The Boys : we don’t need another Heroes

Et paf ! C’est arrivĂ©. Et heureusement mĂȘme. En plein triomphalisme MarvĂ©lien, et tandis que les super hĂ©ros monopolisent la production du tout Hollywood dans un Ă©crin formatĂ© et propre, il fallait bien que quelqu’un Ă©ructe dans un coin et relĂąche son petit apport acide dans ce festin d’effets spĂ©ciaux et de monde Ă  sauver bien coiffĂ©. Ce petit renvoi discret est signĂ© Amazon Prime VidĂ©o, et comme pour ses homologues encapĂ©s, il est aussi issu d’une bande dessinĂ©e. Heureusement pour nous, tout ce qui erre n’est pas perdu, et la sĂ©rie The Boys a bien plus Ă  proposer qu’il n’y paraĂźt. C’est un oiseau ? C’est un avion ? Non, c’est le cynisme endimanchĂ© qui s’insĂšre dans ta gueule en mode pied-bouche. Bienvenue chez les garçons.

Un garçon pas comme les autres

La sĂ©rie The Boys est une adaptation du comics du mĂȘme nom de Garth Ennis et Darick Robertson. Pour la petite histoire, sachez qu’aprĂšs un dĂ©but chez DC, via sa filiale Wildstorm, la BD est trĂšs vite passĂ©e chez Dynamite Entertainment, le ton dĂ©calĂ© ne collant pas trop avec la ligne de DC Comics. Et effectivement, on ne pourra pas reprocher au gĂ©ant ce recul, car vu le pitch de la sĂ©rie, l’impression de cracher dans la soupe aurait causĂ© quelques soucis aux actionnaires et dirigeants de la firme.

The Boys est une adaptation de la sĂ©rie du mĂȘme nom.

Pour les auteurs, ce changement de crĂšmerie est d’ailleurs une aubaine, car ils ont ainsi pu dĂ©livrer leur rĂ©cit comme ils le souhaitaient, sans s’encombrer d’une chape sirupeuse et conventionnelle. On le sait, sans surcouche, la soupe est meilleure. Alors attention : si The Boys triomphe par son ton acerbe et son traitement, arrĂȘtez tout de suite toute entreprise pour le comparer au Watchmen d’Alan Moore et de Dave Gibbons. The Boys, en dĂ©pit de ses nombreuses qualitĂ©s, c’est du post-Watchmen, et il troque bien volontiers les collants de successeur que certains seraient trop pressĂ©s de lui filer pour un positionnement diffĂ©rent, dĂ©laissant le ton crĂ©pusculaire et la dystopie politique et sociale de son aĂźnĂ© pour une critique moderne et acidulĂ©e, s’autorisant le trash et l’hĂ©moglobine comme un fer de lance, mais trouvant sa base dans le cynisme de la communication et de l’industrie du spectacle.

Aux sombres hĂ©ros de l’amer

The Boys, c’est d’abord un monde un poil diffĂ©rent du nĂŽtre. Celui oĂč les justiciers munis de super pouvoirs existent et sont cĂ©lĂ©brĂ©s Ă  tous niveaux ; la diffĂ©rence avec notre paysage est donc dans le ‘existent’. Si chaque petite bourgade possĂšde son super hĂ©ros payĂ© pour sauver la veuve et l’orphelin, au sommet de la pyramide, on retrouve Les Sept. Sept super stars embarquĂ©es de maniĂšre consciente ou pas dans une machinerie du rĂȘve, une mise en scĂšne perpĂ©tuelle des personnalitĂ©s ou de leur Ɠuvre : Homelander, Queen Maeve, The Deep, Translucent, A‑Train, Black Noir et Starlight.

