Après deux saisons de The Mandalorian qui ont redonné un peu d’espoir aux déçus de la saga Star Wars produite par Disney, et un Livre de Bobba Fett laborieux et dispensable, les équipes de Lucas Arts ont décidé de jouer leur va-tout. La série Obi-Wan Kenobi, qui signe le grand retour d’Ewan McGregor et d’Hayden Christensen était attendue comme l’Élue de la Force. Mais a‑t-elle su vaincre ses démons et restaurer l’équilibre dans la production ?
Sur le papier, la série Obi-Wan Kenobi a tout pour cartonner. Contrairement au Mandalorien, ici pas besoin d’introduire un nouveau personnage ou de nouveaux enjeux – ou de nouveaux doudous. Et par opposition à Boba Fett, qui s’était distingué par son mutisme et son mystère dans la trilogie originale, et son inutilité et son absence de charisme dans sa propre série, Obi-Wan est un personnage riche, central et plébiscité. Qui plus est, il est incarné par un acteur talentueux et aimé par les fans de Star Wars, y compris les nombreux détracteurs de la prélogie, qui concèdent facilement la qualité d’interprétation d’Ewan McGregor dans leur argumentaire à charge. En campant sa voix et son accent sur le phrasé d’Alec Guinness, l’acteur écossais s’est imposé comme une évidence dans les robes de bure du Jedi, l’accompagnant de sa période de Padawan dans l'Épisode I à celui de Maître dans l'Épisode III. Il joue ici les prolongations, la série Obi-Wan prenant racines près de 10 ans après les évènements narrés dans La Revanche des Siths. Ainsi, si on est plutôt contents à l’idée de découvrir enfin les années de garde et de solitude du Jedi vieillissant, y avait-il vraiment matière à raconter quelque chose qui mérite les longues heures de récit d’une série TV ?
Enter Sandman
Tout avait pourtant très bien commencé. Contrairement à ce à quoi Disney nous a habitués depuis qu’il a repris les rênes de la saga, la campagne de promo n’a pas été avare en fan service et en réhabilitation de l’arc de la Guerre des Clones entamé avec l’Épisode II. Après Ewan McGregor, c’est Hayden Christensen qui fait son retour dans la saga. Comme un alignement de planètes. Si le retour de l’un était évident, celui de l’autre était sujet à spéculations. En effet, Christensen n’avait pas été épargné par les critiques, et ce dernier s’était mis quelque peu en retrait du monde du cinéma, s’autorisant çà et là quelques rôles pour la forme. Son retour dans les bottes de Darth Vader s’accompagne de nombreux espoirs, comme celui d’un match retour dantesque entre les deux frères ennemis, énormément discuté dans la campagne de communication imaginée par les producteurs. Chose incroyable, dans le trailer de la série, c’est la musique iconique de l’Épisode I, Duel of the Fates, qui retentit. Réutiliser les musiques iconiques ? Un procédé pourtant simple et évident que les décideurs de Lucas Arts n’ont eu de cesse d’éviter soigneusement. La tension était à son comble lors du season premiere en mai dernier. Kathleen Kennedy a‑t-elle enfin décidé d’arrêter d’occulter la prélogie et de peut-être la célébrer ?
Je pense que beaucoup de fans ont été pris au cœur en découvrant les premières minutes du premier épisode. Non seulement la série Obi-Wan s’ouvrait sur un montage fait d’images issues des Épisodes I, II et III, mais en plus on découvrait des flashbacks inédits tournés pour l’occasion mettant en scène des événements qui donnent un éclairage nouveau sur l’époque du coup d’état de Palpatine. Quelle mouche a bien pu piquer les pontes de Disney ? Après une trilogie sans queue ni tête qui a mis un point d’honneur à désacraliser son héritage et à déconstruire méthodiquement sa légende (soit par choix, soit par indigence, soit les deux à la fois), assisterait-on à un rétropédalage légendaire ? Il faut dire que les dynamiques lancées par Jon Favreau, Dave Filoni et Taika Waititi sur le Mandalorien ont dû faire discuter en haut lieu. Et l’exemple du succès spectaculaire du récent Top Gun : Maverick, qui s’assume complètement comme divertissement franc et généreux célébrant le passé en proposant du neuf, doit enfoncer le clou dans les derniers meetings des hautes tours où tout se décide et où la norme est à la politique du 'tuer le père'.
