monde nouveau.

Exit les facultés du volet précédent, cette nouvelle aventure propose un tout nouvel achalandage sur lequel nous n’allons pas nous étendre ici. Retenez juste que tout ce que vous avez vu de possibilités de constructions et d’assemblages, des plus farfelues aux plus pratiques, passent par ces nouvelles possibilités. On peut fusionner des objets avec des armes, faire remonter le temps à des éléments façon Tenet, se faufiler verticalement sur les plate-formes qui nous surplombent ou bâtir des engins volants, roulants, flottants, qui tirent, qui tournent, qui rebondissent et autres joyeusetés. Les possibilités sont quasi infinies, et on se demande encore, plutôt que de moquer un moteur de jeu et une console dépassée par ses concurrentes techniquement, comment les développeurs de Nintendo sont parvenus à coder toutes les possibilités d’assemblages pour proposer un tel bac à sable crédible et fluide. Visuellement d'ailleurs, en dehors de ce parti pris de surexposer la plupart des environnements, le jeu est en phase avec ce qu'on pouvait attendre.

Dessine-moi un fourgon

Aussi pratique que ces inventions soient, elles ne sont toutefois pas obligatoires tout le temps. Votre serviteur, avec ses presque 500h de jeu, les a toujours jugées anachroniques et a préféré dans la plupart des cas se battre à l’épée et à l’arc. En dehors de quelques véhicules bien pratiques pour des tâches très particulières ou pour parfois se simplifier grandement la vie (l’enfer des parois glissantes sous la pluie), aller trop loin dans les constructions m’a toujours donné l’impression de tricher. Paradoxalement, abuser des nombreux glitchs réalisables pour dupliquer des objets avant que les mises à jour ne viennent saper tout ça, m’a plus donné l’impression d’équilibrer le jeu pour réduire des journées de loots insupportables à quelques heures, certes abrutissantes, mais efficaces.

Car passée la découverte, plutôt impressionnante au demeurant, de ces nouvelles facultés et du premier tiers de jeu où l’on est bien plus récompensé que dans le premier volet, il faut reconnaître que les boucles de gameplay s'enchaînent au fil du temps avec une certaine redondance. Mais nous y reviendrons. On s’amuse beaucoup à voir comment la nouvelle Île du Prélude vient expliquer les nouvelles possibilités. Comment on doit désapprendre de nombreux réflexes de BotW pour appréhender les nouvelles logiques. Dans un premier temps, tout paraît complexe et dangereux. Puis l’on progresse. Plus que notre personnage. Et notre connaissance et notre maîtrise du système nous permettent alors de développer les capacités de Link.

Tears in Heaven

Cet apprentissage se fait en parallèle de l’exploration. Plus guidée que dans BotW – mais toujours aussi libre si on le souhaite – Tears of the Kingdom propose une expérience très réussie pendant sa première moitié, que seules des répétitions de forme dans l’écriture viennent mettre à mal. Contrairement à un Jedi Survivor, on est beaucoup mieux récompensés par notre exploration. Encore une fois, on se fixe un objectif simple, comme escalader un sommet, et en chemin on aperçoit un Korogu à ramener à son petit pote, une caverne à explorer, un coffre à récupérer, un clampin à aider, quand ce n’est pas un ennemi qui nous jaillit dessus ou un bout du ciel qui nous tombe sur la tête. Et chaque détour amène son lot de récompenses, du minerais rare, de l’arme rare, du rubis en masse ou carrément une pièce d’équipement.

Mais très vite, on commence à déchanter. Les tant attendues îles célestes, passée celle du Prélude, se révèlent plutôt chiches. Mis à part les palais du Vent ou de l’Eau, l'ensemble des archipels qui surplombent Hyrule ne sont que des bouts de terre de quelques mètres, bien souvent dépourvus d’un quelconque intérêt. Oui, sauf si vous voulez vous faire les 1000 Korogus disséminés un peu partout… Quelques bonnes idées de design ça et là. Une perdue dans la brume et le tonnerre. Une autre pensée comme une usine à ciel ouvert. Quelques sphères et labyrinthes intrigants si hauts perchés que la gravité semble s’évanouir. Mais au final juste quelques îlots perdus que reconnaîtront les complétistes de The Wind Waker.