Les Sept Merveilles du Monde

Les Sept sauvent les gens, oui. Enfin
 peut-ĂȘtre
 mais ce sont surtout des hĂ©ros de films qui possĂšdent des figurines et du merchandising Ă  leur image, qui sont sponsors de marques, qui suivent des reco' commerciales, des plans de com’. De joyeux soldats qui font des brainsto pour optimiser le reach de leurs rĂ©seaux sociaux, en dĂ©roulant, l’Ɠil hagard aprĂšs une soirĂ©e de dĂ©liquescence avec la jet-set, les rĂ©sultats des audits et les sondages d’opinion publique les concernant.

DerriĂšre le masque, tous les super hĂ©ros de The Boys, mais surtout les Sept, sont les produits et l’étendard du systĂšme. Un systĂšme imaginĂ© et gĂ©rĂ© de main de maĂźtre par une sociĂ©tĂ© privĂ©e appelĂ©e Vaughn. Une sociĂ©tĂ© qui possĂšde son siĂšge Ă  New York, dans une tour de verre immense dont l’iconographie est trĂšs proche de la tour Stark de The Avengers. Des produits gĂ©rĂ©s par des auteurs, rĂ©pondant Ă  des chargĂ©s de communication, mais surtout sous l’autoritĂ© de Madelyn Stillwell (excellente Elisabeth Sue), matriarche vicieuse et manipulatrice qui joue du pathos et de l’intimidation comme on enfile ses chaussettes, pendant distordu de Nick Fury au look d’Hilary Clinton.

Je ne suis pas un HĂ©ros

The Boys est donc une sĂ©rie parodique Ă  lecture multiple. Celle du star-system qui lorgne vers Instagram, la tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© et les talk-shows Ă  grands coups de formatage et d’opĂ©rations commerciales. Celle d’Hollywood et de son manque cruel de renouvellement, et qui devant le succĂšs du ‘serial’ se sent obligĂ© de resservir la mĂȘme soupe, considĂ©rant la crĂ©ativitĂ© comme un risque quantifiĂ©. Celle des Ă©vangĂ©listes bien-pensants, Tartuffes modernes qui seront Ă©gratignĂ©s au passage pour stigmatiser leurs contradictions. Celle du green-washing et de la manipulation des foules, ou celle toute simple, de la sĂ©rie tĂ©lĂ© en elle-mĂȘme, dans un rapprochement mĂ©ta discret mais bien prĂ©sent et habile.

Lonely Boy

Mais bien entendu, tout ça ne saurait ĂȘtre sans ses tĂȘtes d’affiches, ces hĂ©ros le jour, paumĂ©s la nuit, vĂ©ritables Dr Jekyll et Mr Hyde en collants moulants. Car ici, les super hĂ©ros – ou les Sup’s, comme le disent les Boys – sont d’abord des ĂȘtres humains. Des ĂȘtres humains dotĂ©s de super pouvoirs. Or possĂ©der une force surhumaine ne fait pas d’eux des ĂȘtres vertueux qui brandissent leur mission sacrĂ©e comme un sacerdoce. Sous la cape, les mĂȘmes peurs, les mĂȘmes failles, les mĂȘmes nĂ©vroses, mais avec une ampleur et des consĂ©quences terribles.

American Boy

En tĂȘte, on retrouve le Homelander, ou Protecteur en français, campĂ© par un Antony Starr (le hĂ©ros de Banshee) juste et flippant. Mix d’un Superman aux atours de Captain America, il agite sa cape Ă  l’effigie de la banniĂšre Ă©toilĂ©e devant des foules Ă©prises, la lippe tordue et la mĂšche au vent, brandissant son hĂ©roĂŻsme impĂ©rialiste comme un Ă©tendard d’étoiles et de vertu quand il n’est que cynisme insondable, premier de la classe dĂ©traquĂ©, Ă©levĂ© comme un cobaye dans un laboratoire froid et vide. Obsessionnel, machiavĂ©lique abject mais invincible, le Homelander ne travaille pas pour le peuple. Non. Le Homelander se sert du peuple pour exister ; Ă©triquĂ© dans un costume bariolĂ©, c'est un enfant terrible qui cherche Ă  ĂȘtre aimĂ©, quitte Ă  vous y forcer, n’hĂ©sitant pas Ă  Ă©liminer les tĂ©moins, femmes comme enfants.