Obi fait de la résistance
La série Obi-Wan Kenobi s’inscrit comme un trait d’union entre d’un côté la prélogie et sa conclusion terrible, et le début de la trilogie originale et son crescendo. Dix ans après le coup d'État qui voit la naissance de l’Empire, le vieux Jedi est reclus sur une planète de la bordure extérieure bien connue, Tatooine. Sur ces terres sableuses, il surveille l’un des jumeaux de son ancien frère d’arme, laissé pour mort sur le sol incandescent de Mustafar. Comme prévu à la fin de La Revanche des Sith, Obi-Wan surveillera Luke sur Tatooine tandis que celui-ci sera placé dans sa belle-famille, et le Sénateur Organa adoptera Leïa sur Alderaan. Ce que l’on sait alors de la série c’est qu’elle se place avant Un Nouvel Espoir, où Luke ira chercher de l’aide auprès du ‘Vieux Ben’, suite à un appel au secours enregistré par la Princesse Leïa. Alors que raconter dans cet intervalle ?
Comme dans Rogue One, l’époque où se déroule la série Obi-Wan voit la pleine puissance de l’Empire et l’oppression des populations à son paroxysme. Mais ici, la Rébellion n’existe pas encore – peut-être en apprendrons plus sur sa fondation dans la série Andor prévue pour le mois d’août ? – et le joug de la dictature de Palpatine est omniprésent, même aux confins des planètes éloignées de la Bordure Extérieure comme Tatooine. L’Inquisitorium, une sorte de police de choc répondant directement à Vador traque les Jedi survivants dans toute la Galaxie. Avec ses membres qui s’appellent par les titres de Deuxième Frère ou de Troisième Sœur, leurs habits noirs et leurs sabres laser rotatifs rouge, ces anciens Jedi brisés forment une Gestapo de l’espace qui ne recule devant rien pour atteindre ses objectifs. Introduits dans la série animée Rebels, cette formation de l’horreur invite des personnages comme Le Grand Inquisiteur à faire ses premiers pas en live action, ici sous les traits de Rupert Friend.
Quand t’es dans le désert…
Alors qu’on s’attendait à voir Obi-Wan protéger Luke, il faut reconnaître que la production nous a bien laissé tirer nos conclusions en se gaussant joyeusement. Contre toute attente, ce qui vient troubler l’exil du Jedi, c’est Bail Organa, car Leïa a été kidnappée. Mais 10 ans après les événements tragiques de l’Épisode III, Obi-Wan panse encore ses blessures. Résigné, il vit retiré du monde, seulement guidé par ses besoins vitaux et sa garde de Luke. Il s’est coupé de la Force et reste profondément traumatisé par ses actes et la conclusion de la Guerre des Clones. Chaque nuit est un cauchemar où il revoit son combat contre Anakin sur Mustafar, et il sombre autant dans la dépression que la paranoïa. En un mot, il n’est plus que l’ombre de lui-même, rappelant même un peu dans sa déchéance le Luke aigri et démissionnaire de l’Épisode VIII. Mais la comparaison s’arrête là car Deborah Chow, aux commandes de la série, n’a pas souhaité, elle, détruire entièrement son personnage.
La première pirouette de cette série Obi-Wan Kenobi est donc de nous emmener là où ne s’attendait pas à aller : à la rescousse de Leïa. Incarnée ici par Vivien Lyra Blair déjà aperçue dans Bird Box au côté de Sandra Bullock, la jeune comédienne y campe une princesse de 10 ans déjà effrontée et très (trop ?) éveillée pour son âge. Avec ses répliques passives agressives et son franc parler, elle mime la prestation de Carrie Fisher et parvient tant bien que mal à se glisser sous les coiffures improbables du personnage. Enlevée par Flea, le bassiste star des Red Hot Chili Peppers lors d’une scène de course-poursuite dans la forêt hélas grotesque, la relation qu’elle tissera avec le Jedi comble un des plus grands vides de continuité de la saga ; oui, on sait maintenant comment et pourquoi Leïa appelle Obi-Wan à l’aide au début de l’Épisode IV. C’est d’ailleurs une des réussites de la série qui va s’employer tout du long à combler les vides et incohérences encore non réglées afin d’assainir une lecture chronologique de l’ensemble des films et séries Star Wars. Mais nous y reviendrons.