In Too Deep

Dans les profondeurs par contre, le terrain de jeu est immense. Mieux encore, il est perdu dans le néant et l’obscurité. Il vous faudra ruser pour percer les ténèbres, mais en prenant garde à ne pas trop attirer l’attention sur vous. Entre les fleurs Lumos, vos équipements ou objets ou les racines qui illuminent l'environnement, on appréhende les choses bien différemment. Alors bien sûr, on ne pourra que sourire d’un air entendu devant ce nouveau biome qui se révèle peu à peu, tant la ressemblance avec les zones corrompues du Nausicäa de Miyazaki est évidente. Mais quitte à s’inspirer d’une œuvre, autant puiser dans les meilleures (c'est un hommage…).

Ce sous-sol, au final, ne se renouvelle que très peu. Si à la surface, on alterne montagnes, forêts, déserts, prairies enneigées ou plateaux arides, ici tout n’est que racines géantes, champignons et campements de monstres. Toujours les mêmes ou presque. On y retrouvera quelques zones plus fouillées et originales, mais encore une fois, on peut les classer dans de grands ensembles qui se répètent. Peut-être le hardware de la Switch, poussé à son maximum, a‑t-il empêché plus de diversité. Comme au plus haut des cieux, une fois révélée, cette zone perd de son intérêt. Et ce ne sont pas hélas les forteresses Yigas, les mines, les statues du Dieu Ancien ou les colisées qui vous retiendront bien longtemps.

 

Mange, Prie, Haine

Au-delà des nouveaux pouvoirs et du level design réimaginé pour, on retrouve exactement les mêmes mécaniques que dans BotW. On aurait pu penser que Eiji Aonuma et ses équipes auraient profité de l’occasion pour améliorer leur copie, mais non. Le jeu fonctionne rigoureusement comme son prédécesseur, tant et si bien que ce sentiment de version 1.5 a du mal à vous quitter malgré tous les apports et innovations. Oui, on a maintenant accès à une liste de recettes, mais elle reste dissimulée derrière une série de 5 touches à faire. Oui, les menus ont reçu un léger lifting, mais on est encore loin d’une optimisation totale. God of War : Raganarok avait été critiqué pour ses menus, mais que dire de ce Zelda !? Encore une fois, retrouver l’esprit du premier volet sur NES ne veut pas dire en retrouver ses menus !

Rien n’est pensé pour fluidifier les commandes. Tantôt il faut presser A, tantôt B pour le même type de sélection. Puis X, puis Y, puis re‑X. Ah non mince c'était Y. Il faut toujours entrer une série de 5 à 7 touches pour confectionner un plat. Et toujours un par un. Les écrans de sélection sont toujours aussi foutraques et on se retrouve toujours avec 40 000 objets inutiles ou presque, avec seulement quelques-uns dont on abuse, mais toujours les plus galère à retrouver malgré un inespéré système de tri… Les armes se détruisent toujours avec la même intensité, leur place dans l’inventaire est toujours aussi famélique et toujours soumise à l’obtention de centaines de Korogus. Mieux encore, la nécessité de choisir entre endurance et vie fait son retour et reste une nouvelle fois incomplète : vous ne pourrez pas avoir 40 réceptacles de cœur et 3 barres d’endurance. Il faudra choisir ce qui restera inachevé.

