Cinq ans après un premier épisode réussi mais perfectible, Guerilla Games propose une suite aux aventures d’Aloy dans son monde post-post-apo peuplé de tribus primales et de machines animales. Horizon : Forbidden West étend l’univers du Zero Dawn de 2017 jusqu’aux contrées littorales de la Californie et comble les lacunes de son prédécesseur. Sur terre, sur l’eau ou en l’air, la PS5 se dote de son hit tout-terrain.
Plusieurs cordes à son arc scénaristique
Horizon : Forbidden West vous replonge dans l’univers établi en 2017 dans Horizon : Zero Dawn. On y retrouve avec plaisir Aloy, archère émérite et ancienne paria devenue sauveuse de l’humanité après avoir combattu une IA corrompue qui voulait éradiquer toute vie sur Terre. Six mois se sont écoulés depuis les événements du premier volet, et si vos alliés se complaisent dans la joie éphémère d’une victoire apparente, notre héroïne, elle, fait profil bas, fuyant les honneurs qui lui sont dus. Pire encore, elle a carrément pris le large et planté les cérémonies imaginées en son honneur. Autant vous dire que ça jase pas mal à la cour du nouveau roi local.
Mais Aloy a de bonnes raisons de crapahuter dans la jungle et les montagnes environnantes. Que diable allait-elle faire dans cette galère ? Un mystérieux signal a été envoyé au loin pendant le tumulte de votre combat final contre l’intelligence artificielle Hadès, laissant davantage présager un déplacement du problème qu’un vrai terme à la menace. Aloy est donc partie à la recherche de bases ou bunkers cachés et pas encore visitées où aurait pu se réfugier l’IA, avec la ferme intention d’Alt+F4 le programme récalcitrant pour de bon.
Je suis nucléaire, je suis sauvage
IA ? Programme ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? On est pas au milieu de tribus archaïques avec des pagnes et des lances ? Alors si un peu Jean-Germain, mais pas que… Le monde d’Horizon fait partie de ce que l’on appelle du post-post-apo. Tout le monde voit ce qu’est le post-apo ? Genre un univers dont l’action se déroule juste après une apocalypse. Une fin du monde. Souvent nucléaire, mais surtout tout le temps globale. Mad Max. Waterworld. Ken le Survivant. The Walking Dead… Leurs histoires se passent juste après la catastrophe, dans des univers désolés. Post : après. Apo : apocalypse. Le post-post-apo, c’est quand, sur ces ruines, la civilisation reprend vie du départ. Mais sur les bases de ce que notre monde a laissé, plus ou moins intelligible. La Planète des Singes. La Roue du Temps. The Last of Us. Et donc Horizon avec ses tribus amnésiques en armures en capots de Clio 2, ses buildings recouverts de végétation et ses machines futuristes aux formes animales.
Horizon Forbidden West ne s’encombre d’ailleurs pas de longues explications. Le jeu s’ouvre sur un rapide résumé des événements du premier volet : pour éviter une catastrophe inévitable, des scientifiques de tous horizons (haha) ont collaboré pour créer une super IA censée relancer la vie sur Terre après la désertification – au sens littéral – des campagnes. Ce terraforming s’est d’ailleurs plutôt bien passé, et la nature a repris son œuvre sur une planète désolée, aidée par des machines prévues pour réguler l’écosystème. Et comme il faut bien un grain de sable pour enrayer la mécanique, Horizon a pris la voie du scientifique mégalo qui a vampirisé le bousin, supprimant d’un côté la base de données du savoir humain et de l’autre s’assurant que les machines deviennent des menaces mortelles pour l’Homme.
C’est les plantes
C’est le cadre. Là-dessus on retrouve notre Aloy, clone sauvage de la responsable du projet de terraforming, recréée par une commande cachée pour éviter de… Jouez à Zero Dawn pour plus de détails, il est toujours dispo sur PS4, compatible PS5 et vient de débarquer sur PC. Il est beau, il est bien, mais ici, on parle de sa suite, Forbidden West. Gardez en tête que rien de ce que vous avez accompli dans le premier volet n’a vraiment servi. Même pas avec mes 80 heures de jeu ? Non Jean-Germain. Contre toute attente, Hadès est encore tapi dans une base souterraine, menaçant la vie sur Terre et le fragile équilibre établi est à l’agonie : la nature est en train de changer et elle porte un nouveau lot de menaces. Les champs autrefois verdoyants sont remplacés par des plantes toxiques, des tempêtes et catastrophes météorologiques bouleversent les royaumes. Tout part à vau‑l'eau, et comme on dit par chez moi : “y’a plu’d’saison ma bon’dame !”