Dark adore
Mais qui donc est derrière l’enlèvement de la jeune princesse ? Parmi les nouveaux personnages introduits dans la série, La Troisième Sœur, Reva Sevander, se distingue clairement. Interprétée avec plus ou moins de finesse par une Moses Ingram qui fait ce qu’elle peut avec ce qu’on lui donne à jouer, le personnage très monobloc et obsessionnel est conduit par des motivations difficilement compréhensibles et suit sur un arc convenu où l’on questionnera volontiers la pertinence et la logique de ses décisions. Une trame inédite qui sert de fil rouge à la série mais qui peut nous laisser sur la touche. Oui, dans une série intitulée Obi-Wan Kenobi, on pouvait s’attendre à plus… d’Obi-Wan. Les autres Inquisiteurs sont d’ailleurs plus là pour la forme qu’autre chose. Leurs dissensions n’ont aucun sens, leur inaction tout autant. Un groupe d’élite sans pitié, utilisateurs du côté obscur (sans être Sith) répondant directement à Vador laissés pour compte malgré les six épisodes de la série. Un traitement de l’ordre à peine plus intéressant que celui des Chevaliers de Ren, et une vraie déception au regard de ce que leur apport au légendaire pouvait laisser espérer d'affrontements avec des jedi en fuite. Non. Quand ç'eut été possible, leurs actions sont hors champ.
Mais cette mise en retrait des Inquisiteurs se fait au détriment de leur donneur d’ordre. Non pas le Grand Inquisiteur, autant absent pas son rôle que pas son charisme en comparaison à la série Rebels, mais bien Dark Vador lui-même. Si le Seigneur Noir se fait un peu désirer au début, son entrée en scène est plutôt bien amenée. On y redécouvre ce personnage sans pitié, absolu, qui ne s’encombre d’aucune morale. Le Vador qu’on découvre dans la série Obi-Wan ressasse encore les échos de sa vie d’avant et subit les conséquences de son combat perdu contre son ancien maître. Homme de main de l’Empereur, il n’est pas encore le N°2 de l’Empire, mais bien ce limier enragé missionné pour anéantir les survivants de l’Ordre 66.
Tombe la gêne au Sahara
Mais laissons-là le récit pour éviter les spoilers, même s’il faudra discuter de certains points cruciaux arrivés à un moment de notre réflexion. Obi-Wan Kenobi est une série frustrante. Comme on l’a vu, il y a beaucoup de choses à raconter. Comment notre héros gère-t-il les événements qu’il a vécus à la fin de la prélogie ? Comment Vador évolue-t-il dans le côté obscur et la hiérarchie de l'Empire ? Comment a été créé l’Inquisitorium ? Quels Jedi ont survécu ? Comment l’Empire exerce-t-il son hégémonie sur la galaxie ? Autant de points qui ne seront pas abordés dans la série. Ou que superficiellement. Sur le papier, Obi-Wan a tout pour séduire, mais entre l’intention et le produit final, il existe un monde. Si le choix d’emmener le spectateur ailleurs que là où il s’attend à aller, plus du côté de Leïa que de Luke, est intéressant, on reste perplexe devant la justification et la motivation qui mènent à cet état de fait, pourtant déclencheur du récit.
Comment Bail Organa, à la tête d’une planète entière finit-il par aller chercher de l’aide auprès d’un hors-la-loi en fuite, quasiment ennemi N°1, le soustrayant à son propre devoir, plutôt que de faire appel à son réseau et ses forces personnelles ? Comment Leïa peut-elle se faire enlever par trois péquins incapables de contourner une branche ? Comment une enfant d’à peine 10 ans résout-elle des problèmes que des adultes peinent à affronter ou à leur donner des ordres ? Comment une Inquisitrice sans pitié se fait-elle balader par cette même gamine dans une pseudo scène d’interrogatoire niveau cour de récré ? Se faisant, le scénario enchaîne les incohérences et les facilités qui brisent la suspension de crédibilité. Obi-Wan qui grille la fausse identité de Leïa, une barrière décrite comme incontournable d'au moins 1m de haut au milieu du désert, des personnages inutiles et inexploités… On finit par se demander à quoi servent les Inquisiteurs, si ce n’est à rouspéter après Reva. Pourquoi Obi-Wan ferait-il confiance à Haja ? Comment personne ne voit Leïa sous ce manteau, ou comment aucun radar n’a vu arriver les Speeders qui sauvent la mise aux Héros dans le QG de l’Inquisitorium ? Des raccourcis ou des erreurs grossières à peine dissimulées. Et ce, sans parler de la gestion des distances et durée de transport entre les différents lieux, tout aussi catastrophique.
Épique en toc
Comme si cette écriture feignante où les personnages sont plus des fonctions utiles que de vrais protagonistes ne suffisait pas, il faut aussi aborder le plan-plan de la mise en scène. Une fois de plus, l’utilisation à outrance de la technologie Volume saborde toute velléité côté réalisation. Aux incrustations mal faites s’additionnent des décors trop souvent vides et une absence de lumière qui masque toute perspective, comme pour dissimuler la tristesse des environnements. Les combats sont laborieux et sans ampleur, souvent filmés sans envie quand les scènes d’action sont étriquées dans des paysages forcément fermés. Comme sur les séries Disney de la plateforme, la caméra est posée à hauteur de regard et enchaîne les plans sans inventivité. Eh oui, il faut bien rester dans le cadre de l’écran de fond, dans le petit décor prévu, avec au maximum 3 – 4 personnages à l’écran.