Pire encore, ce Tears of the Kingdom pousse même plus loin en avant les concepts ratés et incompréhensibles. Pour actionner vos nouveaux pouvoirs, il vous faudra vous rapprocher physiquement d’un ersatz monochrome de vos alliés, et lui demander d’enclencher sa capacité (via plusieurs touches bien sûr). On se retrouve alors avec une équipe de basket qui vous court autour en permanence – ce qui casse totalement l’immersion – et à déclencher leurs pouvoirs au moindre changement de direction alors qu’on cliquait pour ramasser un objet au sol… C’est bien simple, à part le piaf qui nous permet de planer plus loin, j’ai passé toutes mes heures de jeu sans eux tant leur présence perturbait plus mes parties qu’autre chose. On apprécie la lucidité de l'équipe : on peut les désactiver. Allez Ciao les copains, on se revoit pour le boss de fin !

Do It Again

Passée l’obtention de chaque pouvoir, on entre alors dans une phase bien plus rébarbative. Il arrive un moment du jeu où vous avez arpenté Hyrule, ses sous-sols, ses cavernes, ses îles flottantes, la plupart des monstres du jeu, que vous avez construit pas mal de bidules plus ou moins réussis… et vous commencez à voir s’enchaîner des boucles de gameplay bien trop répétitives. Les Korogus à réunir, ceux cachés derrière un bouchon ou sous un caillou. Ceux qui demandent de résoudre un casse tête en 3D, ceux qui vous font compléter une construction de Land Art, ceux qui vous demandent de plonger dans un cercle de nénuphars, de détruire des cibles mouvantes ou de vous glisser au travers d’un socle en bois avec Ascension… Au bout d’un moment, vous n’en pouvez plus. Et cette logique de répétitions croisées est partout.

Résoudre les problèmes des 4 civilisations. Récupérer les 6 Sages. Retrouver chaque Korogu de toujours les mêmes manières. Choper les grenouilles de chaque grotte. Aider les milices de chaque région. Abattre les Hordes de Monstres de chaque zone. Découvrir les décors en empruntant chaque tour. Résoudre les énigmes de chaque sanctuaire. Affronter chaque Golem. Aider tout le temps le même employé de rénovation avec son panneau nul. Allumer chaque racine. Visiter chaque mine. Parler à chaque statue. Forger 4 fois chaque armure. Libérer chaque Fée en retrouvant chaque musicien. Visiter chaque puits. Récupérer chaque plan. Augmenter chacune de ses batteries. Ouvrir chaque relais. Enquêter dans chacun d’entre eux. Photographier chaque item. Chaque ennemi. Chaque arme. Chaque paysage demandé. Chercher chaque larme sur chaque géoglyphe pour voir chacune des cinématiques du scénario… Tout le jeu est un éternel recommencement d’actions déjà faites à refaire en boucle.

Si les Sith vont toujours par deux les trucs à faire dans Zelda vont toujours par beaucoup trop. Pire encore, selon votre pérégrination, vous pouvez être amenés à faire plusieurs fois la même chose, puis plus rien de ce type pendant des heures entières. Un sentiment de sur place exacerbé par une partition encore une fois bien trop en retrait et presque hors sujet parfois. Où sont donc les grands thèmes de la saga ?

Scary Monsters (and Super Creeps)

Un sentiment exacerbé par le fait de croiser partout et tout le temps les mêmes monstres avec des swaps de couleur pour signifier leur affiliation à un élément ou pour mettre en avant leur niveau. Des Bokoblins rouges, bleus, blancs, argentés. Des Lézalfos normaux, de feu, de glace, de foudre, bleus, noirs, argentés, squelettes… On tourne en rond. Il ne pouvait pas y avoir, je ne sais pas… Des lézards dans un marécage, des Goblins dans les forêts… Varier les biomes ? Au lieu de ça, vous vous retrouvez régulièrement avec les mêmes types d’ennemis où que vous soyez, tant et si bien qu’au bout d’un moment, si on rajoute cette frustration éternelle d’armes qui se détruisent, on zappe tout simplement les combats. Non pas pour leur difficulté, mais juste pour leur redondance. Surtout que les monstres argentés n'ont aucun nouveau pattern, ce sont juste des sacs à PV, énièmes monstres qui font plus de dégâts, mis là exclusivement pour détruire votre arsenal ou vos ressources offensives… Alors certes, il faut avouer qu’il y a un mieux depuis le premier volet, mais les ajouts sont au final peu nombreux et encore une fois totalement disséminés au hasard sur l’ensemble de la carte sans réflexion autour de la création d'un monde tangible.

