Multiversus, le jeu multijoueur façon Super Smash Bros. développé par Player First Games pour le compte de Warner Bros. Games, est un franc succès. Mais au-delà de ses 20 millions de téléchargements, il est le porte-étendard d'une nouvelle génération de jeux de combat.
Le genre du jeu de combat est historiquement l'un des plus vieux et des plus importants du milieu. C'est aussi l'un des plus vieux esports au monde. Pourtant, sorti des innovations graphiques et des surprises de gameplay, il n'a pas particulièrement évolué au cours des dernières années. Là où les FPS comme Valorant ou les MOBA comme League of Legends ne cessent de créer de nouvelles manières de se présenter au public, de lui permettre d'accéder à son expérience et de vivre avec lui, la baston est restée assez… sobre, sortie de l'évolution technique naturelle de la 3D. Aussi bien dans sa présentation que son accessibilité.
Ces derniers temps, pourtant, le vent commence à tourner. La crise du COVID a poussé les développeurs à se pencher sur leurs infrastructures réseau pour enfin offrir une expérience moderne, dont Guilty Gear Strive est devenu le plus grand représentant. Et loin est le temps où chaque nouveau grand patch de jeu devait sortir sur les étals avec un énième superlatif rattaché, alors que nous profitons aujourd'hui des Season Pass et autres Fighters Pass. La mue du jeu de combat n'est cependant pas terminée, et Multiversus le prouve d'une magnifique manière.
Multiversus, le digne concurrent de Smash
Ne nous le cachons pas : lors de sa première présentation au monde, Multiversus n'a pas forcément été accueilli à bras ouverts. Et cela, on le doit tout simplement… au passé. Warner Bros. Games reste un éditeur réputé pour pousser trop souvent des modèles économiques peu engageants, à l'image des lootboxes d'Injustice 2 ou la Krypte de Mortal Kombat 11. Et de l'autre côté du spectre, tous les titres qui ont cherché à prendre des parts de marché à l'indétrônable Super Smash Bros. de Nintendo ont toujours été de deux côtés du spectre : soit ils manquaient d'originalité pour être vraiment prenants, à l'image de PlayStation All-Stars Battle Royale ; soit ils restaient un effort d'une équipe indépendante dont le grand public ignore totalement l'existence, comme un certain Rivals of Aether ou le récent Nickelodeon All Star Brawl.
Dans ce contexte, Multiversus a fait tous les bons choix. Le soutien de licences aussi connues que les Looney Tunes, DC Comics ou encore Scooby-Doo est naturellement un grand plus. Mais au-delà de cette évidence, le développeur Player First Games a su répondre à toutes les frustrations que les joueurs de Smash Bros. ont rencontrées au fil du temps. Premier point : l'annonce du rollback netcode et d'une puissante structure réseau, choses qui manquent cruellement dans ce milieu. Deuxièmement, le fait de soutenir au maximum l'aspect compétitif, au point que Multiversus a eu le droit à de multiples showmatchs entre joueurs pros et même son propre tournoi EVO avant même la sortie officielle du jeu.
Surtout, il a su sortir du lot des simples copies en se focalisant sur un format de jeu unique : le 2v2. De quoi attirer les joueurs de son rival tout en se plaçant en parallèle de lui, sans jamais véritablement l'affronter en tête-à-tête. Et il faut souligner comme le studio a à cœur de créer un bon jeu avant tout, comme le prouve son travail sur le personnage de "Tom & Jerry". La révérence dont ils font preuve aussi bien auprès du genre de jeu lui-même que des licences qu'il traite ne fait aucun doute, et ce n'est pas pour rien si le jeu a aujourd'hui dépassé les 20 millions de téléchargements. C'est tout simplement un excellent jeu. Mais il va plus loin que cela, en traçant la route pour les prochains jeux de combat à venir.
Le 2v2, excellente réponse à la frustration
Sur Multiversus, contacter son pote pour jouer veut dire jouer en coopération. Dans tous les autres titres, la dynamique est drastiquement différente, puisqu'on s'appelle pour… s’entre-tuer. Et celui qui mange les défaites à la suite toute la soirée est loin de passer une bonne soirée. Mais puisque l'on joue en coopération, les sessions de jeu peuvent être plus longues, moins frustrantes, plus légères. Et en prime, les influenceurs peuvent plus facilement jouer avec leur communauté de la sorte.
C'est ça, fondamentalement, l'idée de génie du jeu. D'avant tout de se focaliser sur le mode 2v2, quand bien même les modes 1v1 ou 1v1v1v1 restent présents. Voyez-vous, le jeu de combat est un esport solitaire, ce qui lui enlève un atout que d'autres jeux compétitifs ont : la possibilité d'accuser ses collaborateurs pour ne pas trop abîmer son égo et sa confiance en soi. Lorsque l'on perd, on ne peut accuser personne. Lorsque l'on gagne, on est tout seul.