Et ne me parlez pas d’une séquence d'atterrissage ou de décollage, d’introduction d’un lieu ou autre pirouette sommaire faite en CGI cheap avec un pauvre travelling ou un pano syndical. Une réal low cost conditionnée par un budget avare qui ne permet pas à l’univers de transpirer hors de l’écran. Et si sur The Mandalorian nous n'avions pas d'élément de comparaison, ici l'existence même de la prélogie, y compris dans ses moments les plus discutables, fait souffrir la dernière production de l'univers Star Wars. Un show oubliable même pas servi par sa bande son, qui tarde à réintroduire ses hymnes emblématiques et qu’on aurait stoppé à mi-saison s’il ne proposait pas un éclairage nouveau sur la relation entre le Maître Jedi détruit de culpabilité et l’élève en quête de vengeance.
En marge de tous ces problèmes réels, un supplément d’âme parvient à nous tenir en haleine. La déchéance d’Obi-Wan, aussi justifiée que triste, le fanatisme de Vador, le lien qui les unit… Autant d’éléments qui participent à la grande tragédie des deux héros qui trouvent dans la série un nouveau chapitre captivant. Retrouver le Maître Jedi, Général de la République coupé de la Force, réduit à la condition d’ouvrier résigné, sans espoir est poignante. La détresse qui transparaît sur les traits d’Ewan McGregor lorsque son personnage apprend qu’Anakin est encore en vie ouvre la porte à un espoir certain malgré les défauts flagrants de l’ensemble.
Comme un ouragan, la tempête en moi a balayé le passé
La première rencontre entre les deux hommes, risible de prime abord, notamment à cause de cette réalisation discutable qui saborde toute envolée dramatique échoue à convaincre, malgré une lecture en creux substantielle. Oui ce que l’on voit n’est pas foufou. Oui il y a des problèmes de montage sur les entrées et sorties de champ. Oui on peut critiquer l’incohérence de sa conclusion ou l'aspect cosplay des costumes, mais la motivation de Vador, sa rage contenue, son début de vengeance est compréhensible. Il se pense hors-sol, joue avec son rival et cherche surtout à l’humilier avant de l’anéantir. En lui faisant subir le genre de blessures qu’il a subies, il joue au chat avec une souris prise au piège, s’amuse de sa proie et se délecte de ses actes. Chacun a ses petits secrets cathartiques, qui sommes-nous pour juger après tout ?
Puis vient l’épisode 5 où Obi-Wan fuit encore le combat. À ce moment de son arc, l’ex-Maître Jedi a retrouvé un peu de sa superbe, mais il reste affligé par ses émotions et terrorisé par son ancien élève. Si l’affrontement épée à la main n’est pas pour cette fois, c’est un duel psychologique qui se pose, intelligemment illustré en toile de fond par un flashback qui revient sur Coruscant à l’époque de l’Épisode II. L’occasion de retrouver le visage d’Hayden Christensen, sans doute pas assez rajeuni pour coller à la temporalité, mais convaincant dans le rôle. S’il n’est pas encore apte au combat, Obi-Wan voit sa détermination se réaffirmer peu à peu comme le souligne ce flashback, et son charisme naturel de leader reprend le dessus doucement.
Allumé nos vies, c'est un incendie qu'on ne peut plus arrêter
Il faudra plusieurs sacrifices pour qu’enfin il reprenne confiance en lui. Si celui de Tala permet une sortie par le haut à l’intrigante espionne, c’est surtout le retournement de situation engendré par la trahison de Reva qui marque un vrai changement. Pour Obi-Wan, un début d’acceptation. Pour le spectateur, un regain d’intérêt. Pas pour la Troisième Sœur qu’on avait vue arriver à des kilomètres, et dont on questionne encore les motivations ; mais bien pour Anakin-Vador qui apparaît une fois encore magnifié dans un combat sans concession, véritable appel de pied à la fatalité qu’il représente et déjà mise en avant à la fin de Rogue One. Un non-combat même, le Seigneur Sith se jouant de son adversaire sans même dégainer. Une démonstration de Force violente, ardente, qui se poursuit dans une scène directement empruntée au jeu vidéo The Force Unleashed.