On se plaît beaucoup – encore une fois au début – à flipper devant ces Gigatraciens immenses qui jaillissent de l'obscurité, à éviter soigneusement ces monstres à 3 têtes qui protègent des zones bien précises, à observer l'arrivée de Chef Boko titanesques ou de Trogoblins rampants au milieu du bestiaire ; mais très vite ils intègrent comme les Lynels et autres Hinox la grande liste des arbres de la forêt : nombreux mais tous quasi identiques. Si les combats de boss viennent proposer de nouvelles approches, ceux-ci sont encore une fois répétés ad nauseam, puisqu'on les retrouve dans les sous-sols en version corrompue – comprenez marbrés de rouge et plus balèzes, comme simplement une autre couleur de gradation de puissance.

Sympathy for the Devil

Parlons quelques instants du scénario. Notez que les deux paragraphes qui suivent sont les seuls qui spoilent de cet article, n’hésitez pas à passer à la suite et à reprendre à la partie intitulée 'Sacred Spirit' plus bas si vous voulez vous préserver des détails de fin.

Au bout de l’aventure, ce n’est pas cette fois au palais d’Hyrule que vous attend le boss de fin, mais dans les profondeurs de la Terre. Et quand on dit profondeurs, le mot est faible. Même le boss de Metroid Prime n’était pas aussi bien enfoui aux tréfonds du monde. En sautant du palais vous pouvez descendre jusqu’au monde souterrain, et via une faille vous enfoncer jusqu’au plus profond qui soit, régulièrement en chute libre, de plus en plus au cœur de la planète. Cette descente, qu’on peut faire assez rapidement dans l'histoire mais pour pas grand chose vu le niveau des monstres, est vraiment prenante la première fois. L’ambiance générale avec sa musique asynchrones aux relents de lecture arrière ou de chant saccadé coupé aux sirènes guerrières du sous-sol vous prend aux tripes.

Là on affrontera l’armée du Roi-Démon – soit une série de vagues de monstres – avant de se retrouver seul face à Ganon. Si vous avez aidé tous les Sages, ceux-ci prendront part à la fête puis partiront (en hors champ) combattre les boss de leurs chapitres respectifs. On sent l’escamotage d’intensité redescendre.

This is the End

Ganon est aussi impressionnant qu’on l’a toujours imaginé. Son redesign, que ce soit lors du combat ou des cinématiques est super réussi. Comme d’habitude, l’affrontement se découpe en plusieurs phases. Le combat est relativement facile. Équipé d’armures 4 étoiles et l’inventaire chargé d’Épées amalgamées aux cornes de Lynels d’Argent, la barre de vie du boss fond presque plus vite que celle de ces foutus Bokoblins Argentés qu'on trouve par trouzaines à la surface. Une fois vaincu, il entame son ultime transformation. Ce n’était pas sa forme finale !

Coucou me revoilou !

Le dernier combat fait directement penser à celui de BotW. Quelques flèches de lumière bien placées suffisaient pour éradiquer le Fléau. Le combat se faisait à cheval, dans la vaste plaine d’Hyrule. Cette fois-ci, thématique oblige, le combat a lieu dans les airs, Ganon s’étant changé en dragon géant. Le combat est une formalité. Mais la scène de fin, dans un dernier sursaut vient réduire à zéro les seules prises de risque d’un scénario presque trop tous publics. Le sacrifice de Zelda, grand point d’orgue de l’histoire, est annulé. Parce que c’est magique. Au lieu d’une fin douce amère, on finit dans un happy end de poisseux qui vante le pouvoir de l’amitié. C’est beau, mais qu’est-ce que c’est niais bon sang ! Seuls les événements du passé, découverts au fil de l'aventure, font sortir ce Zelda de son côté enfantin et cartoonesque. Comme avec la proposition musicale, Nintendo et Eiji Aonuma ont un peu perdu l’épique de la saga en chemin, au détriment d’une bienpensance sirupeuse.