Le Homelander et Queen Maeve, deux membres des Sept en intervention

À ses cĂŽtĂ©s Queen Maeve s’élĂšve, Wonder Woman blasĂ©e et dĂ©tachĂ©e, beautĂ© froide et inatteignable. HĂ©roĂŻne rĂ©signĂ©e qui subit les rouages de l’industrie et prĂ©fĂšre s’y complaire par peur d’en ĂȘtre Ă©vincĂ©e. Brillante par son Ă©goĂŻsme, coupĂ©e du monde et de tout sentiment, noyĂ©e dans les cocktails, sourires formatĂ©s au devant, Sue-Ellen pare-balles qui joue les autruches et se mentant Ă  elle-mĂȘme, reniant au passage ses valeurs et sa personnalitĂ©. Vous l’aurez compris, les auteurs de The Boys ont choisi de parodier avant tout les hĂ©ros DC et La Ligue de Justice, quitte Ă  enfoncer les portes ouvertes par les lecteurs ayant dĂ©jĂ  pointĂ© du doigt certaines failles. Et le couple endimanchĂ© n’est pas le seul Ă  passer sous le regard dissonant de ses crĂ©ateurs.

Bitch Boys

Nous ne nous attarderons pas sur The Deep, l’Aquaman de service qui, comme son rĂ©fĂ©rent, se distingue par son inutilitĂ© et son manque de charisme. The Deep, l’homme-poisson, peut respirer sous l’eau et parler avec la faune marine. Et c’est Ă  peu prĂšs tout. Il est donc relĂ©guĂ© Ă  des missions de seconde zone, emblĂšme de parc aquatique, et la risĂ©e des autres membres des Sept. Un traumatisme qu’il porte avec lui, et qui fera de lui le principal ressort humoristique de la sĂ©rie. Une tare et un dĂ©calage qui ne vous emmĂšneront mĂȘme pas Ă  le prendre en pitiĂ©, le garçon se rĂ©vĂ©lant condescendant Ă  souhait et n'hĂ©sitant pas Ă  abuser de son statut pour faire chanter les plus candides de ses fans, ce qui passe trĂšs mal dans une AmĂ©rique post #MeToo.

Il en va ainsi de chaque membre des Sept, de Black-Noir, ninja adepte du Kung-fu, taciturne et muet, bardĂ© de gadgets et auquel il ne manque qu’un emblĂšme de chauve-souris jusqu'Ă  Translucent, l’Homme invisible de la sĂ©rie, squattant les toilettes des femmes pour assouvir une libido dĂ©viante, rĂ©duit Ă  se balader Ă  poil puisque c’est bien son corps et non son costume qui reflĂšte la lumiĂšre, en passant par A‑Train, le Flash du groupe, caricature parfaite du sportif en descente se dopant allĂšgrement pour maintenir sa position. C’est d’ailleurs par lĂ  que dĂ©bute la sĂ©rie, A‑Train percutant malencontreusement la copine du hĂ©ros dans un Ă©talage de viscĂšres et de sang filmĂ©s au ralenti, comme dans la scĂšne la plus inspirĂ©e des derniers X‑Men, le second degrĂ© en plus


Les Garçons Bouchers

Et c’est lĂ  que tout commence. Hughie, jeune vendeur en Ă©lectromĂ©nager et fan absolu des Sept – il collectionne figurines, posters, etc. – voit sa vie basculer lorsque l’une de ses idoles tue sans le vouloir sa petite amie. La machine Ă©tant bien huilĂ©e, la sociĂ©tĂ© qui encadre les Sups’ le contacte et le prend en charge, achetant son silence contre rĂ©munĂ©ration, et plaidant le fameux greater good, les dommages collatĂ©raux, et un bien fĂącheux accident. Mais Hughie, allant Ă  l’encontre des conseils de son pĂšre (trĂšs bon Simon Pegg vieillissant), refuse le chĂšque. Il n’en fallait pas plus pour qu’un mystĂ©rieux individu aux mĂ©thodes plutĂŽt radicales ne dĂ©barque en se faisant passer pour un agent du FBI et lui proposer de se venger.