Aloy reprend donc du service, et on retrouve rapidement nos marques. Bien entendu, elle repart au feu la fleur au fusil, sans ses armes ou son armure de fifou de fin de jeu. Arc en bois dans les mains, lance classique dans le dos et focus à réalité augmentée sur la tempe. Les premiers pas sont unanimes, c’est très beau mais c’est très similaire à nos souvenirs. On retrouve certains de nos copains qui ont pris du galon, surtout maintenant qu’on a brisé les barrières du protectionnisme tribal et fait faire une grande ronde main dans la main avec tout ce petit monde. Quelques heures de jeu plus tard, tandis qu’on a repris goût au gameplay, la quête d’Hadès nous conduit face à un mur. Au sens propre comme au figuré. Le mur du royaume Carja que vous avez déjà bien lessivé si vous avez platiné Zero Dawn. Mais aussi le mur d’une évidence scénaristique : la vérité est ailleurs !
À l’ouest, y a du nouveau !
Après une série de quêtes principales et de annexes qui replacent l’héroïne dans son contexte et les joueurs dans leur confort, la porte vers le fameux Ouest Interdit s’ouvre enfin. Mais alors qu’on s’attendait à dévaler sur ce nouveau territoire comme un certain Link sur Epona il y a quelques années à la sortie de la forêt Kokiri, tout s'emballe. Les émissaires du clan régnant se font massacrer et des rebelles montés sur des machines d’un nouveau genre enflamment la plaine. Après une série de combats haletants enchaînés sans répit et son lot de cinématiques bien rythmées, le calme revient enfin. Et on pourrait presque s’attendre à voir apparaître là le titre du jeu en gros sur le magnifique paysage du promontoire où vous vous retrouvez.. Car comme on dit aussi par chez moi : “Ça part de là !”
Et à partir de là les possibilités de gameplay s’étoffent, avec en tête l’Ailegide, un bouclier énergétique endommagé qui va vous servir de planeur improvisé. Une innovation plus que bienvenue qui vous permet d'appréhender les reliefs de manière beaucoup plus fluide, comme c’était le cas dans le Hyrule de Breath of the Wild ou le Arkham de la série des Batman de Rocksteady pour n’en citer que deux des plus illustres. Vous voilà donc à l’orée de la nouvelle map, dans ce pays sauvage qu’on vous a présenté comme vaste, dangereux et mystérieux. Encore très dirigiste, la quête principale verrouille la richesse de son open-world, vous sommant de rester sur les traces du traître en chef de l’épisode 1, toujours campé avec talent par Lance Reddick – que vous avez peut-être déjà croisé dans The Wire, Lost, Fringe, bon nombre de séries policières ou plus récemment dans la saga John Wick. Ce n’est qu’au terme de cette étape importante que le set up devient payant, en mystifiant le joueur grâce à un retournement de scénario inattendu et bienvenu que nous ne spoilerons bien entendu pas dans ces colonnes.
Aztèques en stock
Le jeu se permet là de mentir sur ses propres allégations, comme pour souligner que les peuplades rencontrées jusqu’ici dans l’est ne connaissent rien à cet ouest sauvage, si ce n’est ce qu’en disent les rumeurs. Car si vous êtes bien dans un monde nouveau et vaste, vous n’êtes pas encore sur les terres des clans au pouvoir. Avant d’entrer sur le territoire des fiers et terribles Tenakht, vous allez devoir vous frayer un chemin dans la zone dite ‘neutre’ où vit une tribu pacifique et résignée d’agriculteurs, les Utaru.