Sacred Spirit

Mais l’Histoire pardonnera sans doute tous ses défauts au jeu. Parce que c’est un Zelda et que la proposition reste solide. Il sera peut-être même élu Jeu de l’Année, malgré la longue liste de problèmes mis en avant ici, et que le millésime 2023 est conséquent, avec de nombreux prétendants dans l’escarcelle. Personnellement, je conseillerai même aujourd’hui Tears of the Kingdom plus que Breath of the Wild tant il pousse et perfectionne la formule de 2017. Mais on ne m'ôtera jamais de l’esprit que ce qui devait initialement être un gros DLC selon même les dires des officiels de Nintendo, est devenu un jeu à part entière. Plutôt que de réinventer une nouvelle fois des mécaniques marquantes qui secouent l’industrie, Nintendo troque son influence créative pour des résultats directs et plus faciles. Ce qui n’est pas forcément le meilleur signe envoyé au milieu et à ses observateurs.

Mais on ne peut pas critiquer la saga sacrée. Comme à son habitude, la presse spécialisée se met au garde à vous et préfère regarder ailleurs plutôt que de jauger le produit de manière objective. Et je ne parle pas des fanatiques de la marque qui ont oublié d’avoir une once de retenue et un soupçon de recul et d’objectivité dès qu’il s’agit de leur doudou sacré, à l’image des irréductibles fans hardcore des From Software qui crient au génie dès qu’un perso en slip fait une roulade dans un bug de collision aux pieds d’un boss trop souvent repompé sur le bestiaire de Berserk.

On the road again (again)

Je ne renie en rien l’héritage colossal et l’importance majeure de la série Zelda. Bien au contraire, j’ai plutôt tendance à la défendre. C’est même cette perception de la création et de ses rebonds, l’observation de la façon dont elle germe ailleurs, qui me pousse à en vouloir à Tears of the Kingdom en dépit de ses qualités intrinsèques.

Flawless Victory !

C’est la fin de la Switch et on sent bien que l’idée est d’en garder sous le coude pour ce qui viendra après est de rigueur. Autant j’ai aimé mon expérience, autant j’ai pris du plaisir le temps de creuser le titre au maximum – je pense avoir fait tout ce qui est possible en dehors des Krorogus et du boost des capacités des chevaux – , autant je suis déçu par la finalité de la proposition de Nintendo. Hyrule a besoin de prendre un nouvel essor, de faire un nouveau bond en avant ; et Zelda a besoin d'un nouveau mètre étalon, pas d'une redite, certes réussie mais aux contours de version finale d’un produit déjà digéré. J’espère profondément que cette saga culte, véritable mythe du monde du jeu vidéo, évolue et ne s’engonce pas dans une mélasse toujours plus attendue. Contrairement à Tears of the Kingdom qui parfait l’existant, Breath of the Wild avait révolutionné la série. Quel Zelda osera le faire à nouveau ?