Les producteurs de la série joue la carte de la fidélité graphique avec le comics

Entre alors Bill Butcher (Karl Urban, le Eomer de la trilogie du Seigneur des Anneaux), un dur Ă  cuire obsĂ©dĂ© par la destruction des Sups’ qui lui ont gĂąchĂ© la vie. Froid et dĂ©terminĂ©, il regroupe les victimes des super hĂ©ros et de vieilles connaissances Ă  lui prĂȘtes Ă  tout pour s’enrichir : Frenchie, Mother Milk, Kimiko
 La cellule underground des Boys est un ramassis de personnages improbables unis pour faire tomber les Sups’ et le groupe Vaughn. Mais comment faire face Ă  des ennemis si puissants ? Comment faire chuter le Homelander qui possĂšde les mĂȘmes pouvoirs qu’un dieu ? Vraisemblablement Ă  grands coups de barre Ă  mine, mais ça ne se fera pas dans la dentelle.

Garçon, si t’enlĂšves la cĂ©dille


The Boys, c’est un groupe hĂ©tĂ©roclite de vieux briscards qui ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© amenĂ©s Ă  bosser ensemble, et tout porte Ă  croire que ça ne s’est pas terminĂ© par un happy end. Outre Butcher, on rencontre Frenchy, ou le Français en V.F., trafiquant Ă  la petite semaine mais vĂ©ritable gĂ©nie de l'ingĂ©nierie des quartiers. DĂ©brouillard, bavard, complĂštement tarĂ©, Frenchy est aussi le plus imprĂ©visible du groupe et de prime abord peut-ĂȘtre le moins fiable. À leurs cĂŽtĂ©s, La CrĂšme – ou Mother Milk – est un grand humaniste qui s’occupe en jouant les gardiens de prison, prenant en charge les petits dĂ©linquants. Il se sent liĂ© Ă  ces jeunes, et joue les grands-frĂšres, Ă  la fois arbitre et conciliateur, des qualitĂ©s qui lui seront nĂ©cessaires pour dĂ©samorcer les nombreuses prises de bec de nos antihĂ©ros.

Boys Town Gang

Et pour cause, en premiĂšre ligne Butcher se rĂ©vĂšle presque autant psychotique que les dieux dĂ©chus Ă  qui il veut arracher les ailes. Figure tutĂ©laire du gang, il n’en demeure pas moins le plus dangereux de tous, perdu dans une fuite en avant sanguinaire et sauvage oĂč il n’hĂ©site pas Ă  mĂȘler ses potes, quitte Ă  leur mentir ou Ă  dissimuler des faits pour mieux les mener oĂč il le souhaite. Il faudra toute la retenue de Mother Milk, les dĂ©mons du passĂ©, l’évolution de Frenchy et la candeur de Hughie pour qu’il lĂšve enfin un peu le pied et change un peu de mĂ©thode. Toute l’alchimie des Boys reposant sur le duo Butcher/Hughie, attardons-nous un peu sur notre hĂ©ros.

Boys Don’t Cry

Hughie est un personnage atypique dans l’univers de The Boys. Pensez donc, c’est quelqu’un de normal. C’est le rĂ©fĂ©rent de normalitĂ© du spectateur, celui qui voit sa vie changer au dĂ©but de la sĂ©rie, et qui pilote l’intrigue. On dĂ©couvre l’univers Ă  travers lui, et on poursuit notre voyage Ă  ses cĂŽtĂ©s, comprenant les codes au fur et Ă  mesure pour au final apprendre Ă  les utiliser, quitte Ă  se salir les mains. AntihĂ©ros certes mais loser magnifique par essence, Hughie ne renoncera pas, malgrĂ© quelques Ă©carts, Ă  ses valeurs morales.