Cette étape additionnelle, loin d’être un repoussoir, vous permet de vous initier aux nouvelles subtilités de cet Horizon Forbidden West. Oubliez les petites machines en forme de bébés raptors, les troupeaux de Coureuses ou autres Fouisseurs au pas lent. Ce nouvel épisode ne joue clairement pas dans la même cour que son prédécesseur et un nombre conséquent de nouvelles menaces de plastique et d’acier fait irruption dans le paysage. Zero Dawn proposait un peu moins d’une vingtaine de types de machines différentes. Horizon Forbidden West va bien plus loin avec plus d’une quarantaine de monstres mécaniques différents pour tout autant de variantes et, en toute logique, de stratégies d’affrontements. Les crocodiles, mandrills, tricératops, rhinocéros, stégosaures, plésiosaures, ptéranodons, fourmiliers, tatous ou tortues géantes, chauves-souris et autres mammouths vont vous en faire baver. Car, comme on a coutume de dire par chez moi : “On est pas venus là pour trier les lentilles !”
Si les cités perchées des paisibles Utaru et leurs habitations et vêtements en roseaux tressés constituent votre premier contact avec l’ouest interdit, c’est en arrivant au milieu des clans Tenakht que la machine Forbidden West s’enflamme vraiment. Comme de fait exprès, cela correspond à peu près au moment où vous vous retrouverez, soit en déambulant au gré des décors, soit via une quête annexe, face aux plus gros prédateurs de métal de Zero Dawn. Tout ce qui viendra derrière portera tamponné sur le râble le label Harder, Better, Faster, Stronger, dans l’ordre où dans le désordre, car c’est aussi ça la magie d’un open-world réussi. Enfin regroupés sous une même bannière par un chef charismatique qui rappelle, avec son flegme fuyant et sa voix d’outre-tombe, ce cher James Earl Jones période Conan, les Tenakht empruntent aux peuples précolombiens une certaine imagerie guerrière et sanglante, armures et plumes y compris. C’est coloré, c’est beau, inventif et vraiment bien plus poussé que les différences de forme des tribus croisées dans le premier volet. Mythologie incluse.
Nage against the machines
Dans Horizon Forbidden West, Aloy retrouve son Focus, une sorte d’oreillette magique à réalité augmentée qui lui permet de voir du 3e œil, celui du QR code en lien direct avec le monde d’avant. Toute ressemblance avec des événements connus serait totalement fortuite blablablabla. On scanne donc toujours les décors en quête de cibles, d’animaux à chasser pour toujours plus de craft à faire à la volée, mais aussi maintenant de prises où s’accrocher, soit à la force nue de vos mains nues, soit grâce à un système de grappin, qui s’il n’est pas novateur en soi, dynamise bien le gameplay, avec en vrac : ouverture de trappes, récupérations de coffres, points d’accroches d’escalade, etc. Se propulser d’un de ces points et planer avec sa voile en vue de se repositionner pour décocher une flèche bien placée dans le talon d'achille d’un Boursouffleur est par exemple bien jubilatoire. Scanner les ennemis permet maintenant d’identifier et de lock des zones précises de vos adversaires et renforce encore le côté précision et stratégie.
Autre nouveauté particulièrement mise en avant dans les trailers du jeu, Aloy peut maintenant se déplacer librement sous l’eau, quand bien même elle est loin d’être une apnéiste impressionnante. Heureusement, le jeu vous récompense de vos frustrations accumulées au début par un système de respiration sous-marine qui a tôt fait de mettre fin à vos coups de stress immergés. Mon conseil : ne perdez pas de temps sous l’eau avant d’être correctement équipé. Aux rares chapitres des regrets, on peut noter sur le sujet que les séquences sous-marines, si elles restent novatrices, restent limitées bien souvent à des parties de cache-cache à jouer du courant et des décors pour ne pas être repéré : aucun grand challenge sans arme à dispo sous l’eau. On aurait aimé bricoler un bidule avec deux ressorts et une antenne de bagnole pour jouer du harpon mais non. Ce sera pour le 3.