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2 commentaires

Seb 25 août 2023 - 20 h 54 min

Quand même beaucoup de mauvaise foi dans cet article.
Déjà sur la répétition. Il y a en effet des choses qui se répètent, mais rien n'est obligatoire. Personne ne t'oblige à aider ce korogu ou le type au panneau. Personne ne t'oblige à tuer les "grenouilles". Ce sont des mini quêtes annexes non essentielles.
Tu parles des touches, un coup, A un coup B, jo non c'est Y. Hmm alors non, c'est toujours À pour valider et B pour quitter. Pour faire choper une recette, il n'y a qu'un bouton à appuyer pour accéder au menu et choisir "recettes". Pour ajouter des ingrédients, sûrement 2 boutons. X pour activer, puis À pour ajouter, B pour annuler, comme d'habitude. A la rigueur, X pour enlever un ingrédient n'est peut-être pas le plus logique mais bon, c'est un détail.
On peut continuer, les profondeurs sont monotones ? Et bien n'y vas pas tout simplement. Encore une fois, rien ne t'oblige à y aller, si ce n'est un donjon et une partie de la quête principale.
Les monstres des profondeurs sont identiques mais marbrés de rouge. Alors oui, mais ce n'est pas qu'une question de couleur, le miasmes empêchent de se soigner, ce qui augmente sacrément la difficulté. Mais comme le reste on peut contourner.
C'est quand même appréciable que rien ne soit obligatoire, mais j'ai l'impression que les joueurs d'aujourd'hui se forcent à vouloir tout faire. Comme les korogus, si il y en a beaucoup, ce n'est pas pour tous les faire, c'est simplement pour que tout le monde les croise, et en croise suffisamment pour pouvoir facilement augmenter ses sacoches.
Quant aux armes qui se cassent, ça a déjà été débattu pour le 1er épisode, et l'intérêt a été démontré maintes fois. Ce n'est pas du tout bloquant.

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Menraw 22 septembre 2023 - 16 h 01 min

Bonjour, et merci pour ta réponse. J'en profite pour revenir sur certains points car je n'y vois pas, moi, de mauvaise foi…

Non, on n'est pas obligés de faire toutes les quêtes. Elles sont annexes. Et comme le nom l'indique, optionnelles. Mais le jeu le propose. D'autres titres proposent eux aussi des quêtes et activités secondaires. Et justement d'autres s'en sortent mieux. Ça me paraissait important de le dire. As-tu passé autant de temps dessus ? Non ? Parce que c'est lassant ? C'est exactement ce que je disais donc.

Rien que ton explication sur les touches prouve à elle seule que justement c'est le bordel. Encore une fois, on peut regarder la concurrence. Pouvoir fabriquer 15 plats identiques avec un curseur de quantité ne serait pas du luxe. A‑t-on vraiment besoin d'appuyer sur 5 touches et se taper une cinématique pour chaque plat ? Non. Est-ce que ça nuirait à l'expérience de jeu d'être mieux pensée ? Non plus…

Les profondeurs ? Je les ai justement faites pour découvrir ce qu'elles avaient à offrir. Il faut les avoir visitées pour savoir qu'elles sont vides et répétitives. Désolé d'avoir espéré plus du 'Goty' annoncé. Si je les ai parcourues, c'était dans l'espoir qu'elles seraient variées et fournies. Raté.

Tu passes à côté du point essentiel sur les monstres. Qu'ils empêchent de se soigner n'a que peu d'impact sur le jeu. Vu qu'on ne se fait pas toucher. Et pourquoi on ne se fait pas toucher ? Parce que ce sont les mêmes patterns que les autres mobs. Ce que je pointe c'est le manque de diversité et de logique de placement sur la map des monstres en général.

Et ce n'est pas tant de vouloir se forcer à vouloir tout faire. Imagine ce serait sympa de tout faire parce que tout est bien pensé et pas lassant ? Les récompenses sont trop souvent décevantes. Les actions répétitives. C'est dommage pour un titre de cette envergure.

Enfin tu reparles des armes. Ce n'est pas parce que ça a été débattu que l'histoire est réglée. L'intérêt reste relatif, seuls les fans hardcore le défendent aveuglément, et ça pourrait être justifié des années que ça n'en demeure pas moins un choix qui divise. Et personne ici n'a parlé de bloquant. Juste de frustrant.

Tu vois au final, pas de mauvaise foi. Juste un enchainement logique lié à l'expérimentation, l'analyse objective et la comparaison vis-à-vis des nombreuses propositions du médium au fil du temps.

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