Le 2v2 change cette dynamique, et particulièrement dans le cadre du jeu en ligne. En prime, Player First Games trouve l'originalité de ses mécaniques dans celle-ci, en offrant aux joueurs des personnages qui ont un rôle de support (comme le Chien-Renne) ou boostent les capacités du duo (comme Steven Universe). Cela force à non seulement trouver la synergie entre deux personnages, comme on le fait sur un Marvel VS Capcom par exemple, mais à s'y entraîner à deux pour s'accorder parfaitement.
En parlant de communauté, la frustration des joueurs de Multiversus ne dure que très peu de temps. Depuis la sortie, Player First Games a prouvé qu'il était à l'écoute des griefs des joueurs et s'est afféré à réparer rapidement le moindre problème. Qu'il s'agisse de soucis de matchmaking ou d'équilibre dans le jeu, le studio fait preuve d'une grande transparence et d'une célérité certaine pour contenter tout le monde.
Encore. Encore ! ENCORE !
Comme on le rappelait en introduction, le rollback netcode est enfin là. Mais le cas Street Fighter V l'a bien prouvé : sa simple implémentation ne constitue pas un gage de qualité. Aussi, sorti des petits problèmes de jeunesse à sa sortie, il est bon de dire que Multiversus a un très bon rollback netcode. Sans compter son infrastructure réseau, vraiment robuste. Warner Bros. a donné les moyens au développeur de proposer une excellente expérience en ligne, ce qui devient par essence un de ses meilleurs arguments face à Smash Bros..
La solidité de cette infrastructure est telle que même jouer en Wi-Fi, du moins en Wi-Fi 5GHz, offre un confort de jeu plus que décent. Une poignée de matchs se "rembobineront" çà et là, comme le veut la technologie réseau, mais il s'agit d'une expérience sur dix. N'utilisez cependant pas ça pour justifier de jouer en Wi-Fi à un jeu de combat ; c'est toujours interdit par les textes sacrés.
Par contre, cette structure réseau solide permet à Multiversus de développer son plus grand atout. Une fois connecté aux serveurs et le jeu démarré, lancer un match est une question de secondes. Comptez-en quatre, grand maximum, pour trouver un adversaire en ligne. Enchaîner les matches est d'une facilité déconcertante pour quiconque est habitué à tout autre titre du genre. C'est ce qui permet au jeu d'avoir un goût de reviens‑y surpuissant : tout part en un clic.
Le kiff est gratuit et infini
On en oublierait presque l'évidence : Multiversus est free-to-play. Ce qu'on ne précise pas forcément est qu'il l'est de la meilleure manière qui soit. Le modèle populaire de League of Legends prend place ici avec des personnages accessibles en rotation. Mais les débloquer ne demande que de jouer et récupérer des pièces. Il est très facile d'avoir accès à n'importe quel personnage sans passer à la caisse. Et cela, vous le ferez en gagnant des niveaux et en remplissant des missions journalières ou hebdomadaires. Une excellente nouvelle.
Mais l'un des aspects les plus importants de cela est que ce modèle aide à mitiger l'une des plus grandes frustrations du jeu de combat. Jusqu'ici, dans n'importe quel autre titre, lorsque vous perdez… vous perdez. Sans autre forme de procès. Mais dans Multiversus, jouer au jeu même pour perdre vous permet de gagner de l'expérience et de vous rapprocher de votre prochaine récompense de Battle Pass, que celui-ci soit gratuit ou payant. Le système de récompenses est là pour vous, quoi qu'il arrive.
Une nouvelle ère de combat
Le modèle est connu dans tous les autres titres esport, mais n'avait encore jamais fait son apparition dans un jeu de combat. Et si beaucoup attendent Project L de Riot Games, basé sur l'univers de League of Legends, c'est en partie pour voir ces modèles économiques modernes arriver dans le genre. La sortie de Multiversus a prouvé avant l'heure qu'il était parfaitement possible de l'intégrer au genre sans le dénaturer, et gagner autant le respect du milieu que des joueurs grâce à cela.
Tout n'est pas joué bien sûr. Mais Multiversus a désormais posé aux yeux de tous la recette gagnante pour l'avenir de la baston : des personnages charismatiques et connus, une infrastructure réseau aux petits oignons, un système compétitif soutenu, un moyen de créer une communauté positive et un modèle free-to-play qui pousse à jouer, qu'importe que l'on soit bon ou non. Ne faites pas l'erreur de penser que les développeurs de jeux de combat ne sont pas en train d'observer ses résultats. Cela fait des années que ces derniers se creusent la tête pour savoir si ce modèle est vraiment viable pour le genre. Il y aura un avant et un après Multiversus, et vous l'aurez lu ici en premier.