Attention chĂ©ri, ça va trancher !

Il sera mĂȘme la caution Ă©thique, la jauge de biensĂ©ance, chaque membre des Boys Ă©voluant grĂące Ă  l'influence d'Hughie pour retrouver un peu de lumiĂšre, quand lui porte un peu de plus la charge collective du groupe. Notre petit Frenchy Ă  l’accent exotique passe ainsi de tarĂ© notoire Ă  un incurable romantique, maladroit et touchant, jouant du ‘bon appĂ©tit’ quand il essaie d’apprivoiser la furie asiatique que le groupe a secourue. Dans le mĂȘme ordre d’idĂ©e, on hĂ©sitera Ă  classer Starlight chez les Boys ou chez les Sept, Erin Moriarty campant l’un des personnages les plus intĂ©ressants de la sĂ©rie avec candeur et profondeur.

V For Vendetta

Car si The Boys n’avait Ă©tĂ© que le rĂ©cit qui opposait les mĂ©chants super hĂ©ros faux gentils aux gentils justiciers humains faux mĂ©chants, on se serait assez vite ennuyĂ©s. Et l’entrĂ©e en jeu du FBI ou du SecrĂ©taire Ă  la DĂ©fense dans la danse, davantage ouvertures vers la saison 2 que vĂ©ritables moteurs de l’intrigue, ne suffisent pas. Il fallait plus d’humain dans le rĂ©cit, plus de sel dans la sauce. On suit donc en parallĂšle deux niveaux de prĂ©occupations : macro et micro.

Hit me Baby, one more time

D’un cĂŽtĂ© le poids des Sups’ vu par l’organisme d’état, avec ses tractations politiques et son positionnement gĂ©opolitique, et de l’autre les relations interpersonnelles, avec au cƓur de tout le couple Hughie / Starlight et l’opposition Butcher / Homelander, ou comment les rĂ©percussions de l’infiniment petit influent sur l’infiniment grand. La toile de fond Ă©tant le commerce et la crĂ©ation d’un mystĂ©rieux produit, une sorte de drogue pour super hĂ©ros, centrale pour l’histoire, le Composant V, et l’entrĂ©e (ou pas) des Sups’ dans l’armĂ©e, tandis que des super vilains semblent se manifester Ă  l’autre bout du monde.

Girls and Boys

Au cƓur de cette tourmente, Hughie, nouvelle recrue des Boys, et Starlight, nouvelle recrue des Sept. Un destin croisĂ© plutĂŽt bien Ă©quilibrĂ© qui surprend et s’affranchit, aprĂšs une rencontre Ă©vidente, des poncifs du genre. RomĂ©o et Juliette en herbe issus de familles qui se dĂ©testent, mais vĂ©ritable couple en devenir qui tĂątonne et se cherche, bien dĂ©cidĂ© Ă  casser les cloisons. Starlight brille de mille feux (sans jeu de mots) et prend une Ă©paisseur rĂ©elle au fil des Ă©pisodes.

D’abord pastiche de Miss Arizona, jeune fille modĂšle, petite fiancĂ©e de l’AmĂ©rique, elle explose au fil de la sĂ©rie, s’affranchissant de la bien-pensance bigote, d’une mĂšre cĂ©libataire castratrice qui vit par procuration, du machisme gĂ©nĂ©ral de ses pairs et du rĂŽle de faire-valoir du hĂ©ros pour embrasser son rĂŽle et ses convictions et faire bouger les lignes, trouvant un support improbable chez Queen Maeve qui conclut d’un lapidaire : “Ici il n’y a qu’une place de connasse insensible, et le rĂŽle est dĂ©jĂ  pris”, fĂȘlant au passage la carapace de la reine amazone et ouvrant de nouvelles dimensions au personnage. The Boys est une histoire de garçons oĂč les filles ont des rĂŽles majeurs, et souvent un majeur bien tendu.

We could be Heroes, just for one day

DerriĂšre The Boys et ses auteurs, ici consultants, on retrouve un parterre avenant de talents dissimulĂ©s. Du camĂ©o improbable de Tara Reid ou Haley Joel Osment plus Ă  ça de l’auto-caricature, c’est surtout du cĂŽtĂ© de la prod' qu’on retrouve quelques copains : la plume gouailleuse et sans ambages de Seth Rogen et d’Evan Goldberg (This is the End, Sausage Party, The Interview, Supergrave, Ali G, Pineapple Express), qui laisseront leur place pour raison de calendrier Ă  Dan Trachtenberg, dĂ©jĂ  remarquĂ© sur Black Mirror et 10 Cloverfield Lane, le tout encadrĂ© par Mr Eric Kripke, le gĂ©nial papa de Supernatural, le showrunner insufflant Ă  nouveau ce goĂ»t de la parodie, ce second degrĂ© perpĂ©tuel liĂ© Ă  une vraie envie de dĂ©sacralisation.

Quand Stranger Things s'attaquait Ă  la folie des 80's, il le faisait comme un appel Ă  la nostalgie. The Boys s'inscrit lui totalement dans son temps, venant Ă©gratigner l'aseptisation des discours et des mĂ©dias de 2019 en lorgnant d'un Ɠil torve vers l'hypocrisie des rĂ©seaux sociaux qui voient les Likes monter de maniĂšre proportionnelle aux bouts de peau dĂ©voilĂ©s dans des clichĂ©s travaillĂ©s et photoshopĂ©s ne laissant plus de place au naturel. Tandis que le monde s'incline devant des films toujours plus communs et proches dans leur approche, des produits marquetĂ©s plus que de raison, et que le vert des campagnes s'efface devant celui du fond des studios en une triste allĂ©gorie, il arrive encore que des voix s'Ă©lĂšvent : des voix grinçantes qui font comme elles peuvent pour exister dans la cacophonie gĂ©nĂ©rale.

À cause des garçons

Oscillant entre l’irrĂ©vĂ©rence gratuite, comme un adolescent fluorescent qui cherche Ă  tester les limites de l’autoritĂ©, et la fable cynique qui veut gratouiller l’establishment, The Boys est une sĂ©rie surprenante qui fleure bon le poil Ă  gratter. En jouant sur la mode du super hĂ©ros, elle ne cache pas un certain opportunisme et s’en amuse mĂȘme, jouant de cette cĂŽte comme on dĂ©tourne un code, le regard canaille et le sourire enlevĂ©. SĂ»re d’elle et de ses atouts, ignorant le qu’en-dira-t-on, relĂ©guant le politiquement correct dans un coin mais consciente d’ĂȘtre diffusĂ©e sur une plateforme loin d’ĂȘtre neutre, la sĂ©rie sait pondĂ©rer son discours en jouant de ses propres paradoxes.

Tandis que Disney, grand patron de l’industrie Marvel, se targue de proposer demain des contenus tous publics, poursuivant l'aseptisation de l’industrie du rĂȘve et le formatage global du divertissement, il semble qu’il en est, de l’intĂ©rieur, qui continuent de croire. Croire que ce n’est pas parce que tu te sens offensĂ© que cela signifie que tu as raison, et qu’un peu de contre-culture peut ouvrir quelques chakras. Et faire fermer des gueules. Tout en restant un produit de grande distribution, la recette de The Boys sait rester simple. Elle est seulement un peu Ă©picĂ©e, et ne se targue que d’ingrĂ©dients communs mais bien agencĂ©s. De l’idĂ©e, de l’envie, de la maĂźtrise. Et un peu de sucre en poudre.

CrĂ©dits : Amazon Prime & Dynamite Entertainment

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