Toutefois, ne gâchons pas notre plaisir : les zones sous-marines sont nombreuses, alternent avec brio lacs boueux, rivières chantantes et littoral paradisiaque et le level design aquatique est plaisant à découvrir, riche de ses énigmes environnementales. À l’image des Metroidvanias si chers à mon cœur, plusieurs points d’intérêts ne deviennent accessibles qu’à partir du déblocage de certaines capacités liées au scénario principal, mais ouvrent sur pas mal de trésors et récompenses en tous genres. Et comme on chante par chez moi : “Elle est libre Aloy, y’en a qui disent qu’ils l’ont vu voler…”
Aloy verra
Niveau réalisation, c’est la claque. L’univers de Horizon Forbidden West est beau du début à la fin et n’a de cesse de se renouveler. Choix de design et réussite technique se combinent pour flatter la rétine. On retrouve dans un premier temps des décors de campagnes montagnardes familières et très vite les zones désertiques, les canyons arides, les plaines fertiles, les marais boueux, les forêts de résineux, les pics enneigés, les jungles profondes, les plages de sable fin et autres paysages sublimes déroulent leurs pixels animés jusqu’à plus soif. Les biomes sont variés, l’univers semble marqué par le temps et les tribus qui l’habitent sont mieux intégrées aux restes de l’ancien monde : ville perchée au sommet des cuvettes de radars géants, villages suspendus qui rappellent les Ewoks d’Endor, récifs coralliens harnachés de ponts de singes… Rendez vous compte de la magnificence de ces colonnades ! L' imposant ne le dispute-t-il pas à la majesté ?
Côté chara-design, Aloy a entièrement été remodélisée, les visages sont impressionnants de réalismes, l’uncanny valley réduite à son minimum, malgré quelques légers problèmes d’axes de regards. Les différents peuples ont tous des attributs ou des costumes qui leur sont propres et conformes au lore établi. Une richesse visuelle qui se poursuit dans les zones plus futuristes des creusets ou dans les ruines des buildings croisés au hasard de nos pérégrinations.
Take a bow
Le cœur du gameplay reste dans la lignée de Zero Dawn, avec ces machines à points faibles apparents à cibler avec différents types de munitions, mais les réactions en chaîne, résistances et faiblesses ont été multipliées, tant est si bien que combiné aux pièges, décors destructibles et autres joyeusetés, on est à la fête. L’arbre de compétences a été entièrement repensé, et les combats au corps à corps, s’ils ne sont pas encore les plus aboutis du genre, n’ont plus aucune commune mesure avec le paresseux diptyque coup léger/coup fort du premier épisode. Combos, impacts de résonance, type de munitions, coups spéciaux, capacités spéciales, jeu avec l'environnement… Aloy déploie un arsenal et une liste de capacités inégalées. Même les marronniers comme l’ouverture de map via escalade de tour initiée par Ubisoft il y a presque 15 ans sur Assassin’s Creed II, et ici représentée par les piratages de Grands-Cous, proposent une approche originale à chaque itération.
Côté quêtes c’est une fois de plus la foire. Comme on dit par chez moi : “Et avec ceci ?” Quête principale, quêtes annexes, services personnels, fosses de combats, contrats de ferrailleurs, zones de chasse, courses effrénées, drones, boîtes noires, panoramas à retrouver… La liste est impressionnante et tout est très détaillé. Trop peut-être. Le jeu est particulièrement bavard et sans vrai choix dans les discussions. Le studio a toutefois retenu la leçon et scénarisé même ses missions secondaires, ce qui renforce la cohérence du monde proposé. Un effort de mise en scène a aussi été fait, et si l’écriture n’égale pas celle d’un Witcher 3, elle sort clairement du lot.
Vers l’infini et au-delà
Sur quasiment tous les niveaux Horizon Forbidden West est une réussite. Sans doute encore trop classique dans son concept général et cochant toutes les cases du TPS action/aventure light-RPG en open-world, il est cependant l’une des meilleures et des plus abouties des propositions du genre, notamment grâce au gameplay de ses affrontements contre les machines. Aloy reste un personnage attachant quand bien même son côté angélique et sans défaut pourrait parfois irriter les amateurs de plumes plus cyniques ou aiguisées. Toutes les guerrières, sages, conseillères ou alliées d’Aloy ont leur rôle à jouer dans la résolution du scénario, et malgré une fin un peu abrupte, on imagine facilement un troisième épisode qui servirait de conclusion aux aventures de l’archère de Sony. Un troisième volet qui saurait se réinventer avec toujours autant de panache et une écriture moins consensuelle et plus tranchée, pour que, comme on dit par chez moi : "À la fin de l'envoi, je touche."