Cinq épisodes en dents de scie donc, qui sous leur chape de frustration transportent toujours une séquence ou deux qui rattache les wagons. Puis un final en parfaite adéquation avec la proposition générale, aussi touchant que rageant. Encore une fois, nous laisserons de côté les facilités scénaristiques. Le combat tant teasé, le match retour a enfin lieu. Obi-Wan reprend confiance en lui et engage l’affrontement. Dans un énième décor vide et dans une obscurité trop marquée, le duel débute. Il est imaginé comme le pendant de celui de La Revanche des Sith. Dans l’Épisode III, les courants de lave disputaient aux lueurs bleues des sabres-lasers des personnages la lisibilité du combat, filmé de bien trop près pour réellement apprécier l'impressionnante chorégraphie de l’affrontement. Ici, tout se passera dans le minimalisme de la nuit, et seules les armes rouge et bleu des frères ennemis viendront caresser l’objectif de la réalisatrice. L’occasion de sous-entendre le bien et le mal en choisissant qui du sabre-laser de Vador ou d’Obi-Wan éclairera quel visage ou quel casque.
Noir c’est noir
Rapidement mis en difficulté, et pliant sous le poids de la culpabilité symbolisé par cet amas de rocs qui l’ensevelissent, il faudra que le Maître-Jedi aille puiser dans ses sentiments et ses souvenirs d’Anakin, de Padmé, de Luke ou de Leïa pour se transcender. Pas sûr que Maître Yoda approuve, mais ce power-up en mode démarrage au kick débridé sur pot ninja catalysé achève l’arc d’apaisement d’Obi-Wan. Le dialogue et le jeu des deux acteurs à cet instant est une vraie réussite. Une scène poignante d’une crédibilité folle qui fera mettre un genou à terre à tous les fans de la prélogie ou de Clones War. C’est sans conteste une scène qui fera date et qui se permet en plus de justifier un échange considéré comme problématique dans la continuité de la saga autour du destin d’Anakin et des révélations faites à Luke par Obi-Wan… D’un certain point de vue.
La suite de l’épisode, bien terne à côté de ce moment suspendu directement inspiré du duel Ahsoka-Vador dans Rebels, poursuit de creuser la tombe du personnage de Reva et de ses motivations, mais permet à Owen et Beru de briller dans leur rôle de parents adoptifs, laissant entrevoir une facette insoupçonnée et appréciable du couple dans leur rapport à Luke. La fin à tiroirs, elle, riche en caméos et en fan-service achève de combler les derniers décalages de l’histoire et installe correctement les bases de l’Épisode IV.
Toi, le frère que je n’ai jamais eu
Obi-Wan Kenobi est bien la série la plus frustrante de l’univers. Au vu de son potentiel et de l'attachement général à ses personnages, on peut dire que les attentes ne sont pas comblées. Disney et Lucas Arts avaient pourtant de l'or entre les mains… Lente à démarrer et trop engoncée dans des histoires secondaires peu captivantes, ou annonant des poncifs surannés sans inspiration, la série se spécialise dans le roulage d’yeux abusés et les soupirs de déception. À l’image de sa bande son qui rechigne à taper dans le mille en refusant son héritage jusqu’à la dernière minute – le thème inédit composé par John Williams pour le personnage éponyme mis à part – Obi-Wan confond simpliste et simplicité. Pourtant, entre deux scènes convenues ou plates, il laisse entrevoir son énorme potentiel. J'aurais aimé plus aimer Obi-Wan Kenobi.
Comme un drapeau qui flotte au vent et ne laisse apercevoir son motif complet que trop rarement, la série passe à côté de son sujet malgré son bagage et ses héros tragiques usés par les sables du destin. Comme disait Anakin : “Je n'aime pas le sable, il est grossier, agressif, irritant et s'insinue partout”. Mais tout désert a aussi ses roses des sables, ces rencontres improbables du fond et de la forme qui confinent au superbe et arrêtent le temps dans son envol. Dans Kenobi, la rose est ce lien entre Obi-Wan et Vador. Leurs espoirs perdus et leurs actes manqués. Les regrets d’une vie qui ralentit ou la contrainte d’un maintien artificiel et la perte de son identité. En de rares moments, en lisant entre les lignes, le temps d’un instant, tout le superflu disparaît pour ne garder que l’essentiel, cet essentiel invisible pour les yeux.
"Je n'ai alors rien su comprendre ! J'aurais dû la juger sur les actes et non sur les mots. Elle m'embaumait et m'éclairait. Je n'aurais jamais dû m'enfuir ! J'aurais dû deviner sa tendresse derrière ses pauvres ruses. Les fleurs sont si contradictoires ! Mais j'étais trop jeune pour savoir l'aimer."
Le Petit Prince, chapitre